Attachée à balayer la présence de l’habiter dans les différents niveaux d’enseignement, cette table ronde a été l’occasion de clore la première matinée du Plan National de Formation.

Après avoir évoqué que les programmes se centraient désormais sur l’organisation spatiale des sociétés, notamment au travers des acteurs et des territoires, Catherine Biaggi, IGEN, a montré que la notion d’habiter en est devenu un point central. Le cycle 3 est concerné de manière transversale, les programmes de 6ème (sur l’espace proche), de 3ème (sur la France) mais également de lycée (là aussi, à de nombreux niveaux).

Comme les lieux sont pratiqués, transformés, rêvés, imaginés, il est nécessaire d’introduire les représentations mais également les expériences des individus. Des demandes nouvelles émergent, notamment au sujet de la place des documents.

Prenant ensuite la parole, Véronique Blua, IA-IPR dans l’académie d’Aix-Marseille, est revenue sur la richesse du « territoire », à la fois espace approprié, synonyme d’État ou de pays mais aussi facteur structurant de l’organisation d’un espace.

L’habiter crée du territoire dans le cadre de pratiques variées (se nourrir, se divertir, se loger…), de mobilités variées (de l »espace local à l’espace mondial), de temporalités elles aussi variées (sur la journée, la semaine, la vie…).

Des exemples sont présentés sur les territoires du quotidien que l’on peut aisément étudier « en première intention » (cartes mentales, mises en croquis d’une vue satellite…).

Mais la richesse du thème comporte également une sorte de « revers », des « points de vigilance » qu’il convient d’avoir à l’esprit : ne pas vouloir trop englober dès le début d’année (cas de la 6ème sur l’espace proche), jongler habilement avec la donne culturelle, affective, personnelle (l’enseignant peut ne pas avoir les codes pour saisir ce que l’élève veut dire) et enfin ne pas s’en tenir qu’à l’échelle micro-géographique qui, si elle est importante, n’est pas la seule à convoquer.

Professeur de lycée dans l’académie de Grenoble, Serge Bourgeat est ensuite intervenu pour parler des risques inhérents à l’étude de la mondialisation qui pourrait, s’il on n’y prend pas garde, aboutir à une sorte de « géographie désincarnée ».

On a tendance à trop se centrer sur l’échelle mondiale lorsque l’on traite de mondialisation et l’on a aussi tendance à trop se concentrer sur le volet économique et chiffré, négligeant en cela la dimension de l’habiter.

La question du tourisme peut être un bon exemple pour expliquer ces éléments. Paris, ville mondiale, peut être abordée au travers du parcours de touristes étrangers qu’il est possible de mettre en relation avec les trajets annuels des Parisiens mais également avec les itinéraires d’élèves en sortie scolaire. Un chiffre très parlant est celui qui montre que 1,48 % des Parisiens montent effectivement dans la tour Eiffel. Habiter un espace, ce n’est pas en pratiquer forcément tous les lieux.

Là aussi, la vigilance doit être de mise sur le risque de trop s’en tenir à une échelle de la proximité, sur le fait que les élèves n’ont pas encore l’âge d’être des acteurs hypermobiles, polytopiques et seraient plutôt les acteurs d’une « mondialisation sans bouger » et sur la question des représentations qui doit s’attacher à ne pas être trop réductrice.

La cospatialité s’entend ici comme un outil utile exprimant le fait que les pratiques de différents acteurs sur un même lieu.

L’expérience de la « photo de classe » permet de saisir et de représenter les pratiques de tous les élèves avec cet intérêt affiché d’être personnalisableNotre récent travail sur la spatialité des élèves de cycle 3 s’inscrit dans cette optique: http://mappemonde.mgm.fr/num41/articles/art14101.html.

Ayant présenté la conférence introductive, Elisabeth Dorier, professeur à l’université d’Aix-Marseille, complète le propos avec la question des manuels scolaires. Le cas classique de New-York est intéressant car il présente souvent une ville sans habitant (vues aériennes larges ciblées sur les bâtiments). Il est donc opportun de montrer que la ville a justement plusieurs facettes : si l’une est celle de la puissance financière de quartiers où les pauvres ont été écartés, l’autre est celle d’une ville attirant fortement les populations étrangères, à l’image des latinos se retrouvant dans des cultures communautaires. L’oeil du jeune géographe élève s’éveille et s’aiguise progressivement pour casser les poncifs habituels.

Terminant la discussion, Pascal Clerc, maître de conférences HDR à l’ESPE de Lyon, évoque l’idée que la géographie a pour finalité « la compréhension du monde contemporain », une formule lissée et érodée certes mais qui a pour ambition de faire rentrer l’élève dans la « pensée complexe ». Le but est de former des citoyens « actifs ».

L’habiter peut constituer une occasion de réconcilier les savoirs et les pratiques. En précisant bien que l’ensemble des échelles peut se trouver dans une échelle, autrement que le tout est dans la partie mais que la partie est dans le tout, il convient de garder à l’esprit la nécessité d’une certaine vigilance également. Des élèves peuvent être moins mobiles que d’autres et ne doivent pas en cela être stigmatisés.