Dans la continuité de la première édition des Clionautes sur la route, nous poursuivons nos pérégrinations dans les grands sites d’Occitanie pour gagner les Pyrénées et le village de Tarascon sur Ariège. Non loin de cette petite commune ariégeoise de 3000 habitants est implanté depuis 1994 le parc pyrénéen de l’art préhistorique, retraçant la présence humaine dans la région au Magdalénien. Créé à l’initiative du conseil général de l’Ariège, le parc bénéficie de la proximité de grands sites préhistoriques régionaux. Citons ainsi la grotte de Niaux, de la grotte de Bédailhac ou de la grotte de la Vache. Celui-ci offre un espace alliant à la fois activités ludiques et récréatives pour les familles, et centre d’interprétation scientifique rendant compte des derniers progrès scientifiques.
Le parc déploie ses ateliers et ses activités sur des espaces aménagées en intérieur et en extérieur. La visite peut débuter par le centre d’interprétation abrité dans le bâtiment central. Cet espace entend fournir aux visiteurs une étendue des recherches menées sur les grottes et l’art pariétal et sur les hypothèses formulées quant à l’interprétation et le sens de ces pratiques. Nous découvrons dans les premières salles un bestiaire de la faune rencontrée par les Hommes dans les steppes glacées qui composent l’Europe au Magdalénien.
La première bête présentée est le mégacéros, disparu lors de la dernière glaciation. Cet animal de 800kg et de 1m80 au garrot n’est que très peu présent dans les représentations pariétales : 28 occurrences relevées soit moins de 1% du bestiaire
Le mammouth est un animal emblématique de la période, bien qu’il ne soit pas le plus représenté sur les fresques pariétales (400 représentations dans une trentaine de grottes). A proximité du squelette de mammouth et de sa reproduction est exposé un moule du mammouth de Saint Frond. Il s’agit d’un bas relief faisant ressortir la silhouette de l’animal, reconnaissable immédiatement à la bosse caractéristique sur la tête. L’artiste a employé une lourde pierre pour retirer du calcaire avant d’employer un silex pour faire ressortir les traits principaux de l’animal.
La dernière pièce nous présente un dernier animal emblématique de la période magdalénienne; le lion des cavernes. 300kg pour plus de 3 mètres. L’animal est extrêmement rapide, agile ce qui en fait le prédateur le plus redouté de la période. La présence de l’animal dans la région est confirmée par une gravure dans une côte récupérée dans la grotte de la vache en Ariège.
En continuant l’avancée dans la partie consacrée au bestiaire du Magdalénien nous découvrons une animation ludique organisée à destination des plus jeunes : une course entre un humain et un lion des cavernes. Chaque visiteur peut alors défier l’animal virtuel et constaté son lamentable échec et l’impossibilité de lui échapper : la vitesse de pointe de celui-ci devant très certainement avoisiner celle du lion moderne (c’est à dire plus de 80km/h).
En poursuivant notre avancée dans la pénombre du centre d’interprétation, nous pénétrons dans une réplique grandeur nature du réseau clastres de la grotte de Niaux. Cette section, invisible aux visiteurs et découverte dans les années 1970 avec les progrès de la spéléologie, recèle un ensemble d’empreintes de pas extrêmement bien conservées et s’étalant, selon les estimations des ichnologues, de 13000 à 5000 ans avant notre ère. A côté de ces empreintes ont été retrouvées des stalagmites cassées et sonnant remarquablement à la percussion. Les chercheurs interprètent ces vestiges comme la présence d’une production musicale dans le lieu, les stalagmites servant de litophones.
Le réseau clastres recèle également la seule représentation connue dans le monde d’une belette.
Dans la continuité de la salle clastres est diffusé un reportage sur l’analyse de l’art pariétal paléolithique revenant sur les travaux d’Emile Cartailhac jusqu’au renouveau interprétatif proposé par Jean Clottes et son collègue David Lewis-Williams dans les années 1990 (Les chamans de la préhistoire). Le parc bénéficie à cet égard des archives documentaires du grand préhistorien français depuis 2009.
La visite du centre d’interprétation débouche sur une grande salle proposant une simulation d’étude de la présence magdalénienne et l’analyse des signes géométriques abondamment présents sur les parois des grottes de la région. Souvent associés aux animaux ces signes se sont développés à la période magdalénienne. Il s’agit de signes linéaires, pointillés ou claviformes dans les Pyrénées. Notons également la présence de signes barbelés retrouvés à 5 exemplaires.
