Thomas Hochmann
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
ATER en droit public
Doctorant sur « Le négationnisme en droit comparé » (dir. O. Pfersmann)
Un juge peut-il sanctionner pour diffamation un biographe ayant écrit qu’un célèbre résistant était en réalité à la solde de la Gestapo ? Un ivrogne adressant un salut nazi à deux policiers l’ayant rudoyé peut-il être condamné pour apologie du nazisme ? Une démocratie peut-elle prévoir des sanctions contre la négation d’un crime contre l’humanité ? Et dans l’affirmative, est-il problématique d’interdire la seule négation de la Shoah, et non celle, par exemple, du génocide arménien ? Parmi les limites de la liberté d’expression, ce sont peut-être celles portant sur les discours relatifs au passé qui provoquent les plus grandes polémiques : dans un camp on s’insurge contre l’instauration de « vérités officielles », on invoque une « liberté de l’historien », dans l’autre on se prononce pour la protection de la « mémoire des victimes ». Cette conférence s’efforce de dresser une typologie de ces limites et d’en proposer une analyse juridique. On se demandera donc notamment s’il est constitutionnellement possible de restreindre la liberté d’expression pour certains propos relatifs au passé, et de quelle manière les limites législatives sont appliquées par les juges. L’accent sera porté principalement sur la sanction du négationnisme, mais d’autres dispositions seront également analysées, telle l’apologie de certains régimes, ou la diffamation lorsque des historiens en subissent les foudres. L’approche sera comparatiste, portant sur plusieurs Etats européens, et assortie de nombreuses illustrations jurisprudentielles issues tant des tribunaux nationaux que de la Cour européenne des droits de l’homme.
Seront d’abord étudiées des limites générales de la liberté d’expression telles qu’appliquées au discours historique, puis des limites spécifiques visant certains types de propos relatifs au passé.
I Limites générales de la liberté d’expression appliquées au discours historique
La « liberté de l’historien » est souvent invoquée, de même que la « liberté pour l’histoire », par exemple dans l’« appel de Blois » prononcé quelques minutes avant le début de cette conférence. Ces concepts signifient-ils quelque chose juridiquement ?
En France, non. On pourrait rattacher une « liberté de l’historien » à la liberté de la recherche, qui inclut la possibilité d’exprimer les résultats obtenus. Mais le Conseil constitutionnel rattache cette liberté à la liberté d’expression, garantie à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En France, la « liberté de l’historien », c’est la liberté d’expression utilisée par un historien. Il n’existe pas de protection spécifique de l’expression historique (je laisse de côté le travail de recherche, la réglementation des archives, à laquelle l’association « Liberté pour l’histoire » n’accorde pas une grande importance, et qui pourtant constitue réellement une entrave à la liberté de recherche).
La Cour européenne des droits de l’homme ne dit pas autre chose : « la recherche de la vérité historique fait partie intégrante de la liberté d’expression » (Chauvy contre France, 2004). Et les juges de Strasbourg ajoutent, dans une affaire de négationnisme, « que, contrairement à l’affirmation du requérant selon lequel l’article 10 par. 2 (art. 10-2) de la Convention qui prévoit les limites de la liberté d’expression ne s’appliquerait pas à la « recherche scientifique », à supposer qu’il s’agisse en l’espèce d’une publication « scientifique », le paragraphe 2 de l’article 10 (art. 10-2) ne distingue pas selon la nature de l’expression en cause » (Pierre Marais contre France, 1996).
Il n’y a pas, en droit français ou en droit européen, de protection spécifique de l’historien. Les limites de la liberté d’expression s’appliquent à lui comme à tout individu. Par contre, les choses sont différentes en Allemagne. L’article 5 de la Constitution allemande, la Loi Fondamentale, garantit la liberté d’expression dans son premier alinéa, prévoit la possibilité de certaines limites dans son alinéa 2, et précise dans un alinéa 3 que ces restrictions ne s’appliquent pas à la science et à l’art, qui sont libres.
