Le Tour de France écrit souvent son épilogue dans les Alpes, où les étapes franchissent régulièrement les frontières avec la Suisse et l’Italie. Des exemples récents permettent de comprendre ce que ces étapes alpines disent des mobilités en montagne et du franchissement des frontières.

Antonin van der Straeten est doctorant en géographie au laboratoire EDYTEM de l’Université Savoie Mont Blanc (UMR 5204). Spécialiste de sport et passionné par l’Europe centrale, il réalise une thèse sur le Tour de France : les questions de politiques publiques d’accueil, d’adaptation de l’aménagement des sites et les perceptions du grand public sont les principales thématiques de son travail de recherche.

Bonne nouvelle ! La salle de la Boussole est complète pour parler cyclisme et Alpes. Manifestement, amateurs de la petite reine et curieux se sont joints nombreux à la communauté des géographes.

L’occasion de rappeler que la géographie et les géographes ne sont pas hors-sol en s’intéressant à un événement aussi populaire que le Tour. Nombreuses sont les personnes qui y auront acquis – hors les murs de l’école et pendant les vacances d’été –  une réelle connaissance géographique de leur pays ! 

Une carte adaptée aux besoins d’une épreuve sportive

Si l’on pense d’abord à la longueur, à la variété et à la difficulté des étapes, logiques inhérentes à la compétition sportive, le tracé du Tour doit s’adapter à d’autres contraintes, en fait plus déterminantes, d’autant que le Tour demeure au fil des années le plus grand événement cycliste suivi – et scruté – internationalement.
La route est d’abord aménagée pour la voiture et les poids-lourds, les « quatre-roues » étant les prescripteurs principaux en matière de mobilité et donc d’infrastructures. Rien de gênant à priori pour les « deux-roues », le bitume n’étant pas pour leur déplaire, pourvu que l’on sanctuarise le parcours lors des épreuves. Et puis la caravane du Tour peut suivre. En fait, notre conférencier nous montrera plus loin que ce n’est pas si simple…

Un Tour de France 2024 pas comme les autres ?

 

Pour la première fois de son histoire, le départ de la grande boucle a été donné depuis l’Italie. En plus de cette nouveauté, l’arrivée de la dernière étape ne sera pas jugée sur les Champs-Élysées comme il est de coutume depuis 1975, mais délocalisée sur la Promenade des Anglais à Nice, en raison de l’organisation des Jeux Olympiques dans la capitale.

En fait, une grande continuité

La carte de 2024 montre en conséquence un Nord délaissé. En fait, rien de scandaleux ni d’exceptionnel : le tracé du Tour n’a pas vocation à couvrir toutes les régions françaises et le suspense aidant, les étapes de montagne restent le graal à atteindre. Mais ce n’est pas systématique : la Bretagne et fort bien représentée, alors que le Centre l’est peu. Car la variété des parcours fait son intérêt et la demande de Tour pour les villes est forte. Un passage du Tour est un plus pour la notoriété du lieu, dans un pays où le tourisme est une industrie majeure. D’ailleurs, le Tour s’arrêtant à Colombey-les-deux-Eglises montre qu’il ne dédaigne pas non plus le tourisme patrimonial.

Un Tour de France international dans son tracé

Le Tour 2024 franchit 2 frontières en commençant pour la première fois en Italie (départ de Florence) et en terminant avec sa 20e étape de Monaco à la Promenade des Anglais.

Cette volonté de donner un aspect international n’est pas une exception, loin de là. Nos voisins, de la Grande-Bretagne à l’Espagne, l’ont accueilli. L’édition 2022 part même de Copenhague, pour être remportée par le coureur danois Jonas Vingegaard. Et parmi les pays qui ont le plus accueilli le Tour, c’est la Suisse, notre voisin alpin, qui emporte la palme. Car des étapes se déroulent régulièrement de part et d’autres des frontières inter-alpines depuis les années 90.

 Les Alpes – françaises, mais pas que –  sont donc l’espace incontournable d’étapes qui retiennent chaque année le pays cycliste en haleine.

Les Alpes, région chérie du Tour

Le FIG propose chaque année un « combo » thème / pays (ou espace) invité. L’occasion pour quelques conférences de marier les deux. C’est le cas de cette conférence, issue des travaux d’Antonin Van des Straeten sur le Tour de France cycliste.

Un Tour de France alpin et transfrontalier

 

Depuis  2008, l’organisation du Tour y valorise davantage de variété, le plus souvent en altitude, via des cols inédits ou très peu empruntés, tel le col de la Lombarde (carte ci-dessus). 

Un tour-bis, imposé par la logistique de l’épreuve

En effet, la logistique des équipes et des sponsors nécessite un « Tour hors-course » différent : air de stationnement, hôtels pour coucher coureurs et staffs, routes permettant le passage des camions, obligeant à des itinéraires-bis, voire à des emprunts étonnants, non prévus pour la circulation traditionnelle. Antonin nous présente ainsi l’exemple du tunnel du chantier du Nuant de Drance, permettant un itinéraire hors course exceptionnel sous les barrages d’Emosson, dans le Valais suisse. 

Conclusion

En fait, les Alpins savent depuis toujours que leur massif est franchissable, et ils continuent d’y aménager une intense circulation, au contraire de ceux qui de l’extérieur le voient d’abord comme une formidable barrière naturelle. On rappellera que la géographie alpine a toujours fait le lien entre la richesse des régions alpines et la qualité de leurs infrastructures. Pas étonnant que le Tour s’y plaise tant : dans ces montagnes se jouent le spectacle grandiose de la nature et la performance sportive extrême de l’Homme.

Pour terminer, notre doctorant, peu avare d’anecdotes humoristiques dans ses interventions orales, n’hésite pas à endosser le costume du « gros », tâcheron du cyclisme se contentant de pédaler dans les vallées et regardant d’en bas les « légers », seigneurs des cols et héros du peuple de la petite reine… Mais au su des protestations dans la salle, je suppose qu’il n’en est rien et qu’Antonin manie aussi bien le vélo que la carto…