Monsieur Kpatindé débute son intervention par un rappel du contexte : le 28 octobre 2014 le Burkina Faso pays était gouverné depuis 27 ans par Blaise Compaoré, compagnon de lutte de Thomas Sankara, qu’il renversa et tua au cours d’un coup d’Etat. Tous les jeunes burkinabés l’ont donc connu que comme président. Le feux fut mis aux poudres à l’annonce d’une révision constitutionnelle visant à augmenter le nombre de mandats présidentiels. La foule est alors descendue dans les rues (1 million de manifestants, pour 17 millions d’habitants). Le 31 octobre Blaise Compaoré démissionne et est extradé, avec l’aide de la France, vers la Côte d’Ivoire.
Le mouvement étant venu des jeunes, de la société civile (à travers des organisations comme Le Balai citoyen), Monsieur Kpatindé les a rencontré et a pu échanger avec eux pour comprendre les causes et les caractéristiques des mobilisations.
I, Les causes :
La population burkinabée est extrêmement jeune : près de 48% de la population a moins de 14 ans, et 65% moins de 25 ans. Le président subissait un phénomène d’usure. Mais la surprise est venue de la mobilisation, pour le moins inattendue. Auparavant l’on descendait dans la rue pour défendre des acquis, ou réclamer des avantages (salaires, droits etc.). Désormais l’on descend aussi pour défendre la constitution.
L’expérience burkinabée influence les mouvements citoyens sur le continent entier qui rêvent de la dupliquer dans leurs Etats.
La spontanéité et la mobilisation populaire s’explique aussi par une méfiance de plus en plus prononcée dans les sociétés africaines envers les partis d’opposition et les syndicats.
II, Caractéristiques des mobilisations :
Plusieurs caractéristiques à ces mouvements :
- Ce sont des mouvements de jeunes
- Ces mouvements sont pacifistes
- Les populations mobilisées sont éduquées, urbaines et connectées aux réseaux sociaux, filmant et diffusant leurs actions : enseignants, avocats, médecins ou étudiants.
- Génération de mélomanes, faisant passer leurs idées par les productions musicales (notamment le chanteur Smockey).
Exportable ou non ?
Cette « seconde révolution d’octobre » est-elle exportable ou non (notamment au Congo Brazzaville actuellement) ? Monsieur Kpatindé pense que oui car les contextes sont similaires : chefs d’Etat anciens (Dos Santos en Angola est au pouvoir depuis 37 ans, Idriss Déby au Tchad depuis près de 26 ans), population jeune et éduquée, mobilisation de la société civile, rejet des partis d’opposition et des syndicats. Des mouvements citoyens et populaires au Gabon, au Burundi, en République Démocratique du Congo fleurissent d’ailleurs, mais commettent les mêmes erreurs que celles des années 1990 (Conférence Nationale du Bénin) : vouloir imiter une révolution, sans l’adapter au contexte local.
Au contraire, la révolution burkinabé a connu une intervention des Etats extérieurs (fortes pressions françaises pour le départ de Blaise Compaoré). Intervention peu évoquée : le travail de l’ambassadeur étasunien qui a suivi la montée des mouvements populaires dès leurs débuts et leur a apporté son aide. La première visite officielle au Burkina Faso après la chute de Blaise Compaoré fut celle de Bisa Williams, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires Africaines des Etats-Unis d’Amérique.
Questions :
Une large place de l’intervention fut laissée aux échanges et aux questions de l’assistance, dont les plus significatives sont rapportées ici
Intervention extérieure souhaitable ? La révolution américaine est possible par l’aide française. Ce qui est souhaitable, c’est que la dynamique soit interne et que tout parte de l’intérieur. Si l’intervention extérieure aide à l’installation de la démocratie, alors banco.
Dictateur rançon de la paix ethnique ? Un dictateur n’est pas à l’abri d’un incident et d’une mort prématurée : il vaut mieux anticiper. il faut que la démocratie s’installe, que les gens votent et que les institutions se rôdent.
Liens entre les mouvements des jeunes et les fondations américaines, et montée d’une « américafrique » ? La question de Sankara ne fut pas abordée c’est vrai car pour les membres de Le Balai citoyen la figure tutélaire est avant tout Mandela avant Sankara (et le mouvement n’a pas appelé à voter pour le candidat sankariste). Les liens existent, ils ne se cachent pas. Mais l’essentiel est de savoir si les africains agissent de manière libre et autonome.
Place des femmes dans les mouvements citoyens ? Aucune place dans les structures dirigeantes, ce qui est étonnant.