Conférence de Thierry Sanjuan
C’est la grand messe du début du FIG dans l’espace Georges-Sadoul : le public est accueilli par un panel d’IGEN. Philippe Pelletier rappelle la nécessité des liaisons entre universitaires et profs du secondaire ainsi que la nécessité des connaissances empiriques pour l’enseignement de la Chine (d’où l’intérêt de la formation du FIG pour les profs qui ne connaissent pas ce pays) ; Catherine Biaggi rappelle l’importance du numérique. Une information intéressante est donnée : Edugéo deviendra accessible à tous gratuitement a priori après la Toussaint ; Michel Hagnerelle précise que la Chine est présente dans tous les programmes !
Un certain nombre d’interventions pendant le FIG sont filmées et doivent être mises en ligne rapidement (?) sur le site du CNDP.
Bref, la conférence de Thierry Sanjuan commence (site perso. www.geochina.fr, d’ailleurs bloqué en Chine…) conforme à ses habitudes, une géo classique et maîtrisée, plan en 3 parties, 3 sous parties… Sa présentation s’appuie sur un powerpoint.
1. Rapport entre espace et société en Chine
2. Les mutations en cours et les enjeux du futur
3. Place de la Chine dans le monde
L’histoire est importante pour la Chine, notamment ce que l’on appelle le « siècle de la honte », 1839-1949. Les enseignants qui ont pour tâche d’amener les élèves à comprendre la complexité d’un monde multipolaire, doivent mettre en évidence le fait que la Chine est une élément important dans la restructuration du monde.
1. La Chine se caractérise par son immensité, celle de son territoire, de son histoire, de sa population.
Elle n’est pas à l’échelle d’un Etat européen, mais bien d’un continent. La Chine se considère comme le « pays du milieu », un pays qui fait monde, limité au Nord par le froid, au Nord-Ouest l’aridité, au Sud-Ouest les hautes montagnes et à l’Est l’océan ; ce ne sont pas la question des limites avec d’autres peuples non-Han. On ne conteste pas les frontières de l’Etat chinois, ce qui pose un problème pour les peuples de l’Ouest. Il y a acculturation à différents niveaux des peuple à l’intérieur du monde chinois. On peut d’ailleurs se poser la question de quelle Chine parle-t-on dans ce FIG, nulle part apparaît Taïwan !
On ne peut pas dire que la Chine soit alors un Etat nation, l’étranger est vu comme vassal mais avec des degrés différents d’intégration.
Problème de l’identité chinoise, Chinois de l’intérieur ou Chinois de l’extérieur ? ex. des Chinois du XIIIe arrondissement à Paris ; Chinois présents depuis des siècles en Indonésie qui réactivent aujourd’hui leur identité chinoise. La sinité ? c’est une bannière, un idéal revendiqué ou refusé.
La Chine ne devient un Etat nation que sous la pression des nations occidentales fin XIXe-début XXe avec la création d’un ministère des Affaires étrangères.
Un Empire à une échelle continentale, créé en 221 avt-JC, c’est l’unification politique d’une immensité territoriale et humaine.
Les Chinois revendiquent une histoire de 5 000 ans depuis près de 25 ans (au moment où l’on réalise que les Egyptiens ont une histoire plus longue que la Chine…), ce qui pose problème, c’est que les scientifiques aussi reprennent ce discours… L’histoire officielle est recomposée, instrumentalisée.
On trouve une relation de type centre/périphérie : même si les populations locales ne soient pas vraiment contrôlées par le centre ; il s’agit d’un pays unitaire, mais de fait qui obéit à une logique de type fédéral (l’Empire est subdivisé en provinces). C’est ce qui fait que la Chine a peu de chances d’éclater grâce à la souplesse de sa gouvernance. C’est un Etat multi-varié en interne, Etat nation à l’extérieur…
Si le pays est divers, sa population l’est aussi. On considère que 92% de la population est Han et il est tabou d’évoquer la diversité interne de cette population, on commence à peine à l’évoquer depuis les années 80.
Le centre culturel de la Chine se situe autour du fleuve Jaune, mais il y a aussi des revendications d’histoire régionale, notamment dans les périphéries où la diversité ethnique est avérée.
Immensité de la population aussi avec 1,3 milliard d’habitants avec une disparité Est/Ouest. Il y a une sur-représentation des garçons par rapport aux filles. On a aujourd’hui un trop plein de main d’œuvre qui sera suivi d’un manque dans quelque temps et par un vieillissement de la population. La baisse de la natalité commence dès la fin des années 70 avec la limitation à 2 enfants par femme (cf. Historiens et géographes 2011).
2. Il y a encore aujourd’hui création de ZES comme récemment celle à Shanghai avec le yuan convertible.
On assiste à une nouvelle bannière de puis 1992 : les réformes sont pragmatiques et modifient peu à peu le système politique et social (suppression progressive des unités de travail) ; il y a surtout une contractualisation du travail et une privatisation des logements. ce qui a introduit la notion de précarisation. Les vacances sont inventées à la fin des années 90.
En 2001, c’est l’entrée symbolique de la Chine à l’OMC. Le PCC est redéfini en 2002.
