Valérie Niquet est responsable à la Fondation Pour La Recherche Stratégique à l’IFRI. Conférence suivie par Sophie De Velder.
I Le rôle de l’innovation chinoise dans l’histoire des techniques
La Chine, parmi une multitude d’inventions, en a 4 fondamentales : la métallurgie, le papier, la boussole et la poudre. Dans un environnement culturel marqué par le taoïsme (Lao Tseu en 500 avant JC) et une réflexion sur le changement, cependant ces inventions n’ont pas d’applications concrètes et pratiques.
Premier exemple : la boussole. C’est une aiguille magnétique placée sur une vasque d’eau.
Elle est inventée pour répondre à un objectif de géomancie taï-chi. C’est à dire où positionner des lieux pour vivre dans des conditions favorables et non néfastes.
La boussole utilisée pour la navigation est une idée occidentale. Le lien entre invention et application concrète est à l’origine de la technique occidentale. Elle revient en Chine via les portugais et les japonais.
Deuxième exemple : la poudre. C’est une invention liée à la recherche alchimique pour trouver la recette de l’immortalité. Dans leurs tâtonnements, ils découvrent une poudre explosive qu’ils vont finalement très peu utiliser dans un objectif militaire; au point qu’au 15ème siècle les Jésuites parlent de l’usage festif de la poudre chinoise utilisée pour les feux d’artifice. Cela s’explique par le fait que la Chine n’a pas mis, contrairement au Japon, les militaires au pouvoir, mais les lettrés (mandarins). Ainsi la Chine se révèle ressembler plus à la Grèce de l’Antiquité qu’à Rome. Elle est un pays de découvreurs plus que de techniciens obsédés par les applications concrètes des découvertes.
II/ La Chine aujourd’hui:
L’avis général est que la Chine est une grande puissance innovante, la preuve en est, est qu’elle dépose le tiers des brevets enregistrés dans le monde. Un symbole de l’innovation est que le supercalculateur le plus rapide du monde est chinois, il devance celui des Américains ! La Chine dispose de moyens considérables pour sa politique d’innovation. Le centralisme étatique et communiste lui permet de mobiliser des hommes et des capitaux dès qu’elle l’estime nécessaire. Ce sont 1300 chercheurs qui ont travaillé à développer le supercalculateur.
Pourtant Valérie Niquet remet en cause cette image médiatisée d’une Chine innovante. Le chiffre des brevets déposés est trompeur, la majorité d’entre eux ne passe pas les barrières de l’accréditation internationale. La conférencière ne croit pas à l’innovation descendante imposée par un Etat autoritaire. L’accès à l’innovation n’est bien évidemment pas respectée dans un système qui censure internet. La protection de la propriété intellectuelle n’est pas assurée et la carrière des chercheurs dépend de leur proximité avec le PCC. Quant aux plus brillants d’entre eux, formés aux Etats-Unis, ils refusent de retourner en Chine, devenus allergiques à l’absence de libertés et à la pollution.
Dans cette perspective, l’innovation serait la conséquence de l’initiative individuelle et de la démocratie, et supporterait difficilement de se développer dans une dictature.
La Chine a parfaitement conscience de l’importance décisive de l’innovation et sait que la poursuite de la croissance passe par la montée en gamme technologique. Elle n’a pas renoncé au rêve de Mao du « Grand Bond en avant » et cherche à le réaliser en exerçant des pressions sur ces partenaires étrangers pour obtenir des transferts de technologie, comme cela s’est passé pour le T.G.V.
La Chine a fondé des parcs industriels et scientifiques regroupant des centres de recherche et des entreprises à la fois chinoises et étrangères. L’Ecole Centrale Paris participe d’ailleurs à un de ces parcs.
Conclusion: Pour Valérie Niquet, la Chine n’est pas une puissance innovante malgré l’image qu’elle donne d’elle même à l’étranger. Car l’innovation en Chine se heurte à des contraintes liées à la nature du système politique.