Quelles sont les constantes et les ruptures de la politique arabe américaine à l’arrivée de Donald Trump ?
Historique du contexte politique de la présence américaine dans la péninsule Arabique avant les années 2000
Frank Tétart commence sa conférence en rappelant le voyage du président américain en Arabie Saoudite en mai 2017 au cours duquel les Etats-Unis et l’Arabie saoudite ont signé des accords d’une valeur de plus de 380 milliards de dollars, annoncés par le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. L’agence officielle saoudienne SPA a fait état de 34 accords dans des domaines aussi divers que la défense, le pétrole et le transport aérien, sans cependant fournir de montant total. Cela montre bien les liens pérennes avec cet allié des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il semblerait qu’il y ait bien une certaine continuité dans la politique diplomatique américaine.
Le conférencier entre directement dans le sujet en projetant une carte de la zone de la péninsule arabique pour montrer l’importance stratégique pour les Etats-Unis au sein de cette zone. Lorsqu’on regarde une carte sur les zones de commandement militaire, on voit d’emblée que la zone du monde arabe, plus particulièrement du Moyen Orient, est véritablement au centre du dispositif de déploiement militaire et d’intérêt stratégique. La carte couvre une zone très large qui part de l’Egypte, couvrant l’ensemble de la péninsule arabique, l’Iran, l’Afghanistan, ainsi que l’Asie centrale avec ces ex Républiques Soviétiques majoritairement turcophones et musulmanes. Cette zone est importante pour ses richesses pétrolières.
Les constantes de la politique arabe américaine, des années vingt jusqu’en 1945
Cette zone est sous influence américaine depuis 1945 mais, déjà au lendemain de la première Guerre mondiale, les Américains se sont intéressés très vite à la péninsule arabique et fait le constat des richesses qu’elle pouvait renfermer. Le contexte fut favorable aux Américains avec l’effondrement de l’empire ottoman, à l’issue de la première guerre mondiale qui entraîna un partage des dépouilles entre les vainqueurs, essentiellement la France et la Grande-Bretagne, qui s’intéressaient surtout à l’Irak (l’Iran restant une chasse gardée britannique). Les rivalités entre les puissances européennes ont provoqué un des phénomènes majeurs qui fut l’entrée en force des compagnies américaines dans la région. En 1928, l’accord dit « de la ligne rouge » (précédant de peu le fameux « pacte d’Achnacarry » qui créa le cartel des grandes compagnies pétrolières) détermine alors les principes d’une action collective des compagnies américaines et des intérêts anglo-français, qui ont constitué l’Irak Petroleum Company dans la zone correspondant aux anciennes frontières de l’empire ottoman. A l’exception de Koweït, toute la péninsule se trouva ainsi couverte par l’accord. La pénétration américaine en Arabie Saoudite fut de fait. Ainsi, en privilégiant les compagnies pétrolières américaines par rapport aux compagnies britanniques dans l’exploitation de ses ressources, le roi saoudien Abd Al Aziz (1880-1953) lia durablement son pays aux Etats-Unis. A partir de 1945, l’avenir et l’unité du Royaume d’Arabie Saoudite sont dorénavant fortement liés à Washington. Aujourd’hui,l’Arabie Saoudite possède le deuxième réservoir de pétrole au monde après le Venezuela.
