Après le français et les mathématiques, l’histoire va à vau l’eau
Si l’on en croit l’étude réalisée par OpinionWay, parue dans La Tribune Dimanche et portant sur « La connaissance de différents faits historiques chez les jeunes de 16 à 24 ans », il apparaît clairement que nos anciens élèves ignorent leur histoire ou que leurs connaissances sont pour le moins très lacunaires.
Les programmes ?
La faute à qui, se demandera le citoyen et « honnête homme » s’étonnant de pouvoir, lui, répondre positivement à ces questions et s’interrogeant sur la qualité de l’enseignement fourni à ces jeunes… la suspicion est large et la litanie des reproches connue, notamment celui de l’abandon de la chronologie historique par les programmes.
En tant qu’association d’enseignants d’histoire-géographie et utilisateurs aguerris des outils numériques, nous estimons être bien placés pour lui fournir quelques clés explicatives.
D’abord en rappelant une réalité qui ne concerne pas seulement notre discipline mais la totalité de l’enseignement d’aujourd’hui. Malgré des programmes intégrant incontestablement les apprentissages à mémoriser – ici, la chronologie et des connaissances de culture générale – les élèves actuels ont de vraies difficultés à pratiquer un entrainement répétitif nécessaire à l’acquisition solide de règles, concepts, faits, théorèmes…
Apprendre à mémoriser ses connaissances reste un enjeu essentiel
Cela peut sembler étonnant au vu de la quantité de connaissances disponibles en ligne et accessibles facilement. Or c’est justement là tout le problème : les moteurs de recherche leur donnent accès à des réponses quasi immédiatement, tel un deuxième cerveau – selon l’expression popularisée par Michel Serres « les TIC nous ont libéré de l’écrasante obligation de nous souvenir ». Conférence prononcée pour les 40 ans de l’INRIA le 20/12/2007. – mais sans que le travail de la mémoire ne se fasse en profondeur. Pour simplifier, la connaissance acquise rapidement reste extrêmement volatile, si bien que notre « 1er cerveau » s’empresse de l’effacer pour éviter la surcharge, à l’instar de la mémoire cache que nous devons effacer régulièrement de nos navigateurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Quid des outils numériques dans l’école ?
On comprend donc des systèmes éducatifs dans le monde puissent se poser la question de maintenir l’usage des outils numériques en classe… Le ministère suédois vient d’en préconiser le retrait pour l’apprentissage de l’écriture. Mais la solution miracle est-elle de revenir en arrière ? Comme souvent, en matière de politique scolaire, les effets d’annonce sont privilégiés au détriment de politiques à moyen et long terme moins lisibles médiatiquement. Il n’en reste pas moins que cette étude met en évidence une corrélation inquiétante entre les élèves qui « lisent moins de 3 livres par an » et « qui passent 8 heures par jour sur leur smartphone » et qui mettent en doute la réalité de la Shoah…
Nous défendons depuis 25 ans avec la naissance de notre association en parallèle à celle de l’internet pour tous une approche à la fois raisonnée et critique des outils numériques en classe et dans nos pratiques pédagogiques et scientifiques. Nous avions déjà dit dès leur arrivée dans le grand public ce que nous pensions des outils numériques générés par l’IA. Or les débats entre partisans et opposants ont commencé dès l’arrivée des outils numériques dans l’école, créant des « disruptions » que nous avons intégré à nos pratiques et dont ChatGPT & co sont les derniers avatars.
Peut-on utiliser l’IA dans notre enseignement ?
Les usages pédagogiques de l’intelligence artificielle
Deborah Caquet | 6 Mai 2023 | Le numérique dans la classe
Nous n’avons pas peur de le dire et de le mettre en pratique : redonner le goût de l’effort, du travail bien fait, peut se faire aussi à l’aide d’outils numériques d’apprentissage utilisables en classe et à la maison…
Tout à fait d’accord !
Le numérique est une facette d’un problème beaucoup plus général, la baisse du niveau rappelée au début de ce texte
Je suis frappé de voir dans la presse des polémiques qui me paraissent totalement secondaire à côté de ce problème principal, et notamment celles sur le choix des parents entre le public et le privé ou celles sur la mixité sociale.
À mon avis ces polémiques sont, volontairement ou non, une façon d’esquiver ce problème.