A la salle Kléber-Lousteau se tenait jeudi 5 octobre un atelier mené par trois enseignants « de terrain », chapeautés par Christine Lecureux, IPR de l’académie de Tours. Deux enseignent à Tours, Emmanuel Gagnepain et Olivier Facquet, et le dernier, Philipe Couannault, enseigne à Orléans, tous en lycée.
Ils présentaient ici un panorama exhaustif de la période 1895-1935 dans le monde du cinéma naissant, avec une dimension d’innovation très importante.
Comment est-on donc passé d’un « gadget de divertissement » intégré aux spectacles de théâtre ou de cabaret à une industrie construite sur un art maîtrisé ?
Les débuts du cinéma, présentés par Olivier Faquet, sont en effet fondés sur des films courts, illustratifs et sans réelle structure narrative. On peut parler de photos animées. Les frères Lumière, plus qu’inventeurs du cinéma, sont inventeurs d’une machine. De l’autre côté de l’Atlantique, c’est pareil. Les premiers films d’Edison ont un caractère érotique dénué de profondeur. Il faut attendre 1910 pour qu’on arrive à des films structurés et mis en cène, mis en cadre et mis en narration, avec l’apparition de la notion de montage. A cette aune, « Birth of a nation » de Griffith apparaît en 1915 comme le premier film monté et scénarisé. L’époque 1895-1915 est aussi marquée par les premiers gros plans (« Grandma’s Reading Glass » de George Albert Smith, 1900) et les premières contre-plongées (« Birth of a Nation », de D.W. Griffith, 1915
Emmanuel Gagnepain prend le relais et se focalise sur le passage de l’invention à l’industrie. Les premiers géants du cinéma sont français : les frères Charles et Émile Pathé, Léon Gaumont, Georges Méliès et Max Linder. 20 an plus tard, les Américains ont tout raflé. Le « sort » de Max Linder est sur ce point éclairant : Gabriel Levielle (son vrai nom) commence sa carrière en France et la termine aux États-Unis après la première guerre mondiale. La force du système étasunien, c’est que les producteurs (MGM, Warner Bros) possèdent aussi les salles de projection, à l’image de ces petits cinémas où on pouvait voir un film pour une somme modeste, les nickelodéons. Le « grand exode » du cinéma US vers Hollywood, au tournant de la première guerre mondiale, achève de couper les ponts avec l’Europe. Le cinéma est devenu une industrie, associée au fordisme triomphant. Il devient aussi un média d’information (« L’affaire Dreyfus » de Georges Méliès, 1899).
Enfin Philippe Couannault, sur une période qui va jusque dans les années 30, montre comment le cinéma devient un art pensé. Il revient sur les moments forts de l’histoire du cinéma, réinventés, réinterprétés (« Lumière and Company », 1995), toujours glanés de ci et de là dans de nombreux films,comme dans le Dracula de Coppola où on voit Londres filmée en couleurs, mais comme aux débuts du cinéma, avec en fond sonore un crieur de salle invitant les badauds à entrer dans une salle….de cinéma. Une époque où apparaissent aussi les premier intellectuels du cinéma, comme Dziga Vertov (David Kaufman de son vrai nom) qui veut crée un cinéma et un homme nouveau en fonction d’un slogan : « je suis l’œil ».
L’atelier se termine sur l’intervention de Christine Lecureux qui, reprenant le apports des trois intervenants, montre comment cette période fut intense et créative, essentielle dans la perception de l’art que nous avons aujourd’hui.
Un atelier très intéressant, agréable, vivant, parsemé d’extraits de films qui donne envie de travailler dessus (en première, par exemple) ou de se ruer à la cinémathèque.
Mathieu Souyris, lycée Paul Sabatier, Carcassonne.