Que se passe-t-il quand un « historien », c’est-à-dire l’auteur d’un travail ayant au moins une apparence scientifique, est poursuivi en justice sur la base d’une limite générale de la liberté d’expression (diffamation, loi sur les écrits menaçant la jeunesse, responsabilité civile…) ?
D’abord, les juges insistent toujours (que ce soient les juges français, allemands ou européens) sur un point : il ne leur revient pas de « juger l’histoire ». Le contenu de leur verdict ne sera jamais : « X a trahi Jean Moulin », « les Jeunes Turcs ont organisé le génocide des Arméniens », etc…, même si de telles affirmations relatives à l’histoire sont parfois implicites dans leur jugement.
Il est un mécanisme de défense en matière de diffamation qui pourrait inciter davantage les juges à baser leurs décisions sur des constats historiques. Il s’agit de l’exceptio veritatis : l’individu poursuivi en diffamation n’est pas condamné si les propos litigieux se révèlent exacts. En France, cela concerne peu l’historien puisque la preuve de la vérité des faits diffamatoires est exclue si ceux-ci remontent à plus de 10 ans. Notons cependant que la Cour européenne a critiqué cette exclusion lorsqu’il s’agit de faits historiques, d’intérêt général (Mamère contre France), et que le tribunal de Paris a suivi cette approche et a autorisé Robert Badinter à s’efforcer d’établir la vérité de tels faits dans le procès en diffamation que lui avait intenté Robert Faurisson.
Quoiqu’il en soit, en l’état actuel du droit, le juge ne se prononce pas sur le fond de l’histoire, mais s’intéresse à la question de savoir si le travail litigieux est historique.
Cela a en effet une importance juridique en droit français, parce que la bonne foi permet également d’échapper à condamnation pour diffamation. Or, l’honnêteté intellectuelle propre à un travail historique est constitutif de la bonne foi. En Allemagne, puisque l’expression scientifique jouit d’une protection particulière, les juges sont amenés à établir si le travail litigieux correspond à cette catégorie. Il ne suffit pas de se proclamer scientifique pour bénéficier de la protection particulière s’appliquant à ce type d’expression.
La situation allemande est intéressante car elle montre que la compétence du juge pour déterminer si un travail est historique ne serait pas supprimée s’il existait une liberté absolue de l’histoire en droit français. Il faut bien distinguer le champ d’application d’un droit et sa protection. Le champ d’application, c’est l’ensemble des situations, des actes auxquels un droit est susceptible de s’appliquer. La protection, c’est la question de savoir si le droit prévaut en l’espèce sur d’autres intérêts opposés, si l’acte litigieux est en fin de compte protégé. Si une protection absolue est possible, un champ d’application illimité ne l’est pas. Si l’expression historique jouissait d’une protection absolue, le domaine d’application de ce droit n’en serait pas moins limité, et il reviendrait toujours au juge de déterminer si un travail est historique. Et définir, c’est limiter.
Bref, il n’existe aucune raison pour qu’un juge ne puisse pas déterminer si un écrit correspond ou non à un travail historique. On s’inquiète que « le juge se mêle d’histoire », mais d’une part rien ne le lui interdit, et d’autre part il ne peut pas faire autrement, à partir du moment où il doit appliquer les limites de la liberté d’expression édictées par le législateur. Des critiques similaires ont été exprimées aux Etats-Unis, contre les juges ayant déterminé que le « créationnisme scientifique » (la version biblique de la création de l’homme, recouverte d’une fine couche de vernis d’apparence scientifique) n’était pas une théorie scientifique. Cette jurisprudence américaine rappelle fortement les jugements européens à propos d’écrits d’apparence historique. Ainsi, la Cour constitutionnelle allemande a pu juger que n’est pas scientifique un travail « qui n’est pas dirigé vers des résultats de vérité, mais qui attribue simplement à des opinions ou à des résultats préconçus l’apparence d’un résultat scientifique ». De manière très similaire, selon un juge américain, la méthode des créationnistes n’est pas scientifique car elle ne consiste pas à étudier des données et à en tirer des conclusions, mais à interpréter littéralement la Genèse puis à s’efforcer de lui trouver un appui scientifique. Certains écrits d’apparence historique sont à l’histoire ce que le créationnisme est à la science.