En 1945, le constat fait par les Américains, par le président Roosevelt et surtout par l’armée américaine, est que pour gagner une guerre, il faut disposer d’une ressource essentielle d’énergie et que pour se maintenir en tant que puissance globale puissance capable de se déployer grâce à sa flotte, il faut disposer de cette ressource, le pétrole. En 1945 et au cours de la guerre froide, les Etats-Unis développèrent cette idée qu’il fallait s’assurer d’un approvisionnement constant en ressources, en pétrole. L’acte de naissance de cette relation particulière des Etats-Unis avec cette région fut la rencontre du 14 février 1945 entre F. D. Roosevelt et le roi d’Arabie Abdoul Aziz Al-Saoud sur le Quincy, un navire de guerre américain stationné en Égypte sur lequel Franklin Roosevelt, de retour de Yalta, a rencontré le premier roi d’Arabie saoudite. La conversation aurait eu pour objectif de garantir à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d’un accès au pétrole. Pourtant, selon les sources officielles, elle n’a porté que sur la Palestine, la Syrie et le Liban. Le « pacte du Quincy » demeure pour l’historien une légende simplificatrice. Pour Henry Laurens cité par le conférencier, si les deux personnalités n’évoquent pas la question du pétrole, c’est que l’affaire a déjà été réglée. L’Arabie saoudite a accordé en 1933 des concessions pétrolières à la Standard Oil of California (Socal) qui a créé la California Arabian Standard Oil Company (Casoc). En 1936, la Socal s’est associée’ avec la Texaco au Moyen-Orient pour former la Caltex. La Casoc a trouvé du pétrole en 1938 et a créé un terminal pétrolier à Ras Tanura et une petite ville à Daran.
La politique arabe américaine pendant et après la guerre froide
A partir de 1945, le parapluie sécuritaire américain va couvrir la zone du golfe persique. C’est un acte de naissance de ce modus vivendi qui globalement est d’actualité aujourd’hui. De fait, les intérêts vitaux des Etats-Unis sont aussi la stabilité du royaume saoudien. Cela fait partie d’une priorité et d’une constante de la politique américaine. On va assister à l’installation de bases militaires au début des années 2000 afin d’assurer la sécurité de cette zone d’approvisionnement énergétique et la sécurité de l’ensemble des nations qui se situent dans cette zone géographique. La première base américaine va être sur la petite île de Bahreïn dès 1948 et donc le premier point d’appui américain et elle va devenir la base, le port d’accueil de la Ve flotte américaine qui couvre des zones plus vastes, la zone du golfe Persique et l’ensemble de la zone de l’Océan Indien. Un déploiement militaire considérable et depuis d’autres installations et autres bases développées qui vont devenir les points d’appui fondamentaux de cette stratégie de défense de l’Arabie Saoudite et de la défense de l’approvisionnement énergétique. De même, avec les nouvelles menaces qui se sont développées actuellement, la menace terroriste et la piaterie, aujourd’hui une des priorités de cette Ve flotte est donc d’assurer la sécurité sur une zone jusqu’à la Corne de l’Afrique visant à lutter contre les nouvelles menaces que sont la piraterie le long des côtes de la Somalie et le long du golfe d’Aden.
Tout cela est mis en place dans cette vision globale, celle d’assurer la sécurité de l’ensemble de la sécurité énergétique, du commerce maritime mondial. D’autres bases américaines vont s’installer dans le Golfe, au Qatar, à Oman, aux Emirats Arabes Unis, au Koweït et actuellement en Irak près du village de Kahriz, sur la rive ouest du Tigre, dans la province de Ninive. L’objectif annoncé de l’implantation de ces bases militaires sera, d’après les Etats-Unis, d’assurer une supervision complète sur la frontière irako-syrienne pour « empêcher l’ouverture d’un trajet terrestre reliant Téhéran à Damas via la frontière irako-syrienne, destiné à acheminer des armes et des équipements militaires au gouvernement syrienFrank Tétart,La péninsule arabique, cœur géopolitique du Moyen-Orient, Armand Colin, 2017, p.211». Des bases américaines sont également installées en Afghanistan et au Pakistan; de façon globale, on a une zone ainsi où la présence américaine à partir des années cinquante jusqu’à aujourd’hui est importante, même si on constate un certain retrait dans cette zone.
