– Le libertinage : essai de définition
Le libertinage ? Vaste sujet mais qu’il convient de ne pas exclusivement réduire à la sexualité. Le libertinage est, dans son ensemble, une philosophie. Il y a tout d’abord, en son cœur, avant de placer les choses ailleurs, la passion de la langue, des mots et de leur pouvoir et la volonté de les écrire. Les Libertins sont enfants de Molière et bercés aux sons de Mozart. Au XVIIe siècle les Libertins sont perçus comme des libres penseurs. Au XVIIIe, Lumières obligent, on remplace l’épithète par celle de « philosophes » (déjà se pose un petit problème sémantique : philosophe signifiant ami de la sagesse !). Les libertins sont issus essentiellement de la noblesse, donc de l’aristocratie. Mais celle de l’esprit, l’argent, nécessaire pourtant, n’est qu’objet de mépris. Le cerveau avant la bourse telle est leur course. Cela pouvant paraître un peu confus, il est utile de préciser. Les Libertins revendiquent une attitude joyeuse et hédoniste. Au cœur du libertinage se trouve un enjeu majeur : la séduction. Celle-ci doit s’entendre au sens large et ne pas être réduite à un simple appât sexuel. Plaire, dans une partie de la noblesse, est une nécessité. C’est également un jeu. Un jeu de miroir narcissique au sein duquel la nature des relations entretenues, et avant tout l’échange verbal et épistolaire, ainsi que les nuances sont de haute importance.
– Libertins et sexualité
Les Libertins considèrent la sexualité comme une nécessité mais, avant tout, comme une chose naturelle et qui se doit, par définition, d’être libre. La vie sentimentale du libertin est envisagée selon ce prisme fondamental de la liberté. Si l’on observe un couple libertin, l’on s’aperçoit que le lien fondamental est l’affection voire l’amitié. De là découle une propension à l’infidélité si celle-ci est volontairement partagée. Nous sommes loin du contrat de mariage (« Pour le meilleur et pour le pire »), il s’agit d’un contrat de partage. Le mariage est considéré comme une alliance d’amitié au sein de laquelle chacun est libre de disposer de sa liberté. Ainsi, chez les Libertins, les enfants ne sont pas toujours ceux dont ils portent le nom de famille…
– Le libertinage et les femmes
Le libertinage féminin n’est pas clairement affiché, bienséance oblige. Si nous prenons pour exemple l’ouvrage connu de tous de Pierre Choderlos de Laclos (« Les Liaisons dangereuses ») nous trouvons le personnage de la marquise de Merteuil : elle cache derrière son masque de diaboliques projets. Hélas, elle est démasquée et punie par le bonne société. Toutefois, en réalité, les femmes sont omniprésentes derrière les Libertins, essentiellement si il s’agit d’écrivains ou d’hommes s’adonnant à la politique. Etant exclues de ce dernier domaine, elles utilisent un « pouvoir dérivé », celui de la chambre à coucher, de l’oreiller. Depuis la nuit des temps direz-vous. Certes. D’où la surprenante dénomination de « sexe faible »… La Révolution, peu à peu, va changer les choses en dépit des nombreux « salons » tenus par des femmes (on ne peut ici s’empêcher de penser à Madame Roland….).
– Les Libertins en politique
Les Libertins, en politique, sont le plus souvent des libéraux et pour beaucoup liés à la franc-maçonnerie. Aristocrates, ils demeurent monarchistes mais sont favorables aux réformes qui ne feraient plus de cette monarchie celle que l’on nomme « absolue ». Selon eux, les gens doivent être choisis en fonction de leur mérite et non de leur titre (tiens donc… !). Beaucoup ont eu l’expérience de l’Amérique et comme modèle la monarchie constitutionnelle anglaise. Ils sont, pour nombre d’entre eux, dans des carrières militaires, diplomatiques ou administratives. En clair, à leurs yeux, la royauté doit être réformée : qu’elle fasse une place à la liberté et à l’égalité. La Révolution met un terme, par son puritanisme, à l’esprit libertin. Il s’agit de la disparition d’une civilisation qui, sous l’influence notamment de Rousseau, est antiféministe et foncièrement moraliste. Or l’esprit libertin est souvent loin de ce qui est jugé comme du « narcissisme frivole ». La Révolution met un terme à la liberté. Celle de l’esprit.
Avec la Révolution, s’arrête le libertinage. Il s’agit là bien sûr des Robespierre ou des Couthon, non de Mirabeau ou Danton… Le XIXe siècle sera social. Il suffit de relire Balzac ou Zola. L’élément central devient l’argent. Quitte à en perdre tout esprit. La morale bourgeoise s’impose et avec elle toute son hypocrisie…
Selon certains la question se pose alors de savoir si l’on peut associer les mots de libertins et libertaires. Mais, visiblement, madame Craveri n’a pas la réponse…
Marion Subtil et Jorris Alric