Compte-rendu réalisé par Aurélien Gack
La question de l’engagement est présente dès le début de la communication en rappelant sa présence chez de nombreux géographes dont Robert Rochefort. Il a mené une géographie politique au sens donné par Wolfgang Hartke. Jean Dresch est un visage, un personnage de la géographie française, voire une icône au regard des hommages qui lui sont rendus en 1986, après un numéro d’Hérodote qui lui a été consacré quelques années auparavant. Il fait aujourd’hui office de figure tutélaire, consensuelle, alors qu’il ne l’a pas été auparavant.
Jean Dresch a été prolifique au cours de sa longue carrière, avec plus de 450 articles publiés pendant près de 65 ans. Il publie beaucoup, que ce soit sur son terrain africain ou dans d’autres domaines. Il représente un géographe d’action des années 1950 aux années 1970 par ses positions de pouvoir et les nombreux élèves qu’il a eu.
Ce géographe est né en 1905 à Paris mais grandit à Bordeaux et à Toulouse où son père a été professeur d’Allemand puis Recteur de l’Académie de Toulouse. Nous nous sommes donc intéressé à sa vie en lui rendant hommage. Une de ses phrases célèbres était « il n’y a pas de géographie sans drame ». En effet, sa vie et sa carrière sont marquées par plusieurs grandes inflexions. La première a lieu lors de sa scolarité rue d’Ulm entre 1926 et 1930, lorsqu’il obtient l’Agrégation d’Histoire-Géographie. Il fréquente alors des gens comme Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron. Quelques grandes périodes de son existence sont alors à présenter : Entre 1930 et 1941, plusieurs coupures ont lieu dans sa carrière, avant plusieurs postes et une ascension entre 1945 et 1956 puis ses années à la Sorbonne.
Un terrain en particulier a été chéri par Jean Dresch, le Maroc. Il s’y rend une première fois en 1928 sur proposition d’Albert Demangeon. Deux ans après suivent les deux premiers articles et enseigne au Collège Musulman puis au Lycée de Rabat. Le Maroc devient ainsi son terrain de thèse et rapidement, il devient pro-indépendance. Ses positions, au minimum socialistes à l’ENS deviennent communistes au Maroc. De nombreuses photographies sont alors prises et commencent à constituer ce qui est aujourd’hui le fonds
Jean Dresch. Au-delà du Maroc, son intérêt pour les milieux semi-arides le mènera en Asie Centrale, en Chine, au Pérou mais aussi en Australie. Différents ouvrages couronnent cet intérêt comme La Méditerranée et le Proche-Orient en 1956 ou Géographie des régions arides en 1982.
Quelques moments et territoires traduisent le rapport de Jean Dresch aux territoires d’études mais également à la discipline, avec en toile de fond ses convictions. Le premier moment proposé est la Seconde Gerre mondiale. Pendant la drôle de guerre, il dirige un régiment de tirailleurs sénégalais mais est expulsé en raison de ses idées communistes. Revenu en France, il est pressenti pour une chaire de géographie coloniale créée par le régime de Vichy, mais ses idées l’empêchent une nouvelle fois d’y accéder. Fidèle à ses engagements, il devient FTP en 1943 et participe à la Libération de Paris puis de l’Alsace.
Toujours, communiste, il prend la défense des indépendantistes algériens en 1956 dans La Pensée, revue intellectuelle du PCF, avant même que ce dernier ne soutienne le FLN. Il co-écrit d’ailleurs un ouvrage, La question algérienne, avec plusieurs intellectuels quelques temps après et sera un des fers de lance des Comités Audin, sur l’enlèvement et le meurtre de l’enseignant communiste Maurice Audin.
Malgré ses fidélités militantes, Jean Dresch a des responsabilités au sein de l’Union Géographique Internationale (UGI). Il en est vice-président de 1968 à 1972 puis président de 1972 à 1976, jusqu’au congrès de Moscou, premier organisé à l’Est depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le lauréat d’honneur de l’UGI est créé lorsqu’il est président de l’institution et il reçoit ce titre en 1980 après un Soviétique et un États-unien. Avec toutes ces distinctions, N. Ginsburg considère qu’il est alors un des « mandarins » de la géographie française.
Fidèle à ses engagements anticolonialiste et communiste, il défendra sur le long terme ses idées.
Son anticolonialisme est nourri par la notion de révolte, qu’il mettra en œuvre avec Michel Leiris au sortir du second conflit mondial par une proposition sur le travail forcé dans l’Union Française. Il publie également à ce sujet avec Colonies et Empires en 1949 et Géographie du déclin des empires en 1979. Dès son parcours à l’ENS, il est antimilitariste et est sanctionné en 1929 par une tribune de ce mouvement dans L’Humanité. Il a également été contre la guerre du Vietnam et après son adhésion au Parti des Communistes Marocains,
il gardera des liens forts avec les communistes du pays.
Le communisme a aussi été un de ses engagements majeurs, adhérent au PS Marocain en 1936 puis au PCM en 1938-1939, une fois légalisé. Il publie également dans la revue de ce dernier, intitulée L’Espoir. Plus tard, il animera le PCF de la Sorbonne avec Pierre George. Dans les années 1950 et 1960, il participe à de nombreuses pétitions. Malgré sa fidélité au PCF, il ne suivra pas toujours la ligne. Il se rapproche de la Chine dans les années 1950 malgré les tensions grandissantes avec le voisin soviétique et noue des liens d’amitié
franco-chinoises. Son engagement d’une vie est remarqué même dans la nécrologie que lui consacre L’Humanité en 1994.
Pour finir, sa géographie reste une géomorphologie mais une géographie où la géographie humaine est également présente avec diverses fonctions qu’il a exercées. Il a été aux jurys de concours mais également président du CNFG de 1966 à 1972 et à une commission du CNRS de 1960 à 1969. Il est géographe, géographe politique et également géographe critique.