La présence américaine va être acceptée pendant la période de la guerre froide parce que la stratégie américaine, c’est de faire de faire de l’endiguement vis-à-vis de la grande puissance, l’URSS, à proximité de la zone du Moyen Orient, avec la République de Turkménistan aux frontières de l’Iran. Par conséquent, il y avait deux piliers pour lutter pour la défense des intérêts américains, d’un côté l’Arabie Saoudite, à l’époque première réserve mondiale de pétrole, et de l’autre l’Iran. Jusqu’en 1979, le deuxième allié d’importance, c’est l’Iran. Ces deux pôles et particulièrement l’Iran était intéressant pour les Américains puisqu’ il se situait à la frontière du bloc soviétique du temps de la guerre froide et donc ils ont développé des liens étroits de coopération économique et stratégique avec l’Iran. Donc, une certaine acceptation de cette présence américaine de la part des régimes en place qui ont choisi de s’allier avec les Etats-Unis et de se placer sous la protection du parapluie stratégique américain.
Avec la révolution islamique, les rapports avec les Etats-Unis vont changer et ce revirement d’alliance va faire que la présence américaine va se cantonner sur la façade occidentale du golfe Persique, vers l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, le Qatar, les Emirats Arabes Unis, Oman, puisque l’Iran à partir des années quatre-vingt devient l’ennemi, un Etat menaçant pour les intérêts américains. Un ensemble de crises et de frictions entre l’Iran et les Etats-Unis s’en suivirent pendant toute la période au lendemain de l’arrivée le 1er février 1979 de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny avec le summum de la crise au début des années 2000. En effet, début 2002, le président américain George W. Bush classe l’Iran comme un pays de «l’axe du mal» avec l’Irak et la Corée du Nord, l’accusant de vouloir «exporter le terrorisme» et de se doter d’armes de destruction massive. Dès 1995, Washington avait décrété un embargo total contre l’Iran. L’Iran pendant toute cette période de tensions fortes envers les Etats-Unis contesta régulièrement la présence américaine dans la zone du Golfe persique et appela au retrait de toutes les forces américaines, d’où un certain nombre de provocations autour et au centre du golfe d’Oman,surtout dans le détroit d’Ormuz, surveillé d’un côté par l’Iran et par l’Etat d’Oman de l’autre. Pour rappel, près de 17 millions de barils de pétrole y transitent chaque jour, soit 2 400 pétroliers par an. Le golfe est donc une voie de passage importante pour le transit des hydrocarbures des pays producteurs de pétrole du golfe Persique vers les marchés étrangers. Quant au détroit d’Ormuz, long de 63 km et large de 40 km, porte d’entrée du golfe Persique, il a une importance stratégique décisive puisqu’il constitue, en effet, une voie commerciale essentielle du trafic international, empruntée par plus de 30 % du commerce mondial de pétrole aujourd’hui. Outre les Émirats arabes unis et l’Iran, le détroit commande l’accès à d’autres pays producteurs d’hydrocarbures aussi importants que l’Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et l’Irak. Selon le département américain de l’Énergie, environ 2 400 pétroliers y transitent chaque année, pour un volume d’environ 17 millions de barils de pétrole par jour. Cela explique donc l’important déploiement des navires américains dans cette zone.
La politique arabe américaine à partir des années 2000
Une hégémonie américaine dans le Golfe remise en cause ?
