Boris Lebeau travaille actuellement sur la notion d’éco-anxiété, et il a, avec Philippe Pelletier, interrogé des étudiants en master, principalement en développement durable, issus de différentes formations. Ils souhaitaient recueillir leurs points de vue sur ce phénomène pour mieux le comprendre. Les résultats obtenus soulèvent des questions, notamment sur la perception de la question environnementale. Ils ont sondé environ une centaine d’étudiants, parmi lesquels seulement 24 ont évoqué ressentir de l’anxiété liée aux problématiques environnementales. Cette proportion est inférieure à ce qu’ils pensaient trouver au départ. L’éco-anxiété est souvent associée à d’autres formes d’anxiété. Elle est donc parfois difficile à identifier.
Délimiter le sujet
En ce qui concerne les causes de cette anxiété, les résultats de l’étude de Ph. Pelletier et B. Lebeau montrent que les médias jouent un rôle prépondérant, bien avant la science, dans la diffusion de l’information environnementale. Les étudiants perçoivent les médias comme source de peur, diffusant souvent des messages alarmistes et axés sur les catastrophes. Ils estiment que les médias ne mettent pas assez en avant les actions positives et les politiques environnementales en cours.
En outre, de nombreux étudiants admettent se désengager des médias, car ils estiment que l’information est trop anxiogène. Cela soulève la question de la communication médiatique sur les enjeux climatiques. La perception de cette communication est souvent négative, considérée comme axée sur les catastrophes et les émotions plutôt que sur des informations concrètes et pragmatiques.
Impact médiatique
La manière dont les questions environnementales sont présentées est une des principales causes de l’anxiété environnementale selon leur étude. Souvent, une série d’éléments rendent la situation alarmante. Fréquemment, on entend dire que l’humanité a franchi des seuils au-delà desquels la vie sur Terre serait gravement menacée. Cela crée ainsi de l’anxiété chez ceux qui reçoivent ces informations. Autre facteur d’angoisse ; le concept d’irréversibilité. C’est l’idée que les dommages infligés à l’environnement sont permanents et catastrophiques, ce qui crée une grande inquiétude. La communication autour de concepts comme « le jour du dépassement », qui indique dès le mois d’août, l’épuisement de ce que la nature peut offrir, suscite également de l’anxiété chez les étudiants.
Une question pertinente est de savoir si ces constats, bien qu’essentiellement scientifiques, sont ou ne sont pas présentés de manière à marquer les esprits, voire à des fins marketing. Un élément important à examiner est la peur elle-même. Contrairement à l’idée commune selon laquelle les personnes éduquées et conscientes des problèmes sont plus enclines à l’anxiété, leurs résultats indiquent que les étudiants de première année de master sont en réalité plus anxieux que ceux en deuxième année. Cela suggère que l’apprentissage et la connaissance, en particulier dans un contexte scientifique, peuvent réduire l’anxiété. Il est crucial de reconnaître que cette anxiété peut avoir des conséquences sociales importantes. Plutôt que de conduire à des actions collectives, elle peut replier les individus sur eux-mêmes et les pousser à se sentir coupables.
Ecologie et libéralisme
Philippe Pelletier rappelle une anecdote, à savoir la suppression du programme de distribution de lait aux écoliers britanniques en 1971 par la ministre de l’éducation de l’époque, Margaret Thatcher. Certains le considèrent comme le début concret du néolibéralisme. Cette période de l’histoire suscite l’intérêt de Philippe Pelletier en raison du lien potentiel avec le débat actuel sur le nucléaire et le changement climatique. Margaret Thatcher a également joué un rôle majeur dans la création du GIEC en 1988, aux côtés d’autres leaders mondiaux. Philippe Pelletier soulève des questions sur le fait que les préoccupations environnementales ont pu être été intégrées à la politique mondiale à cette époque. Cette période coïncide avec l’émergence du terme « globalisation », qui sous-entend une forme de néolibéralisme capitaliste.