Du 21 octobre 2023 au 15 septembre 2024, le Musée archéologique de la Bataille de Gergovie propose une exposition temporaire sur les Gergoviotes. Un groupe d’étudiants de l’Université de Strasbourg qui s’est replié à Clermont-Ferrand pendant la Seconde Guerre mondiale et qui se réunissait régulièrement sur le plateau.
La constitution des Gergoviotes
Les Gergoviotes étaient des membres de l’Université de Strasbourg. Comprenant des étudiants, des enseignants, et du personnel administratif, ils ont dû quitter leur territoire en septembre 1939, en raison de l’imminence du conflit entre la France et l’Allemagne. Près de 193 000 habitants de Strasbourg ont pris la direction du sud de la France.
Cet épisode est relativement connu, en particulier des étudiants en histoire, à qui l’on raconte que Marc Bloch faisait partie de ces exilés.
Rejoint par d’autres étudiants, ces étudiants et étudiants se sont rassemblés sur le plateau entre 1940 et 1942 et se sont donnés le nom de « Gergoviotes ».
« La recherche de la forteresse de Vercingétorix »
Gaston Zeller souhaitait maintenir l’Université de Strasbourg en vie. Il mit sur pieds un projet de fouilles archéologiques sur le plateau de Gergovie. Ce projet a été confié à Jean Lassus, qui a rassemblé une vingtaine d’étudiants.
De juillet à septembre 1940, les enseignants et leurs étudiants ont construit une maison sur le plateau. Elle est devenue un lieu de refuge et de rencontres pour les étudiants.
Ils ont mis au jour les vestiges d’une enceinte et d’un quartier artisanal à proximité de la maison.
« Le vrai visage de la France » (Robert Piat)
C’est Robert Piat qui a utilisé ces mots pour décrire les Gergoviotes. En effet, le groupe était composé d’hommes et de femmes de divers horizons. Certains étaient étudiants en histoire, d’autres en médecine, d’autres encore en droit. La plupart étaient originaires d’Alsace ou de Lorraine, mais certains venaient de Normandie ou de l’île Maurice. Ils appartenaient à différentes confessions religieuses, que ce soit le catholicisme, le judaïsme, le protestantisme ou l’athéisme.
On ne sait pas vraiment comment fonctionnait ce groupe au quotidien. C’est un aspect que les commissaires de l’exposition souhaitent explorer dans les mois à venir.
Des Gergoviotes résistants
Les Gergoviotes ne soient pas à proprement parler un groupe de résistants. Pour autant, ce petit groupe a joué un rôle dans la formation de grands mouvements de résistances auvergnats.
Dès 1940, les étudiants ne cachaient pas leur opposition au régime de Pétain et à sa politique de collaboration.
Lors de la visite du général Hutzinger, ministre de la guerre du gouvernement de l’État français de Vichy et signataire de l’armistice, les étudiants présents ont entonné avec ferveur le chant « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, » sous le regard amusé de de Lattre de Tassigny et de Jean Lassus, leur professeur, à qui il sera reproché de vouloir diviser les Français.
Certains de ces étudiants se sont engagés d’abord dans des actions modestes, telles que l’arrachage d’affiches, avant de rejoindre des groupes plus organisés comme « Combat » ou « Libération-Sud. »
Un groupe de résistants appelé « Combat-Étudiant » a été créé par un Gergoviote, Jean-Paul Cauchi, âgé de 21 ans, qui a entraîné 12 de ses camarades et s’est impliqué dans le réseau de renseignements franco-britannique « Mithridate. »
1943, les rafles et la dispersion des Gergoviotes
Après le 11 novembre 1942 et l’invasion de la zone libre, les étudiants étaient activement recherchés. En 1943, les rafles n’ont pas épargné les Gergoviotes, les obligeant à se disperser.
La rafle du 25 novembre 1943 a été organisée avec l’aide de l’adjoint de Jean-Paul Cauchi au sein de « Combat-Étudiant, » Georges Mathieu. Il avait été retourné par la Gestapo quelques mois plus tôt. Son procès a eu lieu en novembre 1944.