Cette présence américaine est acceptée par les Etats Arabes, un certain nombre d’accords militaires ont été mis en place avec ces Etats comme la vente de l’armement américain; ainsi, l’Arabie Saoudite reste le premier marché américain de vente d’armes dans cette zone avec Les Emirats Arabes Unis et le Koweït. C’est donc un marché important et aussi une demande de sécurité de la part des autorités de ces Etats de la zone du golfe Persique. Cette présence américaine est parfois perçue négativement auprès des opinions publiques du monde arabe, souvent une perception négative selon le conférencier et même un rejet de cette omniprésence américaine, voir l’exemple avec Oussama Ben Laden qui aurait nourri et développé sa radicalisation et son antiaméricanisme lors de la guerre du Golfe en 1991 avec un redéploiement américain sur la terre sainte d’Arabie Saoudite. Lors de la guerre du Golfe (1990-1991), Oussama ben Laden proposa au roi Fahd d’utiliser sa milice pour défendre le pays contre une éventuelle invasion des troupes irakiennes. Ce dernier refusa et préféra ouvrir son territoire à l’armée américaine, prêtant ainsi le flanc à l’accusation selon laquelle il aurait autorisé les « infidèles » à « souiller le sol sacré » de l’Arabie saoudite. Ben Laden se fait alors de plus en plus critique vis-à-vis de la famille royale et va jusqu’à accuser les princes de corruption. Le ministère de l’Intérieur saoudien saisit son passeport pendant l’hiver de 1990 à 1991 et il l’oblige à quitter le pays car il est interdit de séjour et choisit de s’allier à des opposants au régime wahhabite installés en Iran et en Syrie. Selon Frank Tétart, Ben Laden, par la suite, aurait relayé le ressenti de certains Saoudiens: que des «mécréants» aient pu se déployer et marcher sur cette terre sainte est quelque chose d’inacceptable. C’est un des arguments que va évoquer Oussama Ben laden, pour expliquer son ressentiment envers les Américains et même justifier ses attaques contre New York et Washington lors du 11 septembre 2001. Il va aussi exprimer un rejet des membres de la dynastie saoudienne considérés comme des traîtres envers l’islam. Pour rappel, 15 des 19 terroristes ayant participé lors des attentats sur le américains étaient Saoudiens.
A partir de 2001, la politique arabe des Etats-Unis commence à se questionner sur ses relations avec l’Arabie Saoudite. Peut-on faire confiance à l’Arabie Saoudite alors que sur son territoire se développent des oppositions qui menacent les intérêts américains ? Le 11 septembre 2001,pour la première fois, le territoire américain a été touché par une attaque extérieure soixante ans après l’attaque de Pearl Harbour dans l’île Hawaï. Les attentats du World Trade Center furent une attaque surprise et ciblée, un véritable choc dans l’opinion américaine et internationale. Surtout, ce qui fut durement ressenti par les Américains, c’est de savoir qu’une puissance qui se présentait comme une alliée des Etats-Unis, puisse avoir des ressortissants qui manigancaient et quide veloppaient des réseaux terroristes contre les Etats-Unis. Tout cela a contribué à une remise en question. Toutefois et en raison notamment de l’importance stratégique des ressources pétrolières, des intérêts financiers aussi, l’Arabie Saoudite reste un important investisseur des marchés mondiaux, des marchés financiers, alors qu’en 2008 il y a eu la crise financière qui a touché de plein fouet les Etats-Unis, les Saoudiens furent un des acteurs qui ont permis le refinancement d’un certain nombre de banques en faillite.
D’autres partenaires avec les Etats Arabes du golfe persique
Il y a des liens d’interdépendance qui subsistent entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Or, un premier exemple montre un début de contestation de cette politique américaine et qui va être récurrente à partir de 2003 avec l’intervention opérée par les Américains en Irak et qui va être perçue dans les monarchies sunnites du golfe Persique et à Ryad comme un cadeau fait à l’Iran. Pour la première fois dans son histoire, le pouvoir va être transmis de Saddam Hussein, un dictateur sunnite, à un gouvernement chiite car la majorité de la population d’Irak est chiite et donc cela renforce les liens entre l’Irak et l’Iran au cours de ces années 2000, très mal vécu par les voisins de l’Arabie Saoudite. Cela va par conséquent relancer cet antiaméricanisme que d’ailleurs le Printemps Arabe va encore conforter. Petit à petit à partir des années 2000, on a un sentiment très anti américain dans les opinions publiques et également parmi les autorités, un certain nombre de doutes sur la stratégie suivie par Washington vis-à-vis de l’Iran et sur l’Irak, un doute sur le soutien à savoir les sunnites ou les chiites. Rapidement, la politique d’endiguement de la nucléarisation de l’Iran va prendre le dessus et au terme de négociations très longues de 2003 jusqu’aux années 2015, pour arriver aux accords du 14 juillet 2015, un accord de l’Iran avec les grandes puissances mettant fin à plus de 13 ans de contentieux sur le nucléaire. Il garantit le caractère civil du programme iranien en échange d’une levée sur dix ans des sanctions économiques internationales. Ces accords vont permettre de rétablir des relations plus normalisées entre les Etats européens, les Etats-Unis et l’Iran mais qui sont de nouveau très mal perçues par les pays Arabes sunnites. Les Etats-Unis sont accusés de prendre parti pour l’Iran. Ensuite, après le cadeau stratégique de l’Irak, ils s’allient de fait avec l’Iran et vont consacrer tout leur intérêt stratégique pour cette zone. Les médias locaux par réaction à la politique américaine vont répandre l’idée qu’il y a un complot iranien soutenu par Washington.
