Emmanuel Vigneron est géographe (et historien comme il aime à le rappeler) à l’université de Montpellier, c’est un spécialiste des liens entre santé et territoires. Il a entre autres écrit en 2017 L’hôpital et le territoire. Il se présente comme positiviste et quantitativiste et comme qqn qui écrit plus qu’il ne parle.
Jean-Michel Budé qui est juriste de formation et est passé par l’école de Rennes comme tous les directeurs d’hôpitaux anime la revue « gestion hospitalière » devait faire ce café géographique avec son ami Emmanuel Vigneron mais était absent. Ils ont tous les deux visité notamment les 8 CHU construits au Maroc récemment.
Le sujet des patients étrangers à l’hôpital en France est souvent vécu comme une question-débat plus qu’un réel sujet d’étude.
L’hôpital serait de plus en plus perçu comme un nouveau moyen d’accumulation du capital, un gain, au travers d’un marché lucratif qui s’ouvrirait par une clientèle mondiale haut de gamme. Cette dynamique mercantile va de pair depuis la IIIème République avec le rayonnement de la France par son « meilleur système de Sécurité sociale au monde » !
D’autre part, les Français perçoivent le patient étranger comme porteur de maladies infectieuses qui peut être transmises à la population autochtone. Ce qui rentre souvent en conflit avec l’impératif moral : si qqn est malade à côté de chez nous pourquoi ne le soigne-t-on pas ?
La recherche du profit peut-elle avoir sa place dans la santé ? La santé n’est pas un marché ! (DATAR sous Jospin), schéma de service collectif en 1999. Nous sommes tous des étrangers, et pouvons avoir besoin de soin ailleurs ; c’est de notre intérêt de nous protéger de contagion possible. Un tuberculeux sera soigné car il sera hautement contagieux.
I/ L’histoire de la prise en charge de la santé des étrangers en France
L’histoire est indispensable à la géographie => Lucien Febvre : « l’histoire c’est la géographie dans le temps », on retrouve cette idée chez Paul Veyne ou Marc Bloch
L’accueil et le contact avec l’étranger remontent à très loin : Un croisement entre Neandertal et Homo Sapiens a été récemment découvert dans la vallée de la Drôme par exemple.
Cette idée d’accueillir l’étranger est présente dans tout le christianisme. Sachant que le christianisme structure nos lois sociales et notre constitution. Exemple dans l’Evangile de Matthieu, Chapitre 25 verset 32 : « j’étais étranger et vous m’avez recueilli ». Ou encore dans la Genèse : « tout le monde est un étranger sur terre ». On peut aussi reprendre la phrase de Victor Hugo : « lorsque Cain s’enfuit de Jéhovah », « l’homme est partout un étranger à lui-même, car un étranger à Dieu ». Puis Moise qui fuit l’Egypte.
Durant le Moyen Age, l’accueil de l’étranger n’est pas toujours très bon, il reste à l’entrée de la ville, on le refoule ou le tue car il amène la maladie, forme d’admonestation.
L’étranger est toujours vécu comme celui qui apporte le mal, avec la Peste Noire de 1348 (car elle rend la figure noire) et décime la moitié de la population européenne ou le mal de Naples, mal indien qui est la syphilis. En 1919 la grippe espagnole, qui décime davantage que la 1GM où les soldats étaient déjà affaiblis par la tuberculose.
Le Chikungunya, qui est une fièvre hémorragique intermittente.
Bref, le migrant est vu comme porteur de maladie. Sachant que l’étranger peut être celui qui venait de 15km en fait ! Cf. le livre de Delumeau : « La peur en Occident ». Ce préjugé traine.
Avec la Révolution industrielle, la question des étrangers se pose car le besoin d’aide se trouve décuplé, à l’Est ou à Marseille, on fait d’abord appel aux populations issues des campagnes françaises. Puis l’étranger c’est l’Italien, le Polonais, lors du « Petit Traité de Versailles » en 1919. Mais aussi le Breton, le Lorrain, des gens qui ne parlent pas français.