Certains Gergoviotes ont rejoint des maquis, d’autres ont rejoint l’armée de la Libération, tandis que d’autres ont été déportés, comme Stéphanie Kuder.
Arrêtée lors de la rafle du 25 novembre 1943, elle a été déportée dans le camp de travail de Limmer à Hanovre, où elle a fabriqué des masques à gaz jusqu’à sa libération en avril 1945.
Les chiffres sont éloquents :
- 22 Gergoviotes arrêtés par la police française ou allemande (6 ont réussi à s’évader)
- 12 ont été déportés
- 11 se sont engagés dans différents maquis
- 11 se sont engagés dans l’Armée de la Libération
- 7 ont perdu la vie
Une grande richesse documentaire à découvrir
Les équipes du musée, en partenariat avec la MSH, ont souhaité mettre en avant cet épisode méconnu du plateau.
Nous devons saluer les efforts considérables d’Arnaud Pocris (Musée) et de Marion Dacko (MSH) pour avoir retrouvé, collecté et rassemblé une diversité de documents d’archives. Ils sont allés les chercher aussi bien des archives départementales que des archives familiales des descendants des Gergoviotes. D’ailleurs, ces derniers ont été invités à l’inauguration de l’exposition, et leur prise de parole a été un moment chargé d’émotion, clôturant la soirée.
L’exposition se tient au musée avec une salle dédiée à un récit chronologique des événements. Des pièces d’archives relatives aux fouilles archéologiques sont disséminées dans tout le musée.
De plus, des affichages sont disposés à l’extérieur, autour de la maison des Gergoviotes, qui se trouve à quelques centaines de mètres de là.
Vous aurez également l’opportunité de visiter les fouilles archéologiques en cours dans le quartier des artisans, en face de la maison des Gergoviotes, à l’endroit même où ils avaient entrepris leurs fouilles.
Une manière concrète et locale d’étudier la Résistance
Cette exposition a l’avantage de montrer que le plateau de Gergovie a eu une histoire et une importance bien avant 52 av. J.-C. De plus, elle s’avère particulièrement pertinente pour l’étude du chapitre « La France défaite et occupée, Régime de Vichy, collaboration, Résistance » en classe de 3e et du chapitre sur la « Seconde Guerre mondiale » en Terminale.
À travers l’expérience documentée des Gergoviotes, en tant que groupe et individus, de nombreuses thématiques peuvent être explorées, telles que :
- la chronologie de la guerre (déclenchement de la guerre, armistice, fin de la zone libre),
- les différentes formes de résistance,
- les répressions pétainistes et allemandes contre ces actions (notamment la rafle),
- la structuration des mouvements de Résistance tels que « Combat » et « Libération-Sud. »
- Les suites de la guerre (procès, commémorations, souvenirs)
Au moment de la rédaction de ces lignes, je ne sais pas si des dispositifs sont envisagés pour les élèves, cependant, je suis convaincu que cette exposition mérite d’être visitée.
Les deux commissaires ont également enregistrés un podcast qui peut être donné à écouter à nos élèves.
Le musée de Gergovie
Le musée Archéologique de la Bataille de Gergovie a été totalement repensée en 2019. Il combine éléments graphiques, maquettes, artéfacts archéologiques et supports multimédias. Son point culminant est une salle audiovisuelle immersive qui plonge les visiteurs dans l’atmosphère de la Bataille de Gergovie, un conflit entre les Romains et les Gaulois. Situé sur le plateau, il propose également des parcours permettant d’explorer la civilisation des oppida arvernes, découvrir les vestiges archéologiques de Gergovie, et à acquérir une compréhension de l’histoire naturelle et géologique du Plateau. Enfin, vous aurez une magnifique vue sur la ville de Clermont-Ferrand et ses alentours et le Puy-de-Dôme et sa chaine des puys.
Adresse : Plateau de Gergovie, 63670 La Roche-Blanche
Site internet du musée : https://musee-gergovie.fr