La désindustrialisation de la France : un handicap pour l’avenir ?
François Bost
En guise d’introduction
La Région Grand Est a un passé industriel. Actuellement, il y a un développement de l’intérêt pour cette question. François BOST, a longtemps eu l’air d’être « le dernier des Mohicans » …
Il est géographe de l’université de Reims (d’abord, il s’est intéressé à Afrique puis à la mondialisation. Il étudie les entreprises à l’épreuve de la démondialisation.)
La question se retrouve dans l’Actualité, avec la récente décision de Donald Trump, sous la pression des Lobbies industriels aux États-Unis.
En France, la désindustrialisation ne date pas d’hier. On en a pris la mesure depuis 2007-2008.
Depuis 2 ans – 2,5 ans, on commence à comprendre que les lignes bougent : on voit davantage le verre à moitié plein qu’à moitié vide. On assiste à une reprise de confiance. A des dynamiques avec effets de levier.
Nous prenons conscience du poids irremplaçable de l’industrie dans l’économie.
Définition : la désindustrialisation est la réduction du nombre d’emplois dans le secteur indus (Larousse) et aussi sa réduction par rapport aux autres secteurs.
Au maximum, l’emploi industriel en valeur relative a été atteint en 1973, avec 34%. Ensuite, il a diminué de façon très régulière. Aujourd’hui, le chiffre est de 14,5 % (avec l’intégration du BTP, sinon, il serait à peine à 10%). Même s’il y a des perspectives, l’emploi continuera à baisser. On a perdu beaucoup d’emplois ouvriers, et à 90 % des emplois masculins. De plus, la montée de l’emploi dans le tertiaire a surtout profité aux femmes.
Le Tournant est la crise de 2007-2008. Elle a eu un effet d’accélérateur. On a été dans le déni de la réalité. On a parlé de mutation plus que de désindustrialisation. En 2012 : le livre pacte de la compétitivité de la France mentionne ce phénomène.
On s’est emparé de cette question au niveau national.
Si ce n’est déjà fait, il faut oublier les secteurs primaire, secondaire et tertiaire.
La classification pertinente est celle de Laurent Davezies :
- Le secteur productif avec les activités industrie et tout l’écosystème industriel. Le système productif.
- Le secteur de l’économie résidentiel et touristique, ou économie présentielle.
- Le secteur administratif : fonction publique, hôpital
Il faut nuancer la désindustrialisation :
Quelles sont les causes de la disparition des emplois ?
- Fermeture d’entreprises, disparition de l’emploi 1/3
- Externalisation d’activité : de l’industrie vers le tertiaire 1/3
- Hausse de la compétitivité. 1/3
La baisse tendancielle s’explique par ces 3 causes.
L’externalisation : depuis 40 ans on ne fait que ça. Par exemple, quand l’entreprise Renault décide de ne plus avoir en interne une série de juristes, et a recours à un cabinet d’avocat ; … ceux-ci travaillaient dans le « tertiaire » mais étaient comptabilisés dans l’industrie par rapport à leur maison mère. Parallèlement, on assiste à l’explosion de l’emploi tertiaire.
Il y a une dimension positive à la désindustrialisation, qui est la hausse de la productivité. Le mot « désindustrialisation » est très connoté, très lourd. Mais il est pluriel.
Il faut agir sur les emplois qui pourraient être maintenus.
La question des délocalisations : est-ce une réalité ? Une contribution à la désindustrialisation ? C’est en tout cas un thème porteur aux élections.
Même s’il y a eu des délocalisations spectaculaires (comme l’entreprise Goodyear), les études montrent que les délocalisations brutes représentent seulement environ 30 000 personnes par an.
La question des Entreprises qui ferment alors qu’elles gagnent de l’argent ? Cela se justifie par le fait qu’elles n’en gagnent pas assez, ne sont pas concurrentielles.
En 2017 en France, on a assisté à la création de 39 000 emplois industriels.
Mais on enregistre imparfaitement ces données : dans les entreprises, il y a des tas d’activités qui sont délocalisées en silence : ainsi, une chaîne de montage, une étape du process … et cela ne paraît pas dans les statistiques. Mais c’est tout de même de la délocalisation.
On assiste à un changement depuis 2-3ans dans les sociétés de conseil : leur discours a changé : depuis 30 ans, le mot d’ordre était de dire « cap sur l’étranger ». Jusqu’en 2012-2013, c’était encore vers la Chine ou la Pologne.
Aujourd’hui, ces sociétés ont suffisamment d’indicateurs pour dire qu’il faut réfléchir (la population de ces pays émergents ont vécu leurs 30 Glorieuses : Brésil, Chine, …). Des inconvénients apparaissent pour aller dans ces pays : les pillages de produits (Chine) ; les délais d’acheminement, surtout en 2002-2007 : explosion des coûts du transport dans le monde jusqu’en 2007 : les délocalisations ont été plus proches, dans l’Union Européenne.
La question des coûts de l’énergie. C’est une question structurelle.
La réindustrialisation n’est pas faite à l’identique, elle se fait avec moins d’emplois. Il est nécessaire d’intégrer des dimensions incontournables : l’environnement et développement durable. Le développement durable, est-ce un oxymore ? Une réflexion s’est engagée en la matière.
La filière solaire commence à devenir rentable.
Se relocaliser aussi pour minimiser les coûts d’énergie. C’est une question qui va peser de plus en plus.
La mondialisation (et non globalisation) est le niveau planétaire.
C’est le niveau d’échelle le plus pertinent, pour stabiliser : des zones d’intégration régionales, par exemple l’Union Européenne. Ce niveau d’échelle, juste toléré par l’OMC, est rassurant. Ce qui s’est passé avec l’Ex-ALENA, ce qui montre que Donald Trump réalise l’importance de ce niveau. Il a mis en œuvre un retour en arrière alors qu’il voulait le supprimer.
La désindustrialisation n’a pas disparu. Elle reste un phénomène qu’il faut garder à l’esprit. Mais on prend de plus en plus conscience de ce patrimoine industriel, de ces savoir-faire.
- L’Allemagne dans la crise : l’État a aidé au maintien de ces emplois.
- La France : dès les premiers signes de la crise, il y a eu des licenciements. C’est donc aujourd’hui plus dur de retrouver des compétences ! Aujourd’hui, certains secteurs, malgré l’aide de l’État, et l’intérêt d’investisseurs, ne peuvent pas être recréés car il n’y a plus les compétences. Par exemple l’entreprise Agnès B, pour le maintien d’une base de production pour maintenir des savoir-faire. Mais le laps de temps trop long entre la délocalisation et la relocalisation : il n’y a plus la compétence en France.
Aussi, il existe un vrai intérêt des consommateurs pour le « Made in France ». Aujourd’hui, plus de 80 % des Français sont prêts à dépenser un peu plus pour un produit français. Par exemple les chaussettes. Il y a un renouveau (exemple : Le Slip Français).
Conclusion : Le pire n’est jamais sûr.
Tous les 18 mois, on assiste à l’apparition de nouvelles innovations qui peuvent changer la donne.
La réindustrialisation peut prendre différents visages. Il faut maintenir les activités existantes et les moderniser. Actuellement, des secteurs renaissent grâce aux groupes de luxe.
Il faut aussi territorialiser.