« Je suis un piéton, rien de plus »
Arthur Rimbaud
 
Géographe et aventurier, Jean Malaurie a consacré sa vie à la science et à la connaissance, notamment en créant la collection Terre Humaine en 1955. A la croisée de l’ethnologie et de la littérature, cette collection questionne depuis plus de 60 ans, les relations de l’homme et de ses semblables et son milieu ! Lévi- Strauss, Balandier, Dumont, Lacarrière, Segalen ont collaboré à son succès. Retour sur une aventure humaine et fondamentale !
 
En introduction, Olivier Weber, parle avec émotion de son mentor qui a fondé la collection Terre Humaine , aux éditions Plon, Jean Malaurie qui fête cette année ses 100 ans. Ce marcheur, ethnologue engagé raconte avec passion la création de cette collection particulière que connaissent ceux qui aiment les récits de voyage, les sciences sociales, mais aussi l’ethnologie, la géographie, les formes d’art qui émanent des sociétés qui créent pour prier, pour communiquer avec les ancêtres ou un au-delà divinisé.
 

Les auteurs de la collection Terre Humaine

 
Olivier Weber convoque les auteurs de la collection Terre Humaine : Jean Malaurie, bien sûr,  mais aussi…
Décédé en 2016, Georges Balandier, (Afrique Ambigüe) fut un des premiers ethnologues à pénétrer dans la forêt tropicale (pêcheurs du Sénégal, villages de Guinée, du Congo et du Gabon) et à mesurer les profonds bouleversements sur les sociétés de l’irruption de la civilisation moderne.
 
On ne peut évoquer la collection Terre Humaine sans citer Claude Lévi-Strauss, le père de l’ethnologie.
 
Philosophe et moraliste, cet explorateur pose un nouveau questionnement sur le rôle de l’explorateur, du savant, du voyageur… Son récit, dans Tristes Tropiques,  décrit les sociétés indigènes du Brésil central renouant ainsi avec la tradition du voyage philosophique.
 
Pierre Clastres (La société contre l’État) est aussi convoqué. Bien connu des anciens, il contribue à alimenter la réflexion sur le regard porté par l’Occident sur des sociétés dites primitives.  Son ouvrage, Chroniques des indiens Guayaki, apporte le témoignage d’une organisation sociétale (nomadisme, chasse et cueillette) en totale adéquation avec leur milieu, ce qui les a préservés longtemps des atteintes extérieures (esclavage, contact avec les blancs, maladies).
 
Le compte rendu ne serait pas complet si le nom de Pierre Jakez Hélias ne figurait pas. Le cheval d’orgueil, mémoires d’un breton du pays bigouden est un best-seller de la collection.
 

Le retour à l’écriture

Olivier Weber raconte aussi son expérience et expose les circonstances qui l’ont poussé à écrire de nouveau en 2021 :
Sur le Toit du monde à la fois ombrageux et accueillant, bâton de marche dans une main, carnet dans l’autre, Olivier Weber a peu à peu trouvé ce qu’il recherchait : l’isolement, le recueillement, la méditation, le souffle poétique de la vie sauvage, comme une échappatoire à la vitesse et à la modernité.
« C’était une vieille promesse. Confronté aux souvenirs des guerres que j’ai couvertes. J’ai voulu me rendre dans une contrée mythique et oubliée, le Mustang. Fermé aux étrangers jusqu’en 1992, ce petit royaume en Himalaya désormais rattaché au Népal est un “petit Tibet” à la culture protégée et sans la tutelle de la Chine.

« Avec deux amis, dont un aveugle, et trois Mustangais, dont un prince du pays, je me suis aventuré au-delà de l’Annapurna dans des vallées perdues, sur des montagnes isolées, dans des hameaux dépeuplés qui tutoient les cieux, dans des monastères en renaissance ou désertés. À chaque pas, le cheminement et le pèlerinage intérieur se révélaient plus importants que le sommet, le vagabondage davantage que la conquête. »
 
Anthropologue, sociologue, membre du Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe au CNRS, David Le Breton ponctue le récit de ce grand voyageur avec des anecdotes de son fait.
 

Entretien avec la salle

L’auditoire passionné et convaincu de l’urgence de témoigner de ces sociétés en disparition, pose des questions sur l’impact durable de la diminution des groupes de l’extrême.
 
Ancienne élève de l’École du Louvre (De spécialité, les Arts de l’Afrique et de l’Océanie), j’ai pu parler avec Olivier Weber au sujet des anciennes collections du Musée de l’Homme. En effet, il fut un temps où les élèves, futurs conservateurs ou ethnologues, pouvaient découvrir, étudier et même toucher les objets des collections non exposées dans les sous-sols du musée. Étonné qu’une telle liberté ait été possible, il répond qu’une partie de la collection est partie, bien sûr, au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac mais il subodore que beaucoup d’objets dorment encore dans les réserves.
 
Un auditeur l’interroge sur le devenir des peuples de l’extrême. Pessimiste, il pressent leur extinction future et programmée… Le maître mot n’est-il pas l’intégration ? Quant-au devenir du métier d’ethnologue, rien ne présage d’un avenir radieux. Il est de plus en plus difficile d’obtenir des autorisations pour parcourir les montagnes ou les vallées reculées. Les États n’aiment pas les nomades, fussent-ils des voyageurs.