Les Chinois réalisent qu’ils sont pris au piège de la globalisation ; le PIB doit croître, il faut occuper une main d’œuvre pléthorique et il faut s’alimenter en matières premières.
La Chine va être contrainte de jouer un rôle mondial alors qu’elle ne s’est pas intéressée au Rwanda, à la Yougoslavie (bien que déjà membre du Conseil de sécurité…) ; maintenant, elle doit s’intéresser aux affaires du monde. Elle de fait liée aux Etats-Unis (par les fonds de pension, les exportation…). Elle est également liée au Japon notamment par des liens commerciaux même si le massacre de Nankin n’est pas oublié.
Il y a un changement de mentalité dans les années 80 par rapport à son histoire, il a été dit que la Chine avait connu le communisme à cause de la France…
En 2008, c’est la célébration des JO, mais c’est aussi les émeutes au Sichuan suite au tremblement de terre et aux effondrements des école mal construites ; c’est également le scandale du lait contaminé et encore la crise mondiale qui touche aussi la Chine.
On discute de la croissance économique de la Chine, supérieure ou inférieure à 8% ? 8 est le chiffre du bonheur…
A partir de 2008/2009, on gère les conséquences des réformes. Nous sommes maintenant concernés par les résultats chinois.
Il y a une crise des infrastructures de santé, d’éducation (surtout dans les campagnes), une montée du chômage ; les revendications environnementales se multiplient, notamment par Internet, les spoliations foncières sont dénoncées…
Le pouvoir central est modernisateur, ce sont les pouvoirs locaux qui freinent. Aujourd’hui l’Ouest se développe à Xian, Chongqing. La priorité est aujourd’hui les petites villes et le développement des infrastructures de transport.
L’opposition ville/campagne commence à s’estomper dans les années 80. La campagne devient l’objet de spéculation foncière. Quand les villes se gentryfient, les espaces ruraux deviennent des espaces récréatifs.
Il y a un problème de définition des classes moyennes : on peut dire que ce sont les populations qui ont pu acheter leur logement au prix du marché, et aujourd’hui une voiture. Le monde rural a éclaté en fonction de son intégration.
3. La rivalité avec Taiwan a duré longtemps, même après la reconnaissance officielle de 1971.
Les Chinois ont appris l’intellectualisme par leur passage dans les universités japonaises.
Les frontières terrestres de la Chine sont issues des traités inégaux, elles sont finalement reconnues dans les années 90 (même s’il reste des querelles avec l’Inde). En 1990, le recul de Taïwan et la faiblesse du Japon permettent à la Chine de davantage s’affirmer. Il existe un sentiment d’encerclement par les États-Unis, qui se retourne en une agressivité envers le Japon (meilleur allié des EU dans la région comme l’affirme G. Bush). Depuis la fin des années 90, la Chine commence à intervenir dans différents conflits (mesures pacifiques) , de nouveau rapports de force s’établissent (il est intéressant de revoir aujourd’hui le film de Jean Yann « Les Chinois à Paris » ,1974).
Les présences chinoises dans le monde ? Quelle est la notion de puissance pour la Chine elle-même ? Veut-elle devenir une hyper-puissance ? le gendarme du monde ?
Il s’agit avant tout d’un régime autoritaire qui veut garder la main par la croissance économique en interne et le nationalisme en externe.
Les acteurs sont nombreux, les entreprises privées ou nationales, les étudiants… mais ne sont pas tous instrumentalisés.
Les Chinois sont de plus en plus présents en Afrique, sommet sino-africain en 2006 mais les types de présence sont très différents.
Il y a une nouvelle dimension culturelle de la Chine, elle exerce de plus en plus un attrait sur les jeunes. Les instituts Confucius se multiplient dans le monde, poussés par Pékin ; ils encouragent la diffusion du mandarin et la culture chinoise (qui se veut un autre universel) ; des partenariats sont installés avec les milieux intellectuels et la recherche locale, ils financent des sujets de recherche sur la Chine (et on ne parle plus des sujets qui fâchent, Tibet, Taïwan…).
Aujourd’hui le nombre d’élèves qui apprennent le chinois en France a été multiplié par 400% !
Conclusion. Doit-on s’attendre à une guerre des mondes ? La Chine va changer le monde et c’est une revanche sur le « siècle de la honte », mais la Chine ne cherche pas une domination mondiale ; le temps de l’hyper-puissance est terminé, c’est un monde multi-polaire où la Chine sera un acteur majeur (mais est encore 101e pour l’IDH en 2012…) ; on estime qu’en 2060 le revenu moyen d’un Chinois sera 60% de celui d’un Américain.
Les revendications des Chinois sont l’énigme de la Chine de demain, la Chine est son propre défi ! C’est un pays qui a profondément changé depuis le XIXe siècle, et qui aujourd’hui appréhende la culture chinoise à partir de grilles de lecture occidentales.
Présentation en rien révolutionnaire mais qui met très clairement en place le cadre chinois, à conseiller à tous les profs de visionner la vidéo (cf. les connaissances empiriques de Pelletier) quand elle sera disponible.