George Courade dont la conférence en ce vendredi matin, présentée par notre collègue clionaute Romain Ducornet, se fait à l’occasion de la réédition de L’Afrique des idées reçues par les éditions Belin.
Loin de reprendre le livre, Monsieur Courade nous propose un exposé riche et passionnant soutenu par une stimulante présentation projetée

Pourquoi ces idées reçues ?

Si elles ont une part de réalité celle-ci est déformée par la généralisation, constituées de faits probables non avérés, de stéréotypes psychologiques, de jugements péjoratifs de la part de techniciens. Souvent séduisant pour celui qui les emploie par peur ou préjugé, fantasme ou présupposé, échec d’un développeur ou arrogance découlant d’une supposée supériorité. Georges Courade nous invite à ce sujet à lire l’ouvrage d’Antoine Glaser- Arrogant comme un Français en Afrique, paru cette année Fayard 2016 – [http://www.fayard.fr/arrogant-comme-un-francais-en-afrique-9782213686417->http://www.fayard.fr/arrogant-comme-un-francais-en-afrique-9782213686417].
Confrontation des regards et des mémoires de la colonisation
Sont ainsi abordés les regards touristique, féminin de la dénonciation de l’excision au soutien à Bring back our girls après le rapt de jeunes Nigérianes par Boko Haram en 2014, humanitaire des distribution de vivres à l’ »arche de Noé » ou celui des investisseurs entre opportunités et crainte des risques.
L’épisode colonial a lui aussi laissé des images que Georges Courade qualifie d’inusables du tirailleur Banania au déguisement récent en Noir du ministre belge des affaires étrangères lors d’une campagne de récolte de fonds pour une ouvre de charité sur cette affaire : http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2015/04/07/la-tradition-belge-qui-ne-passe-pas_4607580_4497186.html ou pour en savoir plus http://www.congoforum.be/upldocs/2015%20n%203%20plan%20US%20pour%2010%20ans.pdf pages 6 à 10 .
On peut ainsi parler d’une mémoire douloureuse des héritages mal ou non soldés, en particulier à propos du Cameroun dont l’accès à l’indépendance s’est fait par une guerre oubliée ou cachée 
Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948 – 1971) de Manuel DOMERGUE, Jacob TATSITSA et Thomas DELTOMBE – La Découverte 2011.

Afro-optimisme

« La vie, c’est comme le vélo, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre  ».Proverbe sierra-léonais
L’afro-optimisme est basé sur la croissance d’une partie de l’Afrique depuis les années 2000, certains économistes affirment même que les politiques d’ajustement structurel sont à l’origine de cette récente prospérité. Certes le prix élevé des matières premières et le développement du commerce avec la Chine a profité à certains états (Angola, Mozambique…).
On voit aussi la réapparition d’une classe moyenne qui existait dans les années 60 et qui consomme de plus en plus notamment des nouvelles technologies. Les prix de l’immobilier dans les grandes métropoles se rapprochent des standards occidentaux Par exemple à Dakar une offre à 730 00FCFA /m2 soit plus de 1 000€/m2
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Pourtant un Afro-pessimisme demeure.

Deux citations amorcent la réflexion :
« On sait tout de la manière dont les Africains meurent et rien sur la manière dont ils vivent » H. Mankell 11/02/2005
« Le Blanc ne voit que ce qu’il sait  »
Isolement et enclavement, deux maux de biens des régions du continent mis en valeur par des cartes ils sont contredits par l’intensité des échanges internes notamment au et avec le Mali.
Le retard technique et en particulier en agriculture mais les agronomes oublient trop souvent les connaissances accumulées qui autorisent la culture malgré des conditions naturelles difficiles.
La « malédiction des ressources » est évoquée à propos du Nigeria et de l’Algérie avec les investissements inutiles grâce à la rente pétrolière ou gazière.
Une jeunesse mal formée et au chômage, des populations mal soignées.

Un point aborde rapidement la question des migrations intra-africaines ou vers l’Europe : des migrants non désirés quelle que soit leur destination comme le montrent des situations récentes en Côte d’Ivoire ou en Afrique du Sud.

Des clichés courants en géopolitique.

La question des frontières nées de la colonisation mais qui sont en fait peu contestées et en même temps des lieux d’intense activité commerciale licite ou de braconnage.
Les bailleurs de fond recherchent des états stables, sans risque donc des états forts en dépit des discours sur la nécessaire démocratie.

Georges Courage tord le cou à l’explication des conflits par le tribalisme en montrant l’extrême complexité : une ethnicité manipulée par la colonisation, l’ethnologie et aujourd’hui la politique, les conflits cachent des enjeux de pouvoir, de ressources. La question foncière est souvent très importante (Nigeria, Zimbabwe).

Plus récemment l’idée que l’Afrique est entrée dans une guerre de religion. Il est rappelé que l’islamisme n’est pas nouveau en Afrique comme en atteste l’empire de Sokoto, grand califat au nord de l’actuel Nigeria sous la domination au XIXe siècle de l’imam peul Ousmane Dan Fodio On peut se reporter à Frontières de sable, frontières de papier Histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, XIXe-XXe siècles de Camille Lefebvre Publications de la sorbonne 2015
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L’actuelle situation au Mali découle de bien plus de facteurs que le seul islamisme.

D’autres clichés en vogue à propos du développement

La bombe démographique : Pourquoi l’Afrique sous-peuplée en 1960 est devenue surpeuplée en 2015 ? alors que la structure démographiques des états africains est très variée.

Des paysanneries incapables de nourrir les villes mais dont les productions sont concurrencées par des importations à bas prix et quand l’accaparement des terres se développe pas seulement pour des cultures alimentaires. Les terres dites vacantes le sont-elles réellement ?

L’Urbanisation galopante est souvent qualifiée de chaos urbain alors que l’essentiel de la population urbaine est dans les villes moyennes qui ont une bonne relation avec leurs campagnes.

Reste une question : Où employer les centaines de millions de jeunes en 2050 ? Secteur informel ou agricole, industriel ou tertiaire ?

Une conférence passionnante qui ne peut qu’inciter à se plonger dans la réédition de L’Afrique des idées reçues, livre qui a été chroniqué par Catherine Didier-Fevre : http://clio-cr.clionautes.org/l-afrique-des-idees-recues-5876.html et par moi même : http://clio-cr.clionautes.org/l-afrique-des-idees-recues-5866.html.