En arrivant à Béziers par une chaude journée d’été, on imagine facilement la grande reconnaissance de l’ensemble des Biterrois en 1826 et la fête des Caritats qui a suivi ! Il suffit de se garer au parking du Four à chaux et de remonter à pied la rue de Canterelle, puis de s’imaginer ahanant, chargé de seaux d’eau potable en train de vaincre les 66 mètres de dénivelée qui séparent le fleuve côtier Orb jusqu’au centre-ville qui le dominehttps://www.reussir-a-beziers.com/396+cordier-suite.html.
Le moulin de Jean-Marie Cordier pour Béziers
L’homme à l’origine de cette prouesse technique est Jean-Marie Cordier, né en 1785 d’un père serrurier. Après des études de géométrie et de dessin d’ornement, il se lance en autodidacte dans la mécanique, l’hydraulique et la thermodynamique et s’intéresse aux travaux d’Oliver Evanshttps://fr.wikipedia.org/wiki/Oliver_Evans et du baron de Pronyhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Gaspard_de_Prony portant sur l’utilisation de la vapeur à haute pression.
En 1811, Cordier participe au concours lancé par la ville de Béziers représenté par son maire Joseph-Alban Bonnet de Maureilhan, comte de Neffiès. Il s’agit de proposer une solution économique pour alimenter en eau la ville et ses 16 000 habitants de l’époque. Comme on peut le lire dans les annales municipales https://www.google.fr/books/edition/Annales_municipales_de_la_vile_de_B%C3%A9zie/G_pOAQAAIAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=machine+cordier+b%C3%A9ziers&pg=PA127&printsec=frontcover , p.125, la proposition de ‘pompe à vapeur’ de Cordier est adoptée et 60 000 francs lui sont accordés pour réaliser son rêve d’amener l’eau de l’Orb dans les foyers de Béziers. Bien qu’on trouve très peu de détails précis de l’installation, on peut lire qu’il s’agissait d’une pompe à double effet permettant de fournir un mouvement continu à la colonne d’eau du tuyau d’ascension vers la ville, sans le secours d’un réservoir d’eau. Les travaux furent rendus possibles par la démolition des remparts de la ville, qui fournit par ailleurs le financement nécessaire. Le captage de l’Orb s’effectuait au niveau du jardin de la Plantade et le refoulement dans un réservoir de stockage situé ville haute sur le plan Saint Louis tout près de la Cathédrale St Nazaire. Les premières machines furent rapidement remplacées par de plus grosses pour atteindre les performances nécessaires pour l’époque. Quelques années plus tard, Jean-Marie Cordier acquiert en copropriété les moulins de Bagnols, anciens moulins à blé. Il a en effet réfléchi à la possibilité de remplacer la machine à vapeur fonctionnant au charbon par une machine hydraulique utilisant des roues imaginées par Poncelethttps://www.arts-et-metiers.net/musee/modele-roue-hydraulique-type-poncelet . L’énergie serait alors apportée par l’Orb. Ces nouvelles machines moins coûteuses en fonctionnement sont mises en œuvre en 1845. Ces roues hydrauliques ne constituaient en réalité pas un simple retour en arrière aux techniques de l’ère pré-industrielle car elles bénéficiaient de nouvelles innovations. Ces roues partiellement immergées étaient dimensionnées pour limiter les pertes dues aux chocs de l’eau sur les aubes de la roue et fabriquées en métal, grâce au développement de la métallurgie.
L’ingénieur Cordier à la conquête des villes de France
Fort de ce succès, l’ingénieur Cordier développe le même type de machine hydraulique dans d’autres villes de France où élever l’eau est une nécessité https://www.google.fr/books/edition/Bulletin/DiUKAAAAIAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=machine+cordier+b%C3%A9ziers&pg=PA62&printsec=frontcover, p.62. Chaumont, Dole, Angoulême, Narbonne, Poitiers, Reims font appel à lui. Sa notoriété dépasse aussi nos frontières. Il est engagé en 1843 à Genève (Suisse) où il est chargé d’améliorer la machine conçue par Joseph Abeille vers 1710. Son dernier chantier est à Alexandrie (Egypte), débuté en 1857 avec l’aide de son fils. Il est chargé de concevoir le système hydraulique d’alimentation de la ville en eau potable : 37 000 m de conduite, 60 fontaines monumentales et un réservoir d’eau potable de 10 000 m3 élevé à 35 m de hauteur au-dessus du Nil ! Il meurt de maladie à Béziers le 29 juin 1859 sans voir aboutie sa dernière réalisation.
Béziers fut l’une des premières villes de France à avoir une eau potable abondante et d’excellente qualité. En 1826, la pompe permettait d’élever 200 m3 d’eau par jour. En 1846, les capacités passaient à 800 m3 d’eau par jour. Depuis 1962, les machines ont encore évolué avec des systèmes de pompage plus performants mais c’est toujours la nappe alluviale de l’Orb qui assure 85% de la production d’eau potable. Béziers dispose aujourd’hui de 28 000 à 33 000 m3 d’eau par jour.
Hommages publics et postérité
Jean-Marie Cordier fut nommé chevalier de la Légion d’Honneur en 1836, médaillé d’or de la ville de Poitiers en 1839 et reçut le deuxième prix de mécanique de l’Académie (fondation Montyon) en 1847.
Ses funérailles furent publiques et sa tombe monumentale encore visible dans le Cimetière Vieux fut érigée sur un terrain donné par la ville. Le moulin Bagnols s’appelle maintenant le moulin Cordier. Il ne se visite pas mais on peut y jeter un coup d’œil et se laisser tenter par une petite promenade au jardin de la Plantade tout proche. Depuis 2017 une fresque en trompe-l’œil de Patrick Commecy alias A-Fresco située au 5 Avenue Georges Clémenceau rend hommage à cet homme illustre.
Merci Armelle !
Je suis juste passionnée (et très novice encore !) du cimetière vieux de Béziers et je me renseigne sur tous les gens connus de la ville enterrés ici.
Votre article est super, je pourrai m’en inspirer en racontant à mes amis, l’histoire de Cordier, devant sa tombe, avec plus de précisions et aussi de simplicité.