Le titre complet, « Le gouvernement des principautés tardo-médiévales : Bourbonnais, Savoie, Dauphiné (XIIIe-XVe siècles) » nous invite à réfléchir aux modes de gouvernement de principautés confrontées au Saint-Empire et à la montée en puissance du royaume de France.
Table ronde avec :
- Marie-Lise Fieyre, docteure en histoire médiévale. Sa thèse (2017) : « Bâtards de princes : identité, parenté et pouvoir des enfants naturels chez les Bourbon (XIVe-milieu du XVIe siècle) ».
- Pierre Brugnon, doctorant en histoire médiévale. Thèse en préparation : « Jamais ne bovray de vim, Tam que mon cuer vangiez en soye » – Noblesses remuantes, turbulentes ou frondeuses en Savoie (XIV-XVes)
- Ronan Capron, doctorant en histoire médiévale. Thèse en préparation : « Le Valentinois à la fin du Moyen Âge : la communauté rurale et ses membres à travers la crise et la reconstruction (XIVe-XVIe siècle) »
- Florentin Briffaz, animateur de la table ronde, doctorant en histoire médiévale. Thèse en préparation : « La noblesse dans la mouvance du prince dans les Etats nord-occidentaux de Savoie (mi XIIIe – mi XVe siècles) »
En Dauphiné, les ruraux médiévaux faisaient de la politique !
Ronan Capron :
Le Dauphiné connait comme ses voisins une situation critique sur le plan démographique après la grande peste du milieu du XVe siècle. S’y ajoute la prolifération des « routiers », bandes armées qui rançonnent les populations. Pour lutter contre les routiers, l’évêque de Valence réunit les Etats des 3 ordres (clergé, noblesse et roturiers). Ceux-ci autorisent l’évêque à lever l’impôt avec un montant fixé à l’avance et pour une durée d’un an. Pour atteindre le quorum, les ruraux doivent y siéger à 2 par village.
Malgré la perte des minutes des séances, on peut néanmoins reconstituer leurs demandes. En échange de leur accord, les gens du peuple réclament avoir droit de regard sur les décisions concernant la défense de « la patrie de l’Eglise ». Or on a trace de mécontentements via des appels au Dauphiné voisin pour les défendre et lui payer « la sauvegarde ». D’où le refus de la contribution à des dirigeants inefficaces : les ruraux sont donc acteurs et les dirigeants doivent en tenir compte.
Amédée VIII de Savoie, la diplomatie d’abord
Pierre Brugnon :
Le duc Amédée VIII, considéré comme le Salomon de l’époque et l’arbitre entre le royaume de France et la Bourgogne pendant la guerre de Cent Ans. Fin diplomate, il est élevé à la dignité de duc en raison de la position stratégique de la Savoie sur les cols alpins. De sa capitale, Chambéry, il parvient à éviter des conflits directs avec ses voisins.
Mais son fils héritier, Louis « prince du Piémont », résidant à Turin, a des vélléités guerrières en Italie vers le Milanais afin d’agrandir le duché vers le sud. Or la noblesse peut s’opposer au prince auquel ils fournissent armes et savoir-faire militaires indispensables à ses plans.
Stabiliser ses territoires, assurer la paix sociale
Savoie
Florentin Briffaz :
Ces principautés souffrent de l’effet « peau de léopard » c’est à dire de l’émiettement de leurs territoires. C’est le cas de la Savoie, pourtant étendue (de Fribourg à Nice et de la Saône au Pô). Par contre les voies de communication sont nombreuses et bien organisées avec les cols (Mt Cenis et Grand St Bernard). Peuplée (35hab / km2 dans la vallée de l’Arve), elle reste néanmoins rurale (sa capitale Chambéry a autour de 5000 habitants). Ce sont les alliances matrimoniales et les guerres qui en permettent l’expansion. Ainsi, en 1355, le traité de Paris met fin à une longue guerre entre Savoyards et Dauphinois avec des échanges de territoires.
Valentinois et Dauphiné
Ronan Capron :
L’évêque de Valence, éloigné de l’Empire qui est son souverain prête allégeance au Dauphiné beaucoup plus proche. Or les communes se montrent très rétives. D’où une coopération entre les différents villages avec envoi de suppliques au Dauphin via des notaires. Ce qui reste néanmoins ponctuel sans déboucher sur une véritable alliance intercommunale. Les enjeux ne sont d’ailleurs pas là…Le Dauphiné, pour l’éviter, s’arrange pour imposer une relation bipartite avec chaque commune.
Bourbonnais
Marie-Lise Fieyre :
La réforme grégorienne du XIe siècle institue le mariage monogame des laïcs. D’ou l’émergence de batards féodaux qui vont servir à des alliances matrimoniales, au service militaire, voire pour une place dans le gouvernement. Dans les écrits officiels, on distingue deux procédés de justification : les enfants légitimes, objets d’amour filial, sont les héritiers directs. Quant aux enfants bâtards, ils doivent prouver leurs compétences.
Cependant, à la fin de la guerre du Cent Ans, la reprise en main des territoires par le roi de France fait pression sur le duché. Cela explique la surreprésentation des bâtards ducaux dans les fonction stratégiques. Les capitaineries militaires qui leur sont concédées sont proches de Moulins, la capitale du Bourbonnais. Et en cas de vacance du Duc, ils peuvent occuper la plus haute fonction, celle de « lieutenant général ».
De même, des bâtards ducaux ont pu occuper des postes de sénéchaux dans les instances judiciaires du duché.
Genève, ville disputée
Pierre Brugnon :
Une position-carrefour, un dynamisme économique, des voisins puissants : Genève est disputée.
Depuis le XIe siècle, c’est l’évêque, vassal de l’Empire, dont le pouvoir est continuellement confirmé face à celui des comtes genevois. Puis à partir du XIIIe siècle, les marchands de la ville cherchent à s’émanciper du puissant duché de Savoie en se rapprochant des cités Suisses alémaniques. Tout ceci avant la Réforme.
Pour approfondir, le conférencier renvoie l’auditoire aux ouvrages majeurs sur l’histoire de la ville, ceux de Mathieu Caesar : « Histoire de Genève – Tome I » Et de Louis Binz : « Brêve histoire de Genève ».
Une table ronde avec de jeunes chercheurs érudits, passionnés d’histoire locale sur un sujet mal connu du public enseignant.