Celle-ci nous est parvenue, par la plume de l’un des nôtres, directeur de collection aux éditions Nathan. Nous la publions avec intérêt et enthousiasme, en rappelant, ce que nous sommes allés affirmer devant l’hôtel de ville de Béziers :« nous sommes des sentinelles face aux tentatives d’instrumentalisation de l’histoire».
Droit de réponse
M. le directeur de la publication
M. Le directeur de la rédaction,
Votre magazine a choisi, dans son numéro du 2 septembre, d’opérer une comparaison entre les manuels d’histoire édités par Nathan (cycle 4, classes de 5e, 4e, 3e) et un ouvrage auto-proclamé « antimanuel » co-édité par les Editions de la Martinière et la Fondation Aristote.
Nous ne cèderons pas à la tentation facile d’opérer à notre tour une comparaison et de relever les erreurs, les biais idéologiques, les anachronismes et manquements aux programmes du livre en question (plusieurs associations de professeurs d’histoire-géographie l’ont déjà fort bien fait).
Le «Nouveau» manuel d’histoire de Dimitri Casali
Mais comme votre journaliste s’en prend frontalement à nos manuels, vous nous permettrez, comme directeurs de ces ouvrages, de corriger des assertions mensongères et de faire une petite mise au point sur ce que sont les manuels scolaires, leurs usages, leur conception et leur objectif.
Un manuel scolaire est un travail collectif réunissant auteurs (enseignants, chercheurs) et éditeurs. Un manuel est donc le produit d’une mise en commun de connaissances et de compétences qui couvrent tous les attendus d’une matière scolaire : le disciplinaire, le didactique, le pédagogique. Pour le disciplinaire, vous êtes sans nuances : « bribes de connaissances », contenu « léger ». Une lecture honnête de nos livres suffit à corriger pareils jugements de valeurs qui n’ont rien d’une évaluation scientifique mais procèdent d’un a priori idéologique sur lequel nous reviendrons. Pour le didactique et le pédagogique, ce que vous écrivez est non seulement faux (« connaissances (…) impossibles à assembler si l’élève n’a pas écouté ou compris le cours ») mais révèle en fait que vous regrettez qu’un manuel puisse être rédigé pour être utilisé en classe avec un professeur ! Nous sommes pour notre part convaincus que le manuel scolaire est d’abord conçu pour un élève et que son usage est lié à la pratique pédagogique du professeur ; ce n’est pas un livre pour ses parents ou grands-parents nostalgiques d’une école qui n’a d’ailleurs jamais existé telle qu’ils pourraient la rêver. Il invite l’élève à réfléchir, pour comprendre le sens de ce qu’il apprend, ce qui fera de lui un citoyen responsable.
Mais en réalité, ces aspects essentiels d’un manuel scolaire vous importent peu car votre objectif est tout autre, il est idéologique. Vous centrez, pour finir, votre propos sur les thématiques coloniales ; les 18 pages que nous y consacrons (en 4ème) seraient « truffées de passages propres à inspirer un profond rejet de [notre] pays ». Nous voilà donc au cœur du problème : notre manuel scolaire ne ferait pas assez AIMER la France. Or, aucun historien sérieux ne raisonne selon cette grille de lecture (admiration/dénigrement, bien/mal). Il restitue les faits dans leur complexité, il tente de retrouver ce qui a eu lieu par l’enquête, les interprétations et les explications. L’historien travaille sur des sources que sa déontologie lui interdit de modifier (le fameux texte de Ferry que vous abordez au prix d’un anachronisme grossier). Il n’y a dans notre travail de professionnels aucune manipulation idéologique, juste de l’honnêteté intellectuelle et le souci premier de tout enseignant : rendre possible la transmission de savoirs à des non spécialistes, qui plus est des enfants et adolescents. En l’occurrence, les éditions Nathan s’appuient sur les dernières avancées historiographiques sur l’histoire coloniale (comme en témoigne la bibliographie dans le livre des enseignants).
Le manuel est un outil critiquable et nous sommes bien placés à chaque rentrée pour le savoir. Nous entendons et tenons grand compte de la critique qui émane des professionnels eux-mêmes parce qu’elle respecte la déontologie d’une profession dont nous partageons la passion.
C’est avec tout le respect que je vous dois que je viens réclamer ici le droit de répondre aux allégations de Madame Véronique Grousset, je compte sur votre propre déontologie de journaliste pour accepter de publier ce texte dans votre prochaine édition. Je vous en remercie et vous prie de croire en mes sentiments les meilleurs.
Sébastien Cote
Professeur d’Histoire en Khâgne au lycée Joffre de Montpellier
Directeur de collection pour les manuels d’Histoire-Géographie collège de Nathan
Quelques éléments sur le droit de réponse