Des croix gammées qui barrent les portraits de Simone Veil, un restaurant situé à deux pas du Mémorial de la Shoah tagué du mot « Juden », le site consacré à la mémoire d’Ilan Halimi profané à Sainte-Geneviève-des-Bois, l’expression « truie juive » photographiée sur un mur boulevard de La Chapelle, les pancartes qualifiant la première fonction de l’État de « pute à juifs », les amalgames liés à un supposé pouvoir de la banque Rothschild, à un complot juif … Ces derniers jours ont été marqués par une succession d’actes de vandalisme antisémites qui ont légitimement bouleversé l’opinion publique tout en remettant en lumière un passé sombre.
Déterminer les circonstances et les responsabilités de ces actes relève de la justice. La seule certitude, incontestable, que l’on peut affirmer est que son ou ses auteurs se réfèrent au nazisme. Les faits sont là. Ils rappellent que, contrairement à une idée reçue, le vieil antisémitisme issu d’une tradition millénaire, n’est pas mort en 1945 avec la découverte des chambres à gaz et le retour des survivants. Seuls les idéologues et des utopistes souhaitant jeter un voile sur le passé pouvaient le croire et vont certainement continuer à le croire au nom d’une hiérarchisation malsaine et de fausses priorités accordées dans la lutte contre les diverses formes de racisme et d’antisémitisme. Cette haine, véritable parasite des sociétés, a su survivre en dépit de l’évidence, des témoignages des survivants, des travaux des historiens et des commémorations. A se demander si d’aucuns ne voudraient pas voir l’histoire tragique des années 30 se répéter !
Dans ce contexte, le rôle du professeur d’histoire-géographie est plus que jamais nécessaire à l’heure où les derniers témoins s’effacent. Nous ne pouvons pas répondre aux nouvelles haines et aux diverses expressions du racisme si nous ne combattons pas l’ancienne qui persiste et retrouve une nouvelle vigueur, car nous savons où elles mènent.
Transmettre la mémoire des survivants est un aspect qui ne peut pas être unique, ses vertus ayant des limites.
Étudier l’histoire dans un but citoyen, dans le cas présent, doit consister à faire analyser par les élèves les mécanismes qui conduisent à stigmatiser les populations, permettre de répondre à cette simple question, si complexe au fond : « pourquoi cette haine du juif ? » ?
C’est un chantier considérable auquel les Clionautes se sont attelés parmi les premiers, s’étant montrés d’emblée critiques en tant que praticiens numériques de leurs disciplines quant à l’élargissement de la liberté d’expression via les réseaux sociaux que d’autres avaient cru pouvoir porter aux nues. Ce qui attend nos collègues historiens-géographes est un intense effort d’éducation que les nouveaux programmes d’EMC auxquels nous sommes fiers d’avoir participé ont pris en compte. L’Éducation Morale et Civique devra avec le nouveau Bac être vue comme une matière-carrefour, ciment du vivre-ensemble, ô combien malmené depuis les attentats de 2015 et la montée en puissance actuelle des violences verbales et physiques.
De cet enseignement auquel le professeur d’histoire-géographie contribue doit impérativement émerger la conscience qu’une politique peut légitimer les violences contre l’autre, qu’il soit juif, mais aussi arménien, cambodgien et tutsi… Ce sera ensuite à nos élèves de s’en emparer afin qu’à leur tour ils puissent laisser à distance l’inacceptable.
Cécile DUNOUHAUD
Christophe TARRICONE
Jean-Michel CROSNIER
Photos : compte twitter de l’artiste C215
Bravo pour cette initiative. Les professeurs d’Histoire-géographie doivent effectivement être en première ligne dans ce combat. N’hésitez pas à contacter mes voisins du Mémorial-Camp des Milles et à faire connaître auprès des professeurs du secondaire tous les supports et dispositifs qu’ils peuvent mettre à disposition dans cette lutte.
Walter Bruyère-Ostells
Professeur d’Histoire contemporaine, Sciences Po Aix