Surtout, il ne faut pas renverser le problème. N’oublions pas que jamais un juge ne condamnera quelqu’un parce qu’il a commis une œuvre ne respectant aucun critère d’un travail historique (selon les juges : objectivité, absence d’animosité, prise en compte des autres travaux, fidélité aux sources…). Un individu n’encourt une sanction qu’en cas d’atteinte à un autre droit ou intérêt que le législateur a décidé qu’il fallait protéger. Le caractère scientifique est une protection (protection spécifique en Allemagne, bonne foi en France), qui permet d’éviter une sanction.
II Limites spécifiques visant certains propos relatifs au passé (essentiellement nazi)
Le sujet de cette conférence portant sur les limites de la liberté d’expression, il va sans dire que la plupart des lois dites « mémorielles » ne seront pas évoquées, tout simplement parce qu’elles ne constituent pas, juridiquement, des limites de la liberté d’expression. La loi qui « reconnaît » le génocide arménien, la loi « Taubira » qui affirme que l’esclavage est un crime contre l’humanité n’interdisent pas de dire le contraire de ce qu’elles affirment. Dans les mouvements pour la « liberté de l’histoire », on fait très souvent référence à la poursuite intentée sur la base de la loi « Taubira » par une association contre Olivier Pétré-Grenouilleau pour avoir déclaré que l’esclavage n’était pas un génocide. Le livre d’entretiens de René Rémond Quand l’Etat se mêle d’histoire accorde une large place à cette affaire, et lors du débat de la Halle au Grains ou a été prononcé l’« appel de Blois », les personnalités présentes ont encore cité à maintes reprises cet épisode. C’est évidemment oublier un peu vite que cette plainte, qui a été retirée, n’avait absolument aucune chance d’aboutir à une condamnation. La loi « Taubira » n’interdit pas de dire le contraire de ce qu’elle affirme. Ce n’est pas parce qu’une loi est invoquée n’importe comment qu’elle a les effets juridiques que ceux qui l’invoquent de la sorte lui attribuent.
Bien sûr, il est possible que ce type de dispositions ait ce que les américains appellent un chilling effect, un effet dissuasif, décourageant les chercheurs de s’intéresser aux sujets qu’elles évoquent. C’est peut-être là un bon argument, qui demanderait d’être appuyé par des études empiriques. Surtout, il s’agit de l’invoquer pour ce qu’il est, et non de prétendre que ce type de lois symboliques (qui devraient disparaître au profit de résolutions, que la révision constitutionnelle de 2008 permet au législateur d’adopter) restreignent juridiquement la liberté d’expression, comme semble le faire l’appel de Blois lorsqu’il demande aux responsables politiques de « ne pas instituer, par la loi et pour le passé, des vérités d’Etat dont l’application judiciaire peut entraîner des conséquences graves pour le métier d’historien et la liberté intellectuelle en général ».
En droit positif français, la seule disposition habituellement classée parmi les lois dites « mémorielles » qui restreint juridiquement la liberté d’expression est la pénalisation du négationnisme de la Shoah. Y voir là une atteinte intolérable au « métier d’historien » est difficile à admettre. A-t-on déjà entendu des généticiens s’insurger de ce que l’on interdise d’affirmer que les noirs sont « racialement » inférieurs aux blancs ?