A la fin du XIXe s, la solidarité ne va pas de soi au sein du système capitaliste qui se met en place en France. La IIIème République est en grande partout portée par les protestants français, la Réforme. Exemple de Pauline Kergomard qui créé les écoles maternelles. On crée au ministère de l’Intérieur une société de santé publique et de l’Hygiène. Henri Monod la dirige, descendant d’Agrippa d’Aubigné (lire « L’enfance d’Agrippa »). Monod va être le porteur d’une réforme de 1er plan : la loi de 1893 qui crée l’assistance médicale gratuite pour les résidents étrangers en France. Encore référence Evangile de Matthieu « Souviens-toi qui a été escale en Egypte ».
En 1913 on crée la loi sur les familles nombreuses (comme CAF) avec distribution de l’aide médicale gratuite (AMG). Cela s’applique de manière inégale sur le territoire. Ce clivage n’est pas que politique. On retrouve le christianisme social, centre droit et centre gauche, Pradel et à Lyon, Herriot, y ont leur rôle.
L’AMG devient l’AME de fait. Car l’Etat en 1953 va la contrôler. L’Etat républicain reprend les rênes, met de l’ordre là où il y a du désordre. (Henri Barbusse a écrit « La révolution c’est l’Ordre, elle corrige le désordre ».)
Il n’y a alors pas de régularisation des séjours pour les patients. Mais en 1993, la Loi Pasqua sur l’immigration en France inclut cette notion de régularisation du séjour et de participation aux frais. Cette AMG va fabriquer des exclus du système car ils n’auront même pas tous les mêmes droits à l’aide médicale gratuite.
Par la Loi de 1999, loi de Martine Aubry, la CMU est créée et l’aide médicale d’Etat (AME), qui organise le traitement d’accueil des étrangers en France.
II/ D’où viennent les bénéficiaires de l’AME ?
A 70% ce sont des hommes jeunes entre 20 et 40 ans, c’est donc une force de travail, dont on a besoin en France. Ils sont souvent depuis moins de 5ans en France, des primo-migrants donc. Cela nous montre qu’au bout de quelques années, les bénéficiaires de l’AME sortent du système AME : soit ils rentrent chez eux, soit ils s’intègrent à la Sécurité Sociale.
Ces hommes sont souvent en mauvaises santé, cela limite leur capacité de production. On les voit ainsi comme un fardeau plus qu’une potentialité de richesse. Pour la plupart ils renoncent au soin, du fait de leur exclusion engendrée par leur maladie. C’est illégal : depuis 1929, on n’interdit pas le refus de soin ! mais il y a des évitements…
Ces hommes se déclarent souvent isolés et perdus.
• 50% des bénéficiaires de l’AME sont originaires d’Afrique hors Maghreb. Ils sont là car c’est une conséquence du colonialisme développé depuis 1882. Il s’adresse à la métropole comme « lieu d’excellence et d’intelligence humaine ». Cf. le livre « Sexe et colonialisme ».
• 20% originaires du Maghreb, lien avec les accords d’Evian, traité international qui nous oblige.
• 17% d’Asie.
L’AME ne correspond au remboursement de tous les soins à 100% => limitation des paniers de soin ! Car ce ne sont pas des ayant droits. Ils n’ont par exemple pas de dépassement d’honoraire permis au contraire de la MGEL prend tout en charge par exemple pour les autochtones dans ces dépassements. Or en dermatologie, ça dépasse forcément !
III/ Quelles sont les maladies des bénéficiaires de l’AME ?
Maladies respiratoires, de la sphère ORL et en dermatologie.
Il s’agit de se souvenir de la contribution de ces populations immigrées à la recherche dans la santé française : Cf. L’hôpital Saint louis, musée des moulages qui est un musée des horreurs au final. C’est là qu’est né la dermatologie française Ces étrangers sont des terrains d’observation dociles. Cf. Bucha, qui autopsie plus de 2000 malades en 3ans et après il meurt épuisé, il projette la chirurgie dans le futur, cela se fait sur des étrangers qui ont servi de cobayes.