A partir des années 2005 à 2016, certains Etats de la région, les Emirats Arabes Unis, le Qatar essayent de trouver de nouveaux partenaires occidentaux, d’où la création d’une base française à Abou Dhabi. Une alliance stratégique se met en place avec les EAU et la France, de façon pour les Emirats de ne plus dépendre d’un seul acteur pour leur protection. « Loin d’assurer la seule protection des Emirats, la base d’Abou dhabi fait partie du dispositif militaire français dans le monde en tant que « bras armé au Moyen-Orient et en Asie »Frank Tétart,La péninsule arabique, cœur géopolitique du Moyen-Orient, Armand Colin, Paris, 2017, p.211. De fait, elle accueille le commandement militaire français en charge de la défense des intérêts français de la zone de l’océan Indien (Alindien), soit un vaste espace de 22 millions de km² environ. Il s’agit en réalité d’un déploiement interarmes puisqu’à la base navale située à Port Zayed s’ajoute une base aérienne (la BA 104) à Al Dhafra, ainsi que le Ve régiment de cuirassiers dans la base émirienne de la Cité militaire de Zayed, située à l’est d’Abou Dhabi. Au total, ce sont 650 militaires français qui séjournent de façon permanente aux Emirats Arabes Unis.
De la même manière, au Qatar, les Anglais ont réouvert une base militaire, donc un rapprochement aussi avec les Anglais. On constate que les pays bordiers du golfe Persique ont diversifié leurs alliés dans le cadre de leur stratégie sécuritaire avec d’autres acteurs occidentaux. Traditionnellement, on a un espace où la politique arabe américaine est basée sur la préservation des intérêts stratégiques qui est le pétrole, sur la mise en place d’un parapluie sécuritaire et sur la défense à partir de 1979 des Sunnites face aux Chiites, aux chiites iraniens surtout, désignés comme les ennemis. Quelle est la position de Trump vis à vis de ces Etats Arabes ?
La politique arabe américaine de Donald Trump
Donald Trump se place directement dans le camp arabo sunnite face aux chiites iraniens. Il rejoint en cela les intérêts d’une autre Nation du Moyen-Orient, Israël, qui a une politique étrangère visant à écarter la menace iranienne qu’elle considère comme vitale à ses intérêts en raison de sa politique jugée menaçante, dans la rhétorique de l’Etat Hébreu. On assiste à une recomposition où se dessine un axe stratégique entre Ryad, Tel Aviv/Jérusalem et Washington car, avec l’arrivée de Donald Trump, les Etats sont sur la même longueur d’onde concernant l’Iran malgré l’accord signé avec l’ancien président américain Barak Obama sur la dénucléarisation de l’Iran que Donald Trump, l’actuel président, souhaite revoir afin de se placer du côté de l’Arabie Saoudite. Ainsi, lors de sa visite en mai dernier en 2017 à Ryad, Donald Trump a réaffirmé cette volonté politique. Jusqu’à aujourd’hui, cet accord n’a pas été remis en cause; toutefois, de manière récurrente, des annonces sont faites sur la remise en cause de l’accord avec l’Iran par l’administration Trump mais sans effet pour l’instant.
