Toujours un plaisir d’entendre M. Lussault géographe aux multiples facettes et compétences qui commence par exprimer son plaisir de ne pas avoir à évoquer les programmes scolaires dans le cadre du FIG… Thème intéressant en débat dû à la nouvelle direction scientifique du FIG (Béatrice Collignon et Philippe Pelletier). Particularité du rapport à l’espace des géographes qui rencontre aujourd’hui un écho en philosophie, sociologie… permet de décloisonner les disciplines.
Parcours d’images dans le FIG (citation de Bachelard). Décision il y a 30 ans de changement dans le sujet de sa thèse, rôle de l’image qui change la photographie (pas une simple illustration), capacité de la géographie à documenter le monde social et de proposer éventuellement des évolutions au politique (caractéristique de Michel Lussault), ce qui n’est pas toujours facile. Intérêt du prospectif qu’il est possible de proposer aux élèves.
Cliché analogique de la Terre, NASA, 1972 (commenté dans son livre « L’avènement du monde ») « blue marble » un des rares exemples de photo analogique et non pas une image numérique. Centrée sur l’Afrique avec l’Antarctique. Se méfier de « l’illusion iconique » cf. Jacques Rancière : il ne suffit pas de montrer une image pour que tout soit réglé, au contraire tout commence. L’image re-présente ce qui est absent (Louis Marin) et elle est aussi liée à la mort. Image clef du processus de la mondialisation au début de l’anthropocène. On n’avait pas de conscience de la Terre de cette manière avant ce cliché.
Image à partir de l’atomium à Bruxelles sur la reconstruction du Heysel, représente une virtualité, quelque chose qui n’existe pas encore. Une image est un dispositif de « monstration » (Louis Marin).
Pour qu’un espace devienne social, il faut qu’il passe par l’image. Il n’y a pas de territoire individuel, même si plus en plus d’individus documentent leur spatialité, ils transforment leur expérience individuelle en spatialité sociale en les partageant sur les réseaux sociaux.
« L’image réfléchit » élément fondamental, toute image a un effet spéculaire, miroir. L’image n’est pas neutre, c’est un dispositif de pensée. L’image « performs » (anglicisme), elle nourrit la dynamique d’action du regardeur, elle est performative. Cf image d’Aylan, mort sur la plage : l’image ici performe ! Aucun pouvoir politique ne peut se passer de l’image ou de la proscription de l’image. L’image n’est pas coupée du social. Le géographe doit s’appuyer sur ce pouvoir de l’image. A garder en tête le lien avec le texte, le narratif, les images racontent.
Pierre Fresnault Deruelle sémiologue barthésien « toute image est une image d’une autre image » chercher l’écart entre les images montrées et les autres qui la troublent, la complètent, la transforment. Quand il y a une première image, mettre en valeur l’élément de genèse. Cf. Rancière, image relation de signification, image + sens. Réflexion qui transforme l’objet géographique.
Cf. « L’avènement du monde » où la réflexion est poursuivie.
Image est intéressant aussi par ce que l’on ne voit pas, qui est occulté (cf. stade du Heysel où le massacre est occulté). Iconographie urbanistique est intéressante pour ce qu’elle ne montre pas. Représentation perdue dans la chlorophylle… du vert partout… surexposé de surcroît.
Levée de terre à partir de la lune, relance la réflexion sur notre positionnement terrestre.
Terre image numérique, couleurs travaillées, centrée sur l’Amérique.
Cartes de l’ONU qui met en valeur la croissance urbaine, mais mise en spectacle. Image rationnalisante mais fait partie de l’imagerie scientifique. La carte est un des documents les plus dépendants de la culture dans laquelle elle est intégrée cf. carte du métro japonais. Et aussi carte de Saint-Dié proposée dans le programme du FIG.
Image de prédilection, méga-image et iconographie du projet urbain : grande richesse qui sert un projet politique, image hybride qui lie des représentations traditionnelles et prospectives. Image normative (place de la République à Paris) qui projette, propose, réfléchit un certain type d’espace urbain normé, dont on infère une spatialité normée. Traduit la façon dont une société gère son imaginaire spatial. Autorité politique qui gère un projet pour redonner un espace à la population, propose la vision d’un espace normatif : espace de la place de la République qui n’avait jamais été donné aux citoyens… 7 janvier autre sens de la place de la République. Pensée aujourd’hui qu’une perfection du design peut avoir un rôle social : de la perfection de la forme, on en déduit des pratiques conformes…
Importance du géo-pouvoir : tout ce qui renvoie aux actions d’instance qui prétendent organiser la vie spatiale.
Imaginaire spatial, ensemble des idées qui permettent de qualifier l’expérience humaine et de l’interpréter… Imaginaire du FIG… Corpus d’idées du droit et de la science qui sont aussi des systèmes de qualification et d’interprétation de l’expérience humaine, mais sont différents de l’imaginaire spatial. Religion fait partie de l’imaginaire, sauf quand elle se transforme en droit, cf. force du catholicisme.
Politique d’asile étudiée par un géographe anglais : étude du corpus juridique mais aussi registres imaginaires. Permet d’enrichir les analyses que l’on peut avoir.
Place de la République, lieu cosmopolite de Paris : l’image propose une représentation blanche… neutre sans cosmopolitisme, même milieu social. Habituel dans ce type de représentation. Exception : ex. belge où des femmes voilées sont représentées. Impossible en France, cf. Seine Saint-Denis… Géographie peut poser des questions simples : qui a le droit d’apparaître ? Qui est non légitime à figurer ? Dissonance entre ce qui peut être vu et ce qui peut être représenté, montre l’importance de la crise en France… A côté de la matérialisation des espaces géographiques, essentiel de la culture générale, il faut renseigner les élèves sur la prise en compte des imaginaires géographiques. Chaque individu en possède une, si ce n’est plusieurs, y compris les géo-pouvoirs !
Intervention stimulante qui renvoie l’auditeur à ses propres pratiques et le pousse à réfléchir… Une cure de temps en temps de Michel Lussault fait beaucoup de bien !