Après les présentations liminaires, l’introduction est faite par Laurent Carroué sur l’Afrique et ses ejeux de durabilité (exemple au Niger les pasteurs nomades migrant vers le sud, les états rentiers du pétrole aujourd’hui frappé de plein fouet par la chute des cours du brut et l’exigence d’un développement solidaire comme articulation essentielle entre territoires et populations).
Quatre points importants : – temps courts/temps longs
- – Des états portés par l’exigence d’une autonomie économique
- – Géopolitique et géo-économie en lien avec la transition démographique
- – Comment articuler territoires et populations ?
Autre problématiques posées par L. Carroué : une Afrique ou des Afriques ? Maghreb-Machrek, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique australe ? Des mises en perspective difficiles ?
Michel Foucher :
L’Afrique Au Sud du Sahara, l’Afrique est bien présente. Il existe aujourd’hui des divergences dans les discours sur l’Afrique Subsaharienne :
- – La croissance africaine « un récit » selon le Financial Times ?
- – « L’africanistan » selon S. Michailof chercheur à l’IRIS, ouvrage publié en 2015.
- – Ou le « décalage africain » limité à quelques enclaves selon S. Brunel ?
Reste des « perturbateurs » qui affectent l’Afrique et soulignent les très importants contrastes. De graves sécheresses ont lieu actuellement et pas seulement au Sahel. De la plus grande pauvreté aux plus grandes fortunes (téléphonie mobile, le ciment et….la bière !(sic))
Ce continent a connu 87 coups d’état depuis le siècle dernier. Des démocraties en Afrique ? Oui au Sénégal, voire la Côte d’Ivoire ( ?) où A. Ouattara veut réformer la Constitution, l’Afrique du Sud, le Kénya… L4afrique reste marquée par l’ethnicité profondément. Du coup, la démocratie favorise l’ethnie dominante, car si vous représentez 25% des inscrits vous perdrez toujours les élections…
Des coups d’états (Burkina Faso et d’autres états…) mais aussi des alternances parfois, du « fatalisme » et de fausses élections démocratiques (urnes bourrées). 9 opérations de la Paix sur 10 ont lieu en Afrique. Ce qui peut légitimer un « Afro-pessimisme» avec le pillage des ressources. Mais en Tanzanie on parle d’ « Africa booming » ! le téléphone portable peut rendre beaucoup de service (on peut payer avec) car il n’y a pas souvent de cartes bancaires ou/et de carnets de chèque! Il y a de l’épargne pourtant…
C’est aussi de grands états démographiques comme le Nigéria, l’Egypte, demain l’Ethiopie…
Il y a autant d’habitants vivant en ville que dans les campagnes désormais en Arique. Des villes, des mégapoles gérées comme Dakar, Abidjan, d’autres ingérables comme Lagos ou Johannesburg (violences ). Il existe aussi de grands états « rentiers du pétrole » ou « Oil exporters » comme l’Algérie, le Tchad, la Nigéria, l’Angola où l’effondrement des cours du baril a provoqué une crise économique qui frappe encore leurs société. L’Ethiopie apparaît selon certain comme le « modèle de pays atelier » avec investissement chinois –salaires très bas, mais éducation présente- et connait un début d’industrialisation. L’Ouganda surpeuplé mais qui commence aussi à s’industrialiser. Le Sénégal est lui aussi en position favorable avec des investissements ; mais l’Afrique du Sud est en mauvaise posture : l’ANC est en déclin, en crise et l’éducation ne progresse guère, des écoles ne sont pas reconstruites..
Intégration régionale ? Oui en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda) comme en Afrique Occidentale mais organisation régionale manquent de cadres (CEDEAO).Alors un afro-optimisme ? Voire… Faut-il donner la priorité au développement ou à la sécurité ? Que prend-on d’abord ?
Le Proche et Moyen Orient.
Des dynamiques régionales dans le temps. Puis fragmentations des états, crises guerres, et résurgences des états ? Place et rôle du religieux, de la religion ? Quelles puissances aujourd’hui ? Recul des Etats-Unis ?
Réponses de Michel Foucher : il faut distinguer Proche (création française) du Moyen Orient qui est la dénomination anglaise de cet espace. Le golfe Persique a bien plusieurs dénominations dans la région.
Pour les uns c’est le golfe arabo-persique, pour d’autres le golfe est arabe. Surtout l’Arabie et l’Iran se dispute le contrôle et la domination régionale sur le golfe actuellement…
Une remarque et une extension : la coupure Maghreb/Machrek est à Syrte en Libye où les deux espaces se rejoignent. A l’ouest influence du Maroc et de la Tunisie, à l’Est influence de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite. Après la phase des mandats, vint celle des indépendances (Irak, Egypte, Syrie), même si certaines formations politiques étaient « transnationales » comme le parti Baas en Syrie.
1979 est bien une rupture. Le régime du Shah d’Iran, modernisateur ( ? sic) est balayé. C’est la revanche des Chiites qui sont plus attachés au nationalisme qu’au religieux (Cf la guerre Iran/Irak où les chiites irakiens combattaient les chiites iraniens). Puis vint la guerre d’Afghanistan, essentielle elle aussi, et ses suites désastreuses.