On peut en déduire que le rapprochement avec Israël et avec l’Arabie Saoudite montre que le dossier palestinien a moins d’intérêt dans la politique arabe américaine actuelle. Cela veut dire aussi que les Etats arabes se désengagent vis-à-vis de la cause palestinienne. Le processus de paix abandonné depuis plus de dix ans, le dossier israélo-palestinien n’intéresse plus les Américains. De même, les Etats arabes s’appuient plus aujourd’hui sur la stratégie américaine d’endiguement de la menace de l’influence iranienne. Le dossier palestinien ne semble plus jouer aucun rôle. Les Etats-Unis vont entériner les intérêts israéliens proposant une politique de fait accompli avec la colonisation qui ne fait que s’accroitre depuis 1993 et les accords d’Oslo. La politique américaine de Donald Trump consiste à donner la priorité stratégique au monde sunnite et la priorité à l’avis israélien, ce dernier point faisait partie de son programme, à savoir de se déplacer à Jérusalem pour reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. Donald Trump rompt avec des décennies de diplomatie américaine. Cela a suscité au passage peu de réactions du monde arabe. On peut expliquer cette décision politique de Donald Trump par le fait qu’une partie importante de son électorat est évangélique. C’est aussi la religion de son vice-président Mike Pence, de même que celle d’un quart de la population américaine. Il y a donc dans la politique arabe américaine de l’administration de Trump une constante dans la relation avec cette zone du Moyen-Orient.
Vis-à-vis de la Syrie, les Américains continuent de se positionner dans la lutte contre Daech et contre les mouvements terroristes et en moins frontal vis-à-vis de Bachar-Al-Assad, chef de l’Etat Syrien. Même si le discours semble dire le contraire, les Etats-Unis sont plutôt en retrait en Syrie, laissant l’acteur russe reprendre la main en Syrie affaiblissant semble-t-il la politique américaine. Cependant, les choses ne sont pas aussi simples. L’Irak, qui a été l’objet d’une politique américaine de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive, est aujourd’hui affaibli et instable. L’Irak sort à peine d’une véritable guerre civile et de la présence d’un Etat islamique qui s’était créé à cheval entre la Syrie et le nord de l’Irak. L’Etat irakien ressemble plutôt à une sorte de fédération à la carte avec les Kurdes au nord, qui sont en cours de constitution d’un Etat quasi autonome avec des ressources partagées avec Bagdad, même si elles restent un enjeu avec la capitale irakienne, et qui possède une véritable force de frappe vis-à-vis de Daech et d’où son recul.
La question est de savoir quelle est la position de la politique étrangère du président américain dans cette zone du Moyen-Orient sur le long terme, vis-à-vis de l’Iran, de la Syrie, vis-à-vis de l’ensemble des pays arabes. Donald Trump et ses conseillers semblent avoir adopté une politique de statu quo, le maintien d’une présence américaine importante dans la zone en raison des intérêts stratégiques qui sont le pétrole et la présence militaire. Même si une stratégie avait été lancée depuis Obama, on a un redéploiement des forces stratégiques au Moyen-Orient vers l’Asie qui aujourd’hui pour les Américains s’avèrent être la zone importante du fait de la montée en puissance de la Chine. La politique américaine opte plutôt pour le contrôle des tensions que l’on voit émerger autour de la Chine et parmi ses voisins avec le Japon, avec les Etats du pourtour de l’Asie de l’Est, autour de cette mer de la Chine méridionale et de ces différentes îles possédant des ressources naturelles et surtout se situant sur le passage de la plus grande voie maritime du monde qui relie l’Europe à l’Asie.Ce sont autant de source de tensions. Cela explique le rapprochement des Américains dans cette zone maritime et terrestre tout en gardant des relations avec la Chine car aujourd’hui l’interdépendance économique entre Chine et Etats-Unis est particulièrement forte même si Donald Trump a mis l’Amérique en premier et qu’il cherche à protéger le marché américain face à ces importations venant de Chine.
Frank Tétart nous a proposé une brillante conférence totalement accessible devant un public conquis.