Peut on gouverner la Nature ou est-ce la Nature qui nous gouverne ? La crise sanitaire actuelle permet de revisiter la question.
PREMIER INTERVENANT, Romain Grancher, chargé de recherche en HISTOIRE MODERNE au CNRS sur la pêche et Dieppe de 1720 à 1820.
À l’époque Moderne, il y a deux verbes pour caractériser le rapport de l’homme à la Nature.
Ménager la nature, c’est en prendre soin et en user avec parcimonie. Ainsi, ménager la Forêt revient à lutter contre la déforestation, tout comme ménager les poissons aboutit à les laisser se renouveler. C’est « conservationnisme ». Toutefois, on ne conserve que pour exploiter ensuite.
Au XIXème siècle, se rajoute le « préservationisme » avec les premiers parcs nationaux aux Etats-Unis et les réserves naturelles sous Napoléon III.
Soulignons le rôle des ingénieurs des mines, comme le Saxon Johann Gottfried Schreiber (1746-1827). Ces experts soutenus par l’État se mettent parfois à dos les populations rurales, qui tentent de leur résister.
Au niveau local, quand les ressources en huîtres s’effondrent dans la Baie de Cancale, les producteurs s’organisent pour conserver les ressources et les mettre en commun (exploitation collective).
En conclusion, les premières mesures pour gouverner et protéger la nature apparaissent dès l’époque moderne mais avec une aggravation des difficultés après 1880/1914 et plus encore, après 1945/1975.
DEUXIEME INTERVENANT : Patrick Blandin du Muséum National d’Histoire Naturelle
Protéger la nature
On veut s’en protéger par des barrières chimiques comme le glyphosate. Le but est de « gérer les ressources pour toujours en disposer ».
En 1948, naît une UNION INTERNATIONALE pour la Protection de la Nature.
Les ACTEURS sont aux États-Unis à la fois des militants comme l’écrivain naturaliste qui défend la nature sauvage, HENRY DAVID THOREAU (1817/1862) et des gouvernants comme un forestier proche des gouverneurs d’Etat et de Théodore Roosevelt, JOHN MUIR (1838/1914). Une troisième catégorie sont les scientifiques qui créent des muséums d’Histoire Naturelle.
En France, un Franc-Comtois, Raoul de Clermont, issu d’une famille ayant contribué à la révolution scientifique et industrielle, va jouer un rôle de premier plan. Ingénieur agronome, devenu avocat, il s’engage et se consacre avec détermination à la protection de la nature et de l’environnement, au niveau national et international. C’est un précurseur de l’écologie (1863-1942), initiateur du Premier Congrès international pour la protection des sites et des monuments naturels.
En conclusion, on passe d’une gouvernance NATIONALE à une gouvernance INTERNATIONALE de la Nature. En France, le National c’est la Loi de 1976, l’international c’est la COP 21.
L’analyse de l’ouvrage de Patrick Blandin De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité se trouve sur la Cliothèque.
TROISIEME INTERVENANTE : Céline Pessis post doctorante spécialisée dans les agro éco-systèmes
Sous la IIIème République de 1870 à 1940, l’État soutient le monde paysan. C’est l' »agrarisme ». On utilise surtout des engrais naturels (fumier) et très peu d’engrais chimiques azotés qui coûtent encore très chers.
Naît alors la pédologie, l’étude des sols, qui amène les notions de TERROIRS et de garantie de la qualité alimentaire.
Quelle agriculture dans une planète finie ?
Le rapport à la nature change brutalement avec une politique productiviste et exportatrice. On assiste au remembrement et à la mécanisation. Le Sol devient un SUPPORT NEUTRE de culture. le Gouvernement est à la fois centralisé et dominé par des experts agricoles.
Les ACTEURS sont des techniciens dont le taux d’encadrement est multiplié par 10. Ils se heurtent à la Résistance et à la contestation des microbiologistes. Ces derniers condamnent la réduction de la diversité génétique des plantes et des animaux. Ils pensent également que la standardisation de la Nature conduit à sa Dévitalisation. Le fameux agronome René Dumont (1904/2001), premier candidat écologiste à l’élection présidentielle, condamne l’artificialisation de la Nature.
Dans les années 60, on va inventer l’agriculture biologique qui considère que la santé humaine dépend de la santé des sols et des animaux.
En conclusion, on commence à réfléchir au réchauffement climatique et à la biodiversité dans les années 70/80. On se rend enfin compte de la FINITUDE de notre planète et de nos ressources naturelles. Gouverner la Nature de manière durable est devenu le défi entre 1987 et 2020.
4 QUESTIONS sont alors posées sur:
- la nouvelle notion juridique de crime d’écocide,
- la personnalité juridique reconnue à un fleuve en NOUVELLE ZELANDE en 2017 et à deux fleuves en INDE,
- l’Homme partie intégrante de la Nature et qu’on va réintégrer à la Nature, après l’en avoir séparé,
- et la neutralité et la citoyenneté des Scientifiques.
Une bonne table ronde avec un bon débat et des questions pertinentes. Instructif et éclairant…
Vous pouvez consulter les autres comptes-rendus de conférence des Clionautes à Blois 2020.