Il s’agit de la présentation du web-documentaire, œuvre d’une collaboration entre les Archives nationales et RFI : 1918 Mission Blaise Diagne – Comment le premier député africain a recruté 77 000 tirailleurs.
Le travail s’est fait à partir d’un album-photo de la mission de recrutement confiée par Clemenceau à Blaise Diagne dont on n’a pas d’autre trace dans les archives. Il s’agit d’un album sans commentaire qu’il a fallu décrypter.
Zénaïde Romaneix présente cet album trouvé dans les archives personnelles de Galandiou Diouf, premier élu africain de Rufisque, mobilisé en 1916 et mis à disposition de la mission Diagne qui en retrace le parcours en AOF, une source peu étudiée redécouverte en 2013. Cette source est représentative de la stratégie de propagande décrite dans l’émission La Marche du monde : Blaise Diagne: une légende franco-africaine, diffusée sur RFI en février 2018.
Si le nom du photographe est inconnu, il y a en fait quatre autres albums identiques; c’est donc bien un élément de propagande à la gloire de Blaise Diagne, peut-être pour répondre aux attaques dont il fut l’objet.
Ce sont 106 photographies datées de la période du 15 mars au 15 avril 1918 en deux séries : Mali-Guinée avec de nombreuses vues dans les gares, éléments de modernité, et Haut Sénégal-Niger, une zone observée car elle fut le lieu en 1915 et 1916 de mouvements hostiles au recrutement de tirailleurs et qu’elle fournit en 1918 pas moins de 32 000 hommes. On peut noter l’affirmation de la domination blanche par les gares, les automobiles si peu présentes à cette date dans ces régions. On perçoit aussi la stratégie de Diagne : une préparation politique auprès des chefs locaux mis à l’honneur, palabres, cérémonies protocolaires, puis le recrutement : « la France est notre pays », expression de la dette de sang face à l’Allemagne décrite comme raciste. Le premier engagement est daté du 9 mai : Kader Mademba.
Zénaïde Romaneix insiste sur la nécessité de croiser cette source iconographique avec les autres sources de l’époque.
Valérie Nivelon présente le projet du web-documentaire : confronter les photographies à une enquête de terrain en Afrique. Elles ont été présentées à des anciens combattants , des historiens, des descendants des personnes photographiées comme les descendants de la royauté Mossi.
Deux courts extraits d’interviews sont présentés à retrouver sur RFI, celle d’Iba Der Thiam, coordinateur de l’Histoire générale du Sénégal et auteur de « La révolution de 1914 au Sénégal » aux éditions l’Harmattan (émission du 17/02/2018) qui évoque Blaise Diagne arrivant à Dakar et passant devant le gouverneur et la puissance symbolique de cette image et celle de Bruno Doti Sanou, historien spécialiste de l’histoire de Bobo Dioulasso (émission du 24/02/2018) qui évoque le contexte de la mission : l’espérance d’une amélioration de la situation des Noirs, mais Biagne était trop seul au Palais Bourbon.
Jean-Pierre Bat développe l’histoire de l’étape guinéenne qui montre les contradictions de la mission : à la fois la création d’une élite intermédiaire et en même temps le développement d’une propagande anti-allemande. Il regrette que les photographies ne soient pas complétées du discours lors des palabres. Notamment à Conakry où les femmes interpellent sur le non-retour des hommes déjà recrutés et sur les pensions. On retrouve la trace de ces remises en cause du deal colonial dans les journaux des congrégations religieuses : extrait du diaire des spiritains, dans lequel sont relatés les événements au jour le jour Kouroussa – 4 avril 1918 à retrouver dans le second chapitre du web-documentaire : De Bamako à Conakry.
Benoit Beucher traite du recrutement voltaïque (chapitre 3 du web-documentaire) qui est consacré au recrutement en pays Mossi. Il analyse les violences des années 1915-1916 comme consécutives au relâchement du contrôle colonial sur une région pacifiée depuis peu de temps. Il montre la stratégie choisie par Diagne : respecter les chefs pour les convaincre d’engager leurs fils; il est reçu comme le plus important représentant de la République et profite des envies de prestige lié à la modernité du Moro naba (roi Mossi), ne recrute pas lui-même mais laisse des émissaires qui feront le recrutement quelques semaines après son passage. C’est un succès.
Ce web-documentaire est organisé en quatre chapitres : chapitre 1 l’arrivée à Dakar, le défi de la République, chapitre 2 : De Bamako à Conakry une campagne africaine, chapitre 3 En route pour Ouagadougou, le sacrifice des chefs Mossi, chapitre 4 Retour triomphal à Paris Et la citoyenneté ?
Un accord a été passé avec Eduscol pour un usage en classe
La réalisatrice Valérie Nivelon1 souhaite un retour des enseignants qui utiliseront cette série.
1Valerie.nivelon at rfi.fr