A l’heure où la démocratie locale est encensée, un examen approfondi de la gestion des municipalités ayant bénéficié de la décentralisation, c’est-à-dire ayant la maîtrise de leurs dépenses, paraît bien utile. C’est justement l’objectif du travail de nos deux chercheurs canadiens qui ont constitué une base de données sur 118 villes, réparties sur 96 pays. A l’aide de divers documents statistiques, rapports ou communiqués de presse, les deux chercheurs proposent de mesurer l’efficience économique et sociale de la décentralisation, quitte à observer des résultats qui ne confirment pas vraiment les hypothèses de départ. Voici la teneur de ce tour d’horizon.
1) La ville autonome peut-elle créer de la croissance économique ?
Pas vraiment, et c’est désolant pour nos chercheurs. En effet, au premier abord, le contact rapproché avec les citoyens devrait permettre une meilleure connaissance du tissu économique et aboutir à des politiques plus efficaces. Or, justement, si les villes tendent à multiplier les initiatives, en faveur des startups, de l’innovation ou de l’emploi en général, les résultats se révèlent bien médiocres. Comment l’expliquer ? Peut-être un surcoût administratif qui entame les bénéfices des politiques menées ? Ou encore une conjoncture de crise économique qui, globalement, pèse sur les performances ? Difficile de trancher en l’état.
2) L’autonomie budgétaire aggrave-t-elle la corruption ?
Première remarque, plus le pouvoir est décentralisé et plus l’indice de perception de la corruption est élevé. Deuxième remarque, plus le pouvoir de dépenser est décentralisé, plus les dépenses (appels d’offre, résultats d’adjudication…) sont transparentes. Comment est-ce possible ? Soit la transparence actuelle dévoile des pans de corruption jusque-là cachés, auquel cas, il ne faudrait pas surinterpréter le haut indice de perception de la corruption, soit il y a un phénomène de sophistication de la corruption qui échappe aux contrôles.
3) Vit-on mieux dans une commune pleinement autonome ?
Plus le pouvoir est décentralisé, plus il y a des investissements importants dans l’environnement de vie (parcs, transports, etc.), plus les réflexions portent sur le long terme, plus il y a d’ouvertures à la démocratie locale… Les besoins des citoyens sont davantage satisfaits. C’est un bon point. Dans la mesure où une municipalité ne fait pas que rendre des service mais contribue à améliorer la vie des citoyens, la décentralisation apparaît comme un progrès.
Prenons garde toutefois à ne pas surinterpréter les résultats de cette base de données. Ainsi, les chiffres sur les dépenses courantes concernent une seule année. Par ailleurs, l’indice de perception de la corruption, comme son nom l’indique, ne se fonde que sur une perception. Les indices sur la qualité de vie sont récents et controversés. Enfin, limite importante, plus le pouvoir est décentralisé, plus la ville a le pouvoir de s’endetter ce qui, à terme, devrait rééquilibrer le bilan de la décentralisation.