Ces signes abstraits sont impossibles à déchiffrer. André Leroi-Gourhan soumet l’hypothèse de marqueurs ethniques permettant de particulariser chaque dessin entre les grottes ariégeoises et espagnoles, ce qui témoignerait alors de liens entre les groupes humains.
La salle finale offre aux visiteurs la possibilité d’observer divers moulages de parois et d’objets retrouvés dans les diverses grottes de la région et en France.
Nous pouvons observer cette paroi de la grotte de Marsoulas
Ce bison sur plaquette retrouvé dans la grotte de Bedeilhac
Ou encore ce propulseur aux têtes de chevaux retrouvé dans la grotte du Mas d’Azil.
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La poursuite de la visite du parc en extérieur se fait au travers d’ateliers ludiques et pédagogiques à destination d’un public bien plus jeune que le seul centre d’interprétation. Ceux-ci permettent de revenir sur les éléments centraux du quotidien des populations préhistoriques : le feu, la cueillette et la chasse.
Le premier des ateliers que nous retrouvons est celui du feu. Celui-ci permet la présentation des techniques de production employées dans la région il y a 10 000 ans.
Le plus vieilles traces de foyer datent de 500 000 ans. L’Homo Sapiens étant apparu il y a environ 350 000 ans, celui-ci a toujours su maitriser le feu. Celui-ci offre un avantage évolutionniste considérable en permettant de se réchauffer, d’éloigner les animaux et de cuire la viande, ce qui offre un meilleur apport calorifique bénéfique au développement du cerveau.
Les animatrices présenteront tour à tour deux techniques employées à l’époque. La plus commune est celle de la friction, dont les plus vieilles traces remontent à 13 000 ans. Les braises récupérées sont contenues dans de l’amadouvier, champignon commun et qui offre un parfait combustible pour le démarrage du feu.
La seconde technique présentée est celle de la percussion menée à partir d’un silex et de la marcassite. Les fouilles ont permis la mise à jour de bloc de silex et de marcassite issus d’autres régions que l’Ariège (nord de la France actuelle et Pays Basque), et de bien meilleure qualité. Ces fouilles témoignent ainsi de l’existence d’échanges bien plus nombreux et lointains que nous le pensions par le passé.
Le second atelier auquel nous avons pu participer fut celui de la chasse. Au cours de celui-ci l’animateur présentera les différentes traces des armes déployées sur les diverses périodes de la préhistoire. La plus vieille trace d’arme que nous ayons est celle d’un épieu datant de 350 000 ans. Celui-ci présente l’avantage d’être facilement reproductible, mais nécessite d’aller au contact de l’animal. Pour palier ce problème le lanceur fut inventé il y a environ 24 000 ans. De ceux-ci il ne demeure que les crochets en os, les bois ayant disparu. L’arme est facilement maniable et nécessite très peu de force (dès 6 ans un enfant peut lancer). Ces armes sont largement répandues et employées. Nous trouvons trace sur les squelettes de l’utilisation des lanceurs par les femmes également. Les problèmes liés au lanceur sont sa faible vitesse (les projectiles partent à 70km/h), sa faible précision et la grande place nécessaire pour le lancer.
La solution est trouvée avec l’invention de l’arc dont la plus vieille trace remonte à 12 000 ans. L’arme prend bien moins de place, est utilisable dans toutes les positions, et utilise des projectiles bien plus véloces (200km/h pour les flèches). L’arme est néanmoins bruyante.
Malheureusement, en raison probable de la pandémie, l’utilisation des diverses armes préhistoriques par les visiteurs ne fut pas proposée.
Le dernier atelier auquel nous avons pu participer fut celui de la peinture rupestre, sur les parois d’une grotte artificielle installée au fond du parc. A l’issue de la visite des divers points d’intérêt du lieu, cet atelier offre un point final à une visite passionnante et ludique.
Pour les enseignants résidant non loin du lieu, une exploitation pédagogique du lieu et de ses ateliers apparait aisément envisageable. Celle-ci offrirait un point d’appui pertinent au chapitre 1 du programme de sixième, notamment concernant l’art des premiers hommes. La tâche finale d’une telle sortie pourrait ainsi prendre la forme d’une scène narrative reprenant les principaux éléments de l’art pariétal et réalisée par les groupes d’élèves mobilisés.
Une telle sortie scolaire peut s’inscrire dans les parcours culturel et artistique du collégien et mobiliser des collègues de SVT (impact de la géologie dans l’implantation humaine) et d’arts plastiques.
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Vidéo promotionnelle du parc pyrénéen de l’art préhistorique