Sécheresse récurrente et scolytes menacent les forêts françaises et particulièrement celles des Vosges.
Quel avenir pour nos conifères symboles de toute une région ?
Avec Raphaël LARRERE, ingénieur agronome et sociologue,
Rodolphe PIERRAT, Adjoint au directeur territorial Grand Est, ONF,
Jean POIROT administrateur de Lorraine nature environnement
Jean Poirot
Les forêts représentent 75% du territoire du massif, principalement composé de sapin et de hêtres. La situation foncière est particulière puisque les 2/3 sont publics (moitié domaniale et moitié communale) et 1/3 sont des forêts privées.
La situation est inédite puisqu’il y a eu 3 années de sécheresse de suite. Néanmoins, il faut relativiser car l’épicéa est la seule espèce fortement impactée alors qu’elle avait été introduite massivement dans les années 60-70. Il y a même un effet ciseau dans la mesure où l’épicéa est plus sensible à la chaleur alors que son parasite, le scolyte, prolifère grâce à la sécheresse.
Des associations environnementales recommandent de laisser davantage de place à la libre évolution des forêts sur au moins 10% du territoire, d’éviter les cultures monospécifiques (comme cela a été le cas pour l’épicéa) et d’éviter les forêts intensives.
Rodolphe Pierrat
La notion de « tempête silencieuse » utilisée pour pointer les dégâts causés par la sécheresse fait référence à la tempête de 1999. Au niveau européen, les pertes entre les deux phénomènes sont équivalentes autour d’environ 100 à 120 millions de m3.
L’épicéa a été planté massivement dans les années 60-70 car sa croissance était rapide, peu exigeant en eau et pratique pour l’utilisation dans le domaine de la construction. Néanmoins, cette espèce est arrivée dans les Vosges il y a environ 2000 ans, en occupant les tourbières, seuls endroits où il n’y avait ni chêne, ni hêtre.
Selon deux scénarii ; –
- soit les températures augmentent faiblement, alors le sapin se réfugie sur les versants à l’ombre et hêtre et chêne remontent en altitude sur l’autre versant.
- Soit les températures augmentent fortement alors les bois s’acclimatent autrement (diminution de la taille des feuilles ou cycle plus court de renouvellement des épines du sapin) et il sera nécessaire de chercher à planter d’autres espèces.
La région Grand Est veut développer 75 « îlots d’avenir » (1 hectare) afin d’étudier l’évolution d’autres espèces (cyprès d’Arizona, chêne des Canaries, pin d’Alep, pin sylvestre, peuplier). Cela représente un faible pourcentage sur l’ensemble des 1,9 million d’hectares de forêts géré par l’ONF dans la région Grand Est.
En parallèle, mise en place d’une « trame de vieux bois » où on laisse aller la sénescence des arbres et où le bois mort n’est pas ramassé (http://www1.onf.fr/enforet/hourtin/approfondir/faune_flore_biodiversite/20111027-124204-736127?pop:int=1). Cela va à l’encontre d’une coutume de récupérer le bois mort (pour le chauffage ou pour nettoyer la forêt). De plus, il n’y a pas de culture du risque dans les Vosges, puisque la pratique de l’écobuage, l’utilisation de la débrousailleuse à disque (crée des étincelles) ou le jet des mégots en forêts sont encore fréquents. L’ONF prépare une campagne de prévention dans les Vosges pour sensibiliser aux risques nouveaux.
Question du public
Q ; Quid de la chalarose du frêne ?
R ; Le champignon semble souffrir à des températures supérieures à 35°. Il faut éviter de raser les frênes malades afin de favoriser la capacité de résistance de l’espèce, dont on constate déjà quelques points encourageants.
Q ; L’ONF va-t-il être privatisé ?
R ; Les ateliers bois et les expertises vont devenir des filiales mais l’ONF reste une agence publique.