Anne Boyer, chargée de collections en histoire des sciences à la Bibliothèque Nationale de France
Luc Menapace, chargé de collections en biologie et paléontologie, département des Sciences et techniques à la Bibliothèque Nationale de France
Le jeudi 6 octobre, j’avais assisté à la conférence de Dominique Pestre au cours de laquelle certains grands inventeurs de renom avaient été rappelés à la mémoire de l’auditoire. Dans la programmation de Blois, une carte blanche intitulée « Gustave Trouvé, un inventeur oublié dans le seconde révolution industrielle » a vite attiré mon attention. Redécouvert par hasard par Anne Boyer à l’occasion d’une exposition intitulée « Sciences pour tous, 1850-1900 » organisée au cours de l’année 2017, Gustave Trouvé fait l’objet d’un travail de recherches difficile mais prometteur. Cette carte blanche présentée en duo par Anne Boyer et Luc Menapace fut l’occasion de faire le point sur cet inventeur tombé dans l’oubli et sur les méthodes et les documents à la disposition des chercheurs pour reconstituer une vie oubliée.
Gustave Trouvé est né le 2 janvier 1839 à La Haye Descartes, à proximité de Blois. Quatrième enfant d’une famille qui en compta sept, il montre très tôt un esprit curieux et bricoleur. Ainsi, vers l’âge de 7 ans il construit une pompe à incendie dans une boîte à sardines. Il intègre l’école Impériale d’Angers et, une fois son diplôme d’ingénieur en poche, il s’installe Rue Vivienne à Paris en 1859.
Après avoir travaillé la mécanique de précision chez un horloger, Gustave Trouvé finit par créer son propre atelier en 1863. Trois ans plus tard, il crée sa marque baptisée « Eurêka » et dépose de nombreux brevets. Passionné par l’électricité, invention phare de la seconde révolution industrielle, Gustave Trouvé devient un inventeur prolifique référencé qui se rend vite célèbre dans le monde de la médecine, de l’industrie et du spectacle.
Véritable artisan de la révolution industrielle, reconnu et admiré par des personnalités telles que Graham Bell, Gustave Trouvé est l’antithèse d’un Thomas Edison qui a su faire fortune en créant sa propre compagnie industrielle. Indifférent à l’idée de commercialiser en masse ses inventions, il n’en est pas moins prolifique en mettant au point plus de 70 inventions et innovations diverses.
Parmi ses inventions notables, on retrouve des bijoux électriques animés, un polyscope permettant au dentiste d’éclairer les dents, un fusible électrique qui préfigure le taser, ou encore des fontaines lumineuses. On retrouve également un oiseau électrique animé qui fait penser à un drone avant l’heure. Dans le domaine des transports, il parvient à adapter le moteur à différents supports et met au point un canot électrique qui préfigure le hors-bord. S’intéressant aux inventions déjà existantes, il en améliore un certain nombre comme le micro du téléphone de Bell et, souhaitant démontrer le caractère inoffensif de ses inventions, il met au point une ampoule permettant d’explorer et d’observer le corps sans danger, l’expérience étant tentée sur un poisson sorti indemne de l’expérience ! Très demandé par le monde du spectacle, il met au point certains effets spéciaux tels un duel d’épées lumineuses produisant des étincelles opposant Faust et Méphisto. (Toute ressemblance avec …)
Criblé de dettes (il n’avait pas payé son loyer depuis 4 ans !) submergé par les factures impayées par de mauvais payeurs, il meurt en 1902 des suites d’une septicémie. Le notaire liquide son atelier et ses biens personnels. Mort sans héritier susceptible d’entretenir sa mémoire, Gustave Trouvé sombre dans l’oubli.
Sa redécouverte et le travail patient qu’Anne Boyer lui consacre promet encore de nouvelles découvertes sur ce personnage qui sort ainsi peu à peu de l’ombre de l’histoire.