De 1948 jusqu’à la chute du mur (1989) au lendemain des Jeux de Séoul, la Guerre froide fut le territoire prioritaire (avec l’espace) de la lutte des deux blocs. Boycotts, mobilisation des athlètes, guerre des imaginaires, relations internationales… c’est là que le choc des blocs fut le plus visible. Retour sur quanrante ans de luttes sur les pistes et dans les stades.
Intervenants et préambule
Yasmine SADJI coordonne cette table ronde proposée par la CASDEN, avec notamment Pascal BLANCHARD, Yvan GASTAUT, Sandrine LEMAIRE, et Stephane MOURLANE. Nicolas BANCEL est absent. La conférence est encore disponible ici.
Tous ces participants sont engagés dans le projet d’exposition « Histoire, sport et citoyenneté ». Le dossier pédagogique est entièrement tourné vers les enseignants et les élèves. Il est accessible librement en ligne. Il éclaire le programme d’Histoire : montée des nationalisme, Première et Seconde Guerre mondiale, guerre froide, enjeux économiques dau sport contemporain, …
Mais il est aussi a relier à l’enseignement d’Histoire des Arts, à l’EMC et à l’EPS. Suite à une discussion avec d’autres Clionautes, il nous est apparu que cette exposition était fort intéressante, mais que la possibilité de créer en classe sa propre exposition, à partir d’un travail de recherche des élèves sur Internet, offrait des perspectives pédagogiques réjouissantes. Puisse ce compte-rendu guider les collègues qui souhaiteraient s’engager dans un tel projet !
Brève histoire des JO au début de la guerre froide
Dès 1922, Staline décide de ne pas faire participer l’URSS aux Jeux Olympiques considérés comme trop bourgeois. Il organise ses propres jeux dans le monde communiste. L’animosité nait donc dès les années 30 et s’accentue encore après le pacte avec l’Allemagne nazie. L’alliance de fait pendant la guerre est bien fragile. Dès 1947, avec la doctrine Truman et le plan Marshall on entre de plain-pied dans la guerre froide.
Dès 1946, Staline souhaite entrer dans le giron olympique. Ils participent à Helsinki en 1952. La guerre froide est un « conflit indirect ». L’équilibre de la terreur rejaillit sur les Jeux Olympiques, bien loin du projet de Coubertin qui pensait les protéger de la fureur du monde. Dès 1952, il y a deux villages olympiques à Helsinki : le capitalistes et le communistes, séparés de 10km pour éviter les « contaminations » d’idée ou des fuites de sportifs. Le site soviétique est stigmatisés par la presse comme des « camps retranchés » : il est rapidement ouvert pour servir de vitrines.
Melbourne, 1956
A cette date, il y a des conflits indirects et des affrontements scientifiques. Malgré l’affichage apolitique du CIO, ils n’ont rien de « friend game » : l’Egypte, l’Irak et le Liban les boycottent pour protester contre la présence d’Israël. L’Egypte s’est rapprochée de l’URSS après la nationalisation du canal de Suez. La délégation chinois repart après l’affichage des couleurs du drapeau de Taiwan. l’Espagne et la Suisse ne s’y rendent pas en prétextant des problèmes d’avion mais c’est sans doute aussi une réaction à l’insurrection de Budapest écrasée dans le sang. En tout, 112 sportifs partent de Hongrie : ils protesteront sur place, iront jusqu’à arracher le drapeau de la Hongrie Soviétique. Lors du match entre la Hongrie et l’URSS en Waterpolo, les soviétiques sont hués… et le match doit être interrompu après une bagarre générale. Parmi ces 112 sportifs, 44 ne rentreront pas…
Rome, 1960
On y compte 500 000 spectateurs. Elle signe le retour en grâce de l’Italie après les années Mussolini. Ce sont les jeux de l’apaisement et de l’unité selon les organisateurs. La coexistence pacifique est à l’ordre du jour depuis 1956, matérialisée par les visites diplomatiques. Mais l’avion américain U2 est abattu en URSS. Le procès du pilote se tient une semaine avant les Jeux… pour autant, les tensions ne se voient pas. Elles se retrouvent en coulisse. La CIA mène l’opération « aérodynamique ». Elle vise à susciter la révolte chez les athlètes ukrainiens et les pousser à la défection mais c’est un échec. C’est aussi la première édition pour les nouveaux pays africains décolonisés… Assez ironique que ce soit au coeur de leur ancienne puissance coloniale.
Mexico 1968.
Les premiers Jeux avec des images en couleur. Le Mexique n’est pas épargné par les mouvements des années 68. Les manifestations étudiantes contre le gouvernement entraine le « massacres des 3 cultures » par le président Ordaz… Difficile d’avoir un bilan précis…. Autour de 200 morts. Ce serait une des pires répressions des mouvements des années 1968. C’est aussi les Jeux de la dénonciation du racisme aux Etats-Unis. L’image du podium du 200m est iconique. Tomy Smiths était partisan du boycott de ces Jeux, mais l’idée n’a pas été retenue. Un badge est porté par les sportifs. Le lendemain de l’épreuve, Smiths et Carlos préparent la scène du poing levé. L’acte a porté ses fruits : elle est très rapidement médiatisée mais les sportifs qui ont porté le badge l’ont payé cher. Sur le podium du 400m, 3 noirs américains portent le béret des Black Panthers.
Munich 1972.
L’idée était de montrer une Allemagne apaisée et d’effacer le souvenir de 1936. Le village olympique devait être un havre de paix. Le monde retient son souffle face à l’irruption des terroristes et leur action qui dure pendant presque 24h. Bilan : 11 morts israéliens, 1 policier allemand, 5 morts dans le commando Septembre Noir qui cherche à se venger de la guerre des Six-jours. Le lendemain les Jeux reprennent… entrainant des suspicions d’antisémitisme chez les membres allemands du CIO.
La finale de basket oppose les Etats-Unis et l’URSS en direct. Résultat 51/50 pour l’URSS. Les Etats-Uniens pointent l’impartialité de l’arbitrage, refusent de monter sur le podium et tentent pendant 2 ans de faire un recours pour faire annuler cette défaite. Le Département d’Etat tente alors de prendre progressivement le contrôle du CIO. En quelque sorte les Etats-Uniens prendront leur revanche avec le hockey sur glace (LakePlacid 1981) : c’est le « miracle sur glace ».
Montréal 1976.
C’est le premier grand boycott des Jeux Olympiques. Il vient directement des sportifs… et non des Etats. A Trois jours des épreuves, la Rhodésie est sortie de l’épreuve par le CIO devant la pression. Le massacre de Soweto déchaine les passions. Il faut condamner tout le sport sud-africain. Les sportifs africains imposent à leur délégation de ne pas participer… Certains sportifs se décident sur le terrain. C’est une catastrophe pour le CIO : 441 athlètes ont refusé de participer. Sur pression de la France, le Sénégal et la Côte d’Ivoire imposent la participation à leurs sportifs. Ils sont surreprésentés dans les médias pour atténuer l’impression du boycott africain.
Moscou 1980.
Les Etats-Unis boycottent. Mais c’est finalement une victoire pour l’URSS qui a réussi a mettre la main sur l’olympisme et recréer les spartakiades des années 20.
Los Angeles 1984 :
L’URSS boycott les Jeux Olympiques et organise ses propres Jeux de l’amitié. On y voit aussi le doigt d’honneur de l’athlète polonais face au public soviétique (voir illustration). Faut-il y voir un signe précurseur des fissures du monde communiste ?