Philippe Boulanger
géographie militaire et géostratégique, enjeux et crises du monde contemporain. Armand Colin éditeur, collection U, septembre 2011,302 pages. 27.80 €
Les conflits dans le monde – Approche géopolitique
Armand Colin, Octobre 2011, Collection U
Ce sont deux intervenants, auteurs de deux ouvrages édités dans la perspective des concours qui ont évoqué, devant plus de 200 personnes cette question qui apparaît comme une grande première.
Philippe Boulanger
géographie militaire et géostratégique, enjeux et crises du monde contemporain
Armand Colin éditeur, collection U, septembre 2011,302 pages. 27.80 €
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3652
Béatrice Giblin (Dir.)
Les conflits dans le monde – Approche géopolitique
Armand Colin, Octobre 2011, Collection U
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3663
Béatrice Giblin a été aux côtés de Yves Lacoste, dès les débuts de la revue Hérodote. Elle a fait le choix dans cet ouvrage d’évoquer les territoires comme lieux de conflits, supposant la mise en œuvre de moyens spécifiques.
A l’opposé, Philippe Boulanger a travaillé sur les moyens, avec la renaissance de la géographie militaire. Le militaire a pour mission d’agir sur un théâtre spécifique. Ceci suppose différents moyens.
Dans cette situation, l’approche géopolitique permet de mesurer les rivalités de pouvoir sur les territoires, comme source de conflits.
Les confits territorialisés ont des répercussions sur des territoires beaucoup plus vastes.
Béatrice Giblin : Pour la première fois cette question de la géographie des conflits est soumise aux programmes des concours, ce qui est une façon de reconnaître l’expertise de la géographie dans ce domaine.
La géographie des conflits relève de la géographie générale, et c’est la raison pour laquelle les différents chapitres de l’ouvrage sont autant d’étude de cas.
Pour Philippe Boulanger, dont l’approche est différente, le choix est celui d’une cartographie simple, utilisable directement dans le cadre des concours. Le théâtre pour les militaires est une expression ancienne. Mais en même temps opérationnelle. Les territoires relèvent de la géopolitique. Le conflit s’inscrit dans une approche régionale et en même temps mondiale. En effet, les conflits actuels quelles que soient leurs intensités, bouleversent l’art de la guerre.
Il y a eu seulement cinq conflits interétatiques depuis 1991. Mais des dizaines de conflits internes, différents plus ou moins importants.
Philippe Boulanger a présenté les différents thèmes, notamment sur les industries d’armement.
Denis Retaillé animant le débat évoque les différentes représentations selon les acteurs des territoires et des conflits. On ne voit pas et on ne pense pas les territoires de la même façon.
Pour Béatrice Giblin les conflits de rivalités de pouvoir sont liés aux différents acteurs.
La géographie des réglages est celle des compromis qui évitent ou précèdent ou règlent les conflits. Ces compromis se posent sur les territoires ou des lieux, un argument qui oppose Béatrice Giglin et Denis Retaillé, partisan de la représentation des lieux.
Ce sont les représentations des différents acteurs, qui dans le discours favorisent la mobilisation. La perception des enjeux est différente selon les acteurs, ce qui est finalement logique.
Philippe Boulanger revient sur l’arc de crise, présenté en 2008 sur le livre blanc. Le premier chapitre est consacré à cet espace de l’Atlantique à la région AFPAK, allant sans doute jusqu’aux espaces conflictuels de la mer du Japon. Philippe Boulanger examine également cette notion d’arc de crise qui a le Moyen-Orient pour centre de gravité mais qui touche en partie l’Europe avec le maintien de situations de tension dans les Balkans, le Caucase, l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Est et enfin l’Asie orientale. Les tensions sont multiples et certaines sont déjà très anciennes, comme le face-à-face entre les deux Corée, celui de la Russie et du Japon à propos des îles Kouriles, ou encore les tensions récurrentes entre l’Inde et le Pakistan à propos du Cachemire.
Cet arc de crise a été remis en cause dans la nouvelle version. Un autre espace est également évoqué, mais plus vraiment opérationnel aujourd’hui, celui de l’arc chiite, de l’Iran au Liban en passant par le sud de la péninsule arabique.
L’Iran est sans doute le danger, mais pour les pays arabes sunnites un repoussoir commode. Cette représentation de l’arc chiite peut déboucher sur une mobilisation.
Pour Béatrice Giblin, les ingrédients de la mobilisation sont divers. L’ennemi commun ne suffit pas. L’appropriation du territoire est un puissant vecteur.
Au-delà des situations de tensions extrêmes, les auteurs ont également rappelé les enjeux majeurs que sont les conflits urbains
A Jérusalem, les conflits ne se limitent pas à l’affrontement entre Israéliens et palestiniens, il existe un autre conflit urbain, celui qui oppose les laïques au religieux. Le contrôle du territoire pour imposer un respect total du shabbat résulte d’un rapport de force qui évolue jusqu’à présent en faveur des orthodoxes. Très clairement, l’auteur de cet article s’interroge sur le projet devenu impossible d’une capitale pour deux peuples. Très clairement, s’il n’y a pas d’avancée globale, comme cela peut être envisageable avec la demande d’adhésion de l’État palestinien aux Nations unies, depuis septembre 2011, le statu quo risque de durer encore très longtemps.
Toujours dans les conflits urbains, avec Hervé Théry, dans l’ouvrage de Béatrice Giblin, on s’intéressera à des scènes de guerre dans les favellas de Rio de Janeiro, scènes de guerre qui ont déjà favorisé la sortie de deux films à grand spectacle, Tropas de elite I et II. Ces deux films racontent les affrontements entre des troupes spécialisées de l’armée brésilienne et les unités armées des trafiquants de drogue, divisées en commando rouge et les amis des amis, qui domine les deux plus grandes favellas de Rio, celle du Sud, la Rocinha, et celle du Nord, le complexo do alemao. La reconquête par la force de ce territoire semble d’après l’auteur inachevé, même si les autorités brésiliennes, sans doute avant la coupe du monde de football que le pays organise, entendent bien briser les affaires du crime. Cela passe par le contrôle de territoires, et pas seulement par l’arrestation des barons de la drogue. Pour l’instant le second objectif a été atteint, mais le premier prendra beaucoup plus de temps.
Enfin, pour Karachi, qui est une mégapole de 18 millions d’habitants, la violence ethnique, sectaires et politiques se fait sur un fond d’accroissement de la population, largement liés au combat entre l’armée et les talibans pakistanais en 2010. Avec un taux de croissance démographique de 6 %, la ville pourrait compter 26 millions d’habitants en 2020. Dans cette ville difficilement contrôlable, homme d’affaires, politiciens et bandits se constituent des territoires, sur fond de guerre des gangs. De plus, les talibans pakistanais utilisent la capitale économique et financière du Pakistan pour ce qu’elle est : un lieu où il est facile de trouver de l’argent pour financer le djihad. la fameuse Quetta Shura qui réunit des chefs de tribus marchandes à appartenant à l’ethnie pashtun, semble faire de Karachi une sorte de base arrière pour le financement des actions de talibans en Afghanistan, mais également un point de passage dans cette taxe commerciale en liaison avec Dubaï.
Les conflits environnementaux, les conflits pour les ressources s’inscrivent dans des logiques différentes, mais pour Béatrice Giblin, les questions environnementales se situent dans la géopolitique des conflits pour les territoires et sur la défense de la conception que l’on peut en avoir.
Bruno Modica