Avant d’étudier plus en détail les limites de la liberté d’expression pour les propos relatifs au passé nazi, on peut évoquer un autre argument qui, comme le « chilling effect », est cher aux Américains, et qui comme lui est peut-être pertinent. Il s’agit de la « pente glissante » (slippery slope), argument selon lequel une interdiction (celle du négationnisme de la Shoah) crée une brèche qui aboutit forcément à d’autres interdictions similaires. C’est possible, mais là encore cela demande à être prouvé. La loi « Gayssot » date de 1990. Si de nombreux projets sont apparus, ont échoué ou sont en cours, elle reste à ce jour, dix-huit ans après, la seule interdiction de nier un crime contre l’humanité en droit français.
Penchons-nous à présent sur ces limites de la liberté d’expression visant les propos favorables au nazisme ou niant les crimes nazis. Nous adopterons une approche comparatiste (car l’affirmation de l’association « Liberté pour l’histoire », dans le tract distribué à Blois, selon laquelle le projet européen d’étendre à l’ensemble des États membres l’interdiction du négationnisme « a donné une extension internationale à un problème jusqu’alors français » est complètement erronée).
Le système juridique ayant certainement l’arsenal le plus strict envers le nazisme est certainement l’Autriche. La Constitution autrichienne interdit en effet tout acte favorable à l’idéologie national-socialiste. La Verbotsgesetz (Loi d’interdiction), adoptée en 1945, a pour objectif d’étouffer dans le germe toute idée national-socialiste, pour préserver la République. Par conséquent, elle vise toute activité effectuée dans un esprit national-socialiste, favorable aux buts de cette idéologie (article 3). Le droit autrichien se caractérise par une véritable antinazisme constitutionnel.
La Constitution allemande (Loi Fondamentale) connaît également des dispositions visant à protéger le système démocratique, mais elles sont marquées par une exigence de neutralité : on ne peut interdire une opinion en raison de son contenu. C’est du moins ce qu’affirme la Cour constitutionnelle. Ainsi, elle invalide systématiquement les décisions d’une cour inférieure qui interdit régulièrement aux pronazis de manifester parce qu’ils sont pronazis. Les juges constitutionnels insistent sur le point que la Constitution impose la neutralité envers les opinions, même envers les nazis.
Cela dit, il faut relativiser cette neutralité. Les juges allemands estiment en effet qu’une restriction de la liberté d’expression est neutre si elle vise à protéger un autre intérêt. Ainsi, la Cour constitutionnelle accepte que les néo nazis ne puissent pas manifester le 27 janvier. Cette date commémore en effet les victimes du national-socialisme. Or, selon la Cour, « Avec l’exercice de ce jour de souvenir, une responsabilité pour le passé est assumée, et dans toute la fédération, on ne pense pas seulement aux victimes, mais on rappelle aussi, comme une mise en garde, les conséquences du national-socialisme, afin d’exclure dans la durée leur répétition ». Une manifestation néo nazie à cette date peut donc être interdite en se basant sur un aspect qui selon la cour est extérieur à l’opinion exprimée (la date du rassemblement).
Cela va inspirer le législateur allemand, qui a adopté deux nouvelles dispositions en 2005. L’une modifie la loi sur les assemblées (qui règlemente les manifestations) et ajoute l’article suivant : il est désormais possible d’interdire une manifestation si elle a lieu à un endroit qui « en tant que monument d’une signification extra régionale, se distinguant historiquement, rappelle les victimes d’un traitement inhumain sous le régime national-socialiste », et si d’après les éléments connus au moment de la décision, on peut craindre que la réunion porte atteinte à la dignité des victimes.
Le Bundestag a adopté cette loi dans un contexte particulier : le 8 mai 2005, pour les soixante ans de la fin de la seconde guerre mondiale, des néo nazis avaient l’intention de manifester à Berlin avec pour leitmotiv : « 60 ans du mensonge de la libération, Stop au culte de la culpabilité », qui devait notamment passer devant le Monument des Juifs d’Europe assassinés. Cette loi va permettre de leur interdire de passer à cet endroit.