Enfin 2011, les révolutions arabes. La chute de Ben Ali a fait croire aux occidentaux et aux américains que tous les autres dictateurs allaient tomber les uns après les autres. Ainsi Moubarak tombe en Egypte, Khadafi en Libye et El-Assad devait tomber aussi… Ce sera partout pareil ; las les choses ne se sont pas déroulées comme le pensaient les chancelleries occidentales. Les monarchies ont bien résisté (on a ouvert les robinets à $ pour donner des avantages substantiels au peuple dans le pétromonarchies, la monarchie marocaine a fait de même) et en Egypte la lutte pour le pouvoir entre les frères musulmans et l’armée n’est pas finie.
Au Moyen-Orient, il y a selon lui trois nuances de vert :
- -Les salafistes : les puritains religieux, un courant très ancien. Les Wahhabisme s’est allié aux Saoud pour unifier le pays ?
- – Les Frères musulmans : mouvement important, fondé en 1928, qui s’intéresse au pouvoir (Egypte, Jordanie et très récemment en Syrie, où Assad a fait tirer sur les premières manifestations lycéennes pour mater ce processus avançant comme une traînée de poudre au Moyen-Orient.
- -Les djihadistes : 2 mondes : Islam et la Guerre. Il faut renverser les états vacillant par la Guerre et imposer ensuite la Charia. Très violents contre les pays arabes/monarchies. Leurs buts, au final, c’est de renverser les Saoud, prendre Médine, La Mecque et Jérusalem. Deux groupes :
- – l’ex Front Al-Nosra qui veut exporter le djihad.
- – Daesh, qui souhaite avoir d’abord un territoire et un Califat. Ils vont perdre Mossoul mais vont former des réseaux. Le carburant est religieux, mais la voiture c’est le pouvoir ! en outre, Daesh n’a rien à voir avec le Wahhabisme (c’est une vision anglaise et américaine des choses).
Fin de la guerre ?
Seul un accord entre saoudiens et iraniens pourraient y mettre fin. Mais pour l’Arabie Saoudite le fait que l’Iran soit devenu central pour les E-U est insupportable à leurs yeux.
Question : où en est le conflit israélo-palestinien ? Michel Foucher répond sur un mode un peu provocateur « il n’y a pas de conflit israélo-palestinien »(Sic). Et de renchérir « au risque de choquer » ajoute-t-il, qu’ « il n’y aura pas d’état palestinien». Pour lui il n’y aura qu’un état binational au mieux. Nul n’est obligé d’y souscrire, bien entendu…
Reprise avec L. Carroué, dernière étude de cas : L’EUROPE. Le projet européen caduc ou opératoire ?
L’Europe c’est un « Occident » vu de l’Est, un continent. Pour le conseiller de Pierre le Grand, la Moscovie appartenait bel et bien au Continent européen. L’Oural marque –à priori- ses frontières à l’Est. Mais cette limite n’a jamais été une frontière politique. L’Europe est à géométrie variable : l’OSCE (version modernisée de la CSCE née à Helsinki en 1975) composée de 57 États participants d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, l’OSCE est la plus grande organisation régionale de sécurité au monde !Le Conseil de l’Europe inclut la Russie (De Gaulle voulait rassurer l’URSS déjà dans les années 60), des Institutions et une Union depuis 1992 qui a des limites mais pas de frontières ! Schengen a bougé huit fois de suite, l’UE n’a jamais voulu faire des frontières car son projet fut aussi celui de l’élargissement… Cela a rassuré Gorbatchev que l’Allemagne se réunifie à l’Ouest ! Reste l’Ukraine où la Russie dit niet quant à ce nouvel élargissement, estimant que cet état est dans sa zone d’influence….
L’Europe c’est deux lignes :
- La ligne Schumann pour une Europe politique
- La ligne J. Monnet plus tournée vers le marché.
La Pologne pousse à l’élargissement à l’Ukraine de l’UE, mais le reste de l’Europe n’y est pas favorable.
Au sud le Maroc ce n’est pas encore possible, et au Sud-Est la Turquie pose trop de pbs pour son entrée dans l’UE.
Une dernière question posée par M. Foucher : l’Europe de l’Union doit- elle organiser tt le continent européen ? Une parabole pour y répondre : après la perte de Constantinople en 1453, le pape voulait faire une croisade et reprendre la ville ! ce projet fut abandonné…
Ce qui a fait l’Europe ce sont « les frictions » selon D. Hume. C’est-à-dire des contradictions, des débats, des oppositions, mais descirculation (idées, marchandises, informations, hommes ?) avec une identité singulière. Mais les frontières, car c’est le droit gravé dans le marbre, ce que n’est pas l’Europe.
Au total une conférence intéressante, riche et stimulante, même si la première étude de cas fut la plus convaincante.
Pour les Clionautes, Pierre Jégo le 4/10/2016