Animé par Guillaume Fourmont (revue Carto), cette table ronde a donné la parole à trois intervenants pour présenter trois terrains : Elisabeth Dorier (université d’Aix Marseille) sur le golfe de Guinée, Laurent Gagnol (université d’Artois) sur le Sahel et Pascale Nédélec (ENS) sur Las Vegas.
Ces trois exemples ont permis de croiser un certain nombre de questions sur les multiples formes de territorialité, la multirésidentialité, les territoires d’encadrement ou encore la citadinité et le couple tradition/modernité.
Si les terrains et objets de recherche étaient variés, les grands items qui ont guidé toute la discussion ont mené à se questionner sur les notions de « territoire » et « territorialité », avec les multiples formes et dynamiques qu’elles regroupent.
Chez les Touaregs du Sahara et du Sahel, difficile de parler de territoire même s’ils ont des terrains de parcours avec droits d’usage particuliers. La nuance entre habiter et habitat est grande. Le type d’habitat nomade se retrouve dans sa version sédentarisée. On trouve une hiérarchie sociale dans les migrations saisonnières.
Au Sud Bénin là où le chapelet de grande villes portuaires contraste avec le centres urbains précoloniaux, il y a des marquages symboliques, religieux, vaudou. Les paysages se standardisent, les limites administratives apparaissent sans valeur. Le taux de croissance urbaine est passé de 100 à 200 % ces dernières années !
A Las Vegas, les « vrais » habitants (2 millions) ont le « reste » de la ville qui n’est pas touristifié (39 millions sur l’année). Les délimitations politiques sont tout à fait originales dans le cas de Las Vegas. Si la vue satellite nocturne montre une tache urbanisée bien identifiée, les limites administratives montre qu’à l’échelle du comté (notre département), l’intervention étatique est moindre que dans le cas où une municipalité subdivise encore l’espace. En cela, le Strip en est exempt, ce qui l’arrange pour développer et faire vivre ses casinos sans trop de réglementation.
Les échanges sont revenus sur la place de l’administration (étatique et locale) ainsi que sur le découpage territorial (limitation, conflits fonciers, spéculation, lobbying, redistribution des pouvoirs en Afrique, …). Mais c’est bien « l’habiter comme relation à un territoire, un territoire d’appartenance, de droits » qui a été central. Les trois intervenants ont sans cesse bougé les lignes et insisté sur les contradictions : entre le tourisme comme source de souffrance et de prospérité à Las Vegas, la « tradition » et la « modernité » construites en Afrique, provoquant des conflits entre populations locales mais aussi de nouvelles formes de citadinité, ou les programmes de développement d’ONG au Sahel qui visent à faire des nomades des paysans sédentarisés face aux dépossessions de terres. Les formes d’habiter montrées à partir de belles photos et matériaux de terrain ont interrogé les pratiques spatiales, le sentiment d’appartenance au lieu, à la ville, mais aussi le sentiment de reconnaissance des populations.
De l’individu à la société, l’échange s’achève sur un large débat : être, ou non, citoyen. La question de l’agriculture itinérante et en voie de disparition est posée. C’était toute la place du rôle des acteurs, du registre des légitimités face à une inclusion prédominante et une polarisation dans le système en place.