Béatrice Giblin, Philippe Subra, Hervé Théry, Frédéric Encel
C’est un auditorium bondé qui a accueilli les intervenants de ce débat qui ont pendant 12 minutes chacun présenté les différents aspects conflictuels des villes dans le monde, de la violence extrême comme dans les Favelas de Rio avec une intervention des forces armées à la réflexion sur les micro-territoires du Grand Paris en allant jusqu’à la vielle ville de Jérusalem .
Béatrice Giblin a présenté les grands traits de l’analyse géopolitique en mettant en avant, au delà de ce qui est appelé la « grande géopolitique », les micro-territoires urbains. Les villes sont des espaces complexes, et même au niveau des quartiers des micro-territoires, qui voient des enjeux de pouvoir s’affronter. Ce sont ces enjeux de pouvoirs qui ont été évoqués par Philippe Subra, spécialiste de l’analyse géopolitique du Grand Paris. Pour Philippe Subra ces questions sont essentielles pour ce qui concerne les aménagements par exemple. La ville de Levallois-Perret a été, à partir de 1983, sous l’impulsion de Patrick Balkany, transfigurée avec une intention politique, celle de modifier la sociologie électorale des quartiers de la ville, à proximité de Neuilly faut-il le préciser. Béatrice Giblin a rappelé les éléments clés de la méthode à suivre en géopolitique, qui n’est pas une science, mais qui utilise des méthodes scientifiques ce compréhension des territoires et des confrontations qui s’y déroulent.
A propos de confrontations Hervé Théry a montré à partir de l’exemple de Rio de Janeiro et la « reconquête » des favelas par les forces armées utilisant des moyens militaires lourds dans ces quartiers livrés aux trafiquants.
Dans cette Cité de 10 millions d’âmes, qui n’est pas la plus violente du Brésil en utilisant le calcul du nombre d’homicides poiur 100000 habitants, près de 25 % de la population vit dans ces quartiers à flanc de montagne, souvent sous le contrôle des organisations criminelles liées au trafic de drogue.
Si à Rio les acteurs locaux, l’Etat mais aussi les narcos se disputent par les armes et parfois aussi par des compromis, des territoires, il en va de même, avec des moyens moins létaux heureusement à propos des rapports de force dans les différentes collectivités territoriales du Grand Paris. Philippe Subra a montré comment les méthodes de la géopolitique s’appliquaient également aux micro-territoires, en opposant les stratégies des acteurs comme les Présidents de Région, les Maires et les métropoles, ce label convoité, notamment en termes de prérogatives pour l’aménagement et les mobilités dans les espaces urbains.
Les acteurs se disputent une gouvernance territoriale sans que forcément les habitants en aient conscience. Aux acteurs politiques il faut ajouter les agents économiques qui contribuent également à la vie locale et qui font aussi valoir leurs revendications.
Frédéric Encel a très opportunément rappelé, à propos de Jérusalem, le glissement intervenu, en 1996, de la revendication politique et territoriale à propos de la vieille ville à un conflit de représentation autour de la question des lieux saints des 3 monothéismes. Cette démarche a été largement illustrée par les politiques urbaines conduites par les autorités politiques mais surtout par les juifs orthodoxes qui ont entrepris une véritable conquête des points élevés qui ceinturent la vieille ville. Des positions sont d’ailleurs « durcies » avec une fonction défensive dans le cadre d’un possible conflit généralisé.
Le point commun des interventions des quatre conférencier était bien celui de l’analyse multiscalaire, du territoire étendu d’une ville millionnaire ou d’une région métropolitaine à un espace de 1,1 km² comme la vieille ville de Jérusalem qui concentre tous les enjeux du conflit et qui voit intervenir des acteurs éloignés comme les pays de la Conférence islamique ou les « sionistes chrétiens », les évangélistes d’outre-atlantique qui voient dans la victoire des juifs l’annonce du retour du Christ.
Quels que soient les territoires et sous toutes les latitudes, les villes détentrices des pouvoirs sur les espaces de leurs périphéries sont bien des « lieux de conflits », de haute ou de basse intensité sans doute mais toujours présents.