Par Samuel Rufat – Université Lyon 3
Samuel Rufat propose une analyse en contre point des jeux vidéo. L’enjeu d’une analyse géographique ne réside pas selon lui dans une analyse des contenus de ces jeux, jugés trop violents ou pornographiques. Les jeux vidéo sont des produits culturels protégés par la liberté d’expression et sont de ce fait inattaquables. L’enjeu d’un point de vue géographique est de traiter les jeux vidéo comme des produits industriels comme les autres et de considérer leurs effets sur le territoire. C’est donc sur les concepteurs de jeux vidéo que s’est focalisé l’orateur.
Le principal effet territorial des start-up qui conçoivent et commercialisent les jeux vidéo, c’est la régénération des centres urbains notamment à Montréal ou Paris. Les start-up ont réinvesti des friches industrielles, des espaces délaissés, ce qui a engendré des flux de cadres supérieurs, de capitaux et a redynamisé les centres urbains. Cette revalorisation des centres urbains se traduit par une double mise en abîme. D’un côté, il y a une mise en scène de ces villes dans les jeux, ce qui a conduit par exemple certaines d’entre elles a financé la production de jeux vidéo. De l’autre, des publicités pour ces jeux sont peints sur les murs de ces villes. L’impact de l’industrie des jeux vidéo ne s’arrête pas à la recomposition des centres urbains de grandes métropoles. On peut aussi lire la géographie de l’industrie des jeux vidéo sous l’angle de la division internationale du travail.
L’industrie des jeux vidéo repose en grande partie sur des start-up qui se sont multipliées ces dernières années. Les activités décisionnaires de ces entreprises (conception, réalisation, commercialisation, business plan…) sont implantées dans les grandes métropoles mais la production à proprement parler, est souvent localisée en Europe de l’est ou en Asie. Ubisoft, une start-up française, a par exemple délocalisé les activités les plus techniques et répétitives vers l’Europe de l’est. Cette division du processus de production permet à certaines métropoles comme Montréal de devenir des capitales de jeu vidéo avec plusieurs milliers d’emplois (3000 emplois à Montréal).
Cette organisation permet également de bénéficier de subventions et des crédits d’impôts. En France, par exemple les entreprises de jeux vidéo sont subventionnées au nom de l’exception culturelle. La géographie de l’industrie des jeux vidéo favorise l’évasion fiscale. C’est ce qui a conduit Activision Blizzards au centre d’un scandale financier car l’entreprise a payé très peu de taxes (moins de 5% de ses bénéfices) en jouant sur les différences fiscales entre les pays européens.
Le dernier type de critique qui peut être adressé à l’encontre de l’industrie des jeux vidéo est la logique de surconsommation dans laquelle elle s’inscrit. Les jeux vidéo sont en grande partie responsables de l’obsolescence plus rapide du matériel informatique car ils requièrent des machines plus puissantes. Cela génère des déchets qui partent à destination des pays en développement. De plus, les jeux sont énergivores. Ils consomment 20 fois plus d’énergie aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Il y a eu des efforts d’optimisation des machines mais cela ne compense pas l’augmentation de l’énergie consommée. Deux choix ont accru les atteintes environnementales : les jeux en ligne qui nécessitent d’importants serveurs qui tournent en permanence et la connexion permanente des joueurs au serveur des éditeurs de jeu. En effet, pour ne pas perdre les parties, les joueurs doivent rester connectés.