D’autre part les bénéficiaires de l’AME sont porteurs de maladies infectieuses graves pour 10% d’entre eux. Souvent le SIDA, la tuberculose qui se jugule mieux, Ebola, la Dingue, le paludisme… Ces maladies rares sont parfois mal diagnostiquées par les médecins traitants car ils le voient peu…
Problème psychiatrique pour 25% des bénéficiaires.
La plupart d’entre eux sont connus des soignants, ce qui montre que leur humanité, malgré leur histoire de vie effroyable parfois, est conservée au sein du service de santé (ex : hôpital fondé par Saint Louis dans le banlieue nord à Paris)
IV/ Combien de bénéficiaires compte-on ?
En 2019 on comptait 300 000 bénéficiaires de l’AME, sachant qu’on est 65 millions en France ! Donc ce n’est rien, on dépense pour eux 1 milliard d’euros. (Chiffre incertain).
On les repère mal en France. APhP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) : 25 millions de patients vont à l’hôpital chaque année en France mais certains y vont plusieurs fois dans l’année, c’est plus les séjours qui sont comptés… 30 000 bénéficiaires d’AME parmi eux à Paris. Ce n’est pas beaucoup. Ils vont à l’hôpital pour un simple soin ambulatoire.
L’AME c’est donc 0,35% des dépenses de santé de notre pays . Ce qu’on est capable de donner les uns aux autres en soi.
V/ Où résident les bénéficiaires de l’AME ?
94% des bénéficiaires résident en IDF et petite couronne, sinon Lyon et Marseille, nord de l’Isère, un peu dans toutes les grandes villes…
VI/ Tourisme médical : La santé comme business, pays des rêves et des fantasmes
Cf. Rapport de Laurent Fabius sur l’intérêt qu’il y aurait pour la France de développer le tourisme médical. Si l’affaire était bien menée, cela rapporterait 2 milliards d’Euros en 5ans selon certains économistes charlatans ! Et 25 000 à 30 000 emplois possiblement… mais à les lire cela transpire une haine du système soviétique qui se serait emparé du système de santé français. Haine des syndicats à l’hôpital. Attention aux faux chiffres de la santé qui racontent n’importe quoi : taux de 25% par an de croissance du tourisme médical… c’est n’importe quoi. Tout le monde fantasme sur un possible nouvel eldorado ! Un exemple de cette dérive se voit avec Frédéric Bizard (économiste incompétent qui dit qu’il y a 30 millions de voyageurs français médicaux à l’étranger…)
Or il n’y a que 10 agences médicales à l’étranger (Bulgarie…) seulement. Elles demeurent de statut étranger. A Neuilly ce sont des cliniques privées non lucratives. A Marseille, on a un très bel hôpital avec une suite impériale désespéramment vide avec très peu de personnes.
On peut aussi souligner la coopération transfrontalière hospitalière avec en exemple la convention entre la Belgique et l’Espagne.
Questions :
• Notre système de santé est à bout de souffle, sa mise en place après la 2GM diffère avec les besoins de santé d’ajd qui sont différents ! Le débat sur l’aide médicale aux étrangers clandestins tend à s’amplifier, est-ce en lien avec les réformes actuelles ?
L’hôpital doit il être rentable ? Il faut nettoyer un peu les écuries. Pression sur le personnel hospitalier. On a poussé le système à s’épuiser de lui-même, avec le new management et les pseudos sciences de gestion de moins en moins des sciences humaines. Quel système de santé voulons-nous ? Pour assurer à tous des soins de qualité ?
• Les 0,35% sont biaisés, 1 milliard ce n’est pas négligeable tout de même.
Je n’ai pas moins de droit qu’un autre dans l’accès au soin, c’est toujours moins que nous, souvent ces bénéficiaires travaillent illégalement en plus (grand chantier…). /!\ Racket des timbres fiscaux à 50euros qu’on demande à chaque patient étranger…chaque fois qu’un migrant redemande sa carte d’identité, 200 à 400 euros pour une carte d’un an… ! donc où est le racket ? CE N’EST PAS UNE QUESTION CONSENSUELLE !
Compte-rendu réalisé par Pauline ELIOT,
Pour les Clionautes, 05/10/2019