Les montagnes sont parmi les lieux du globe qui se réchauffent le plus vite, et les Alpes ne font pas exception. Sur le plan géomorphologique, elles « s’effondrent » et les glaciers disparaissent quand, sur le plan biologique, le vivant est mis à rude épreuve.
Tout le massif est-il logé à la même enseigne ? Comment s’adapter à ces changements ?
Des constats
Xavier Bodin part d’un cas emblématique de la fuite en avant vers toujours plus de ski, avec le débat à propos du prolongement du téléphérique de La Grave.
Prolonger le tourisme sur un glacier qui va disparaître, ce qu’on appelle le tourisme de la dernière chance ou poser la question de l’avenir de ce territoireVoir l’argumentaire des promoteurs du projet La Grave 2050 et en parallèle un article de Montagnes Magazine: comprendre le conflit autour du téléphérique.
Face au changement, Anna-Maria Pioletti décrit l’initiative d’un habitant qui a décidé de planter des oliviers. Relancer la culture de l’olivier dans le Val d’Aoste, et ça marche. L’idée est de développer un produit : « l’huile des Alpes » pour la communauté locale.
Nicolas Crunchant : Dans le Queyras, les étés très chauds 2022 et 2023 ont impacté la reproduction des truites, avec un développement de cyanobactéries en altitude et ont tari des sources, ce qui met en péril les estives ovines. Pour compenser le manque d’eau en été pour abreuver le bétail, il y est question d’installer des impluviums. Quand l’estive recule, certaines herbes, non broutées se développent et cela pose la question de l’avenir de l’agriculture locale, un heurt avec la tradition.
Que peut-on faire ?
XB : Pour certains, pas de problèmes, on trouvera des solutions techniques.
Mais, dans le cas du téléphérique, détruire un rognon rocheux va entraîner la disparition d’une androsace rare. À l’heure des alertes sur la perte de biodiversité, ça n’a pas permis de stopper le projet.
Pour participer au débat, les scientifiques se mobilisent pour proposer des récits différents sur l’espace de ce projet, une aventure collective qui permet aux chercheurs de se projeterSur l’engagement des géographes : Protéger les terres – Les géographes s’engagent, Adrien Baysse-Lainé, Florence Nussbaum (dir.), CNRS EDS, 2024 qui a fait l’objet d’un Café géo le vendredi 4 octobre/footnote].
A-M P : Au Val d’Aoste, les scientifiques peuvent travailler avec les politiques, même si c’est difficile. Dans le cadre du projet des oliviers, un véritable travail s’est développé grâce à l’association valdotaine de production d’olives comme alternative au tourisme de neige.
NC insiste sur le mille-feuille administratif français qui gène toute politique communale qui pourtant s’appuie sur le terrain. Il pose la question de la temporalité électorale, d’où la nécessité de développer le rôle d’éducation des publics et des élus, engagé par les scientifiques et les associations, notamment dans le cadre des discussions sur la nouvelle charte du Parc des Écrins.
L’argent que le développement du tourisme de ski a apporté dans les villages rend difficile d’imaginer un autre avenir.
XB montre comment sa position de géomorphologue a pu évoluer. Le milieu s’est artificialisé depuis 50 ans. Comment va-t-on fonctionner collectivement dans un milieu qui change ? Va-t-on vers plus d’inégalités ? Plus d’autoritarisme ?
A-M P : L’interdisciplinarité est obligatoire. Par exemple, travailler sur les toponymes anciens donne des idées, les scientifiques devant transmettre leurs connaissances, en particulier aux plus jeunes, pour que le territoire puisse comprendre et faire ensemble.
NC : Il y a une nécessité de reconnecter l’humain à la nature (slow-tourisme). L’homme est fait pour marcher, les infrastructures ne sont pas toujours utiles. Autre exemple : l’extinction de l’éclairage public entre 23h et 5h est une bonne chose, même si ce n’est pas facile à faire passer.
On peut développer un tourisme en montagne sans CO2, sans oublier que la montagne est un espace de vie et pas seulement un terrain de jeux pour les urbains.
Que penser des J.O. 2030 ?
XB n’a que des craintes liées au réseau routier, à l’artificialisation des espaces.
A-M P : Il y aura des problèmes d’enneigement, même pour les prochains jeux en Italie. L’importance des investissements a été dénoncée par les locaux, forts de l’expérience des jeux de Turin, d’autant que certains équipements ne sont pas réutilisables, comme la piste de bob.
Faut-il repenser les J.O. ?
XB : La rénovation annoncée de la ligne ferroviaire vers Briançon est attendue depuis longtemps, il n’est pas réaliste de devoir attendre pour parler d’aménagement du territoire. Si Briançon en profite, ce ne sera pas le cas des autres vallées.
Conclusion
Essayer de ne pas sombrer dans le défaitisme. Il ne faut pas avoir peur du conflit.
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