En 2005, un nouvel alinéa fut également ajouté à l’article 130 du code pénal, pour interdire de minimiser, honorer ou justifier « le règne nazi de l’arbitraire et de la violence », à condition que la « paix publique » soit atteinte, et que cette apologie soit réalisée « d’une manière portant atteinte à la dignité des victimes ».
Dans ces deux nouvelles dispositions transparait nettement une volonté antinazie que le législateur s’efforce de contenir dans les bornes de la neutralité. L’expression favorable au nazisme est visée, mais elle ne sera punie que si elle porte atteinte à un intérêt (soi-disant) neutre : la dignité des victimes, la « paix publique ».
Ces circonvolutions allemandes tranchent nettement avec la simplicité du droit autrichien. Les juges interdisent systématiquement les manifestations pro nazies, en affirmant que la « disposition constitutionnelle de l’article 3 de la Loi d’interdiction défend à quiconque d’agir en faveur du NSDAP ou de l’un de ses objectifs, le rejet sans compromis du national-socialisme est un élément fondamental de la République. Chaque acte de l’État doit s’orienter en fonction de ce droit constitutionnel directement applicable ». Par conséquent, l’interdiction d’une manifestation pronazie n’est pas un droit mais un devoir incombant aux pouvoirs publics.
Évidemment, les normes juridiques ne façonnent pas le paysage politique. Il y a quelques jours, tous les nostalgiques du troisième Reich se retrouvaient comme chaque année à Ulrichsberg en Carinthie (Autriche) pour honorer les victimes nazies de la seconde guerre mondiale.
La Verbotsgesetz n’empêche pas ce type de manifestation, mais elle a pour effet qu’aucun soutien explicite au nazisme n’y est prononcé. Cela pose un problème particulier, celui de l’implicite, de l’euphémisation. Ainsi, Jorg Haider était presque toujours parvenu à slalomer entre les lois, à éviter tous les obstacles (du moins jusqu’à hier soir). ( NDLR Mort dans un accident de voiture le 10 octobre 2008) Une caractéristique de la liberté d’expression est la diversité presque infinie de ses utilisations possibles. On peut dire la même chose d’une quantité de manière différente. La manière dont le droit répond à ce problème apparait très clairement à propos de l’interdiction des emblèmes nazies.
En Allemagne, l’article 86a du code pénal interdit d’arborer, stocker ou répandre les signes de reconnaissance (drapeaux, vêtements, paroles, saluts…) de partis politiques interdits, d’associations hostiles à l’ordre constitutionnel, ou poursuivant les buts d’anciennes organisations national-socialistes.
Les néonazis ont donc pris l’habitude de modifier les symboles nazis, afin d’échapper à cette disposition. Ils ont par exemple développé, en remplacement du salut hitlérien, un geste similaire, mais où seuls trois doigts de la main sont tendus, au lieu des cinq (le Kühnen-Gruss).
En réaction, le législateur a ajouté un alinéa à cet article 86a, visant les signes qui ne se rattachent certes pas à une organisation interdite, mais ressemblent à s’y méprendre à de tels signes. Ainsi, le Kühnen-Gruss est interdit en Allemagne. Face aux signes nazis, les juridictions allemandes sont très strictes : elles se moquent de l’intention de l’auteur de l’acte, visent à créer un « tabou communicationnel ». Ainsi, un individu ivre gratifiant deux policiers d’un salut nazi pour se moquer d’eux a récemment été condamné. Des juges sont allés jusqu’à sanctionner la diffusion de signes explicitement critiques envers l’idéologie nazie, mais où une croix gammée apparaissait (barrée, ou mise à la poubelle), avant que la cour de cassation ne s’oppose à cet abus.
Ce problème de l’intention de l’auteur de l’acte expressif, on le retrouve à propos du négationnisme.
En l’absence de norme spécifique visant ce type d’expression, le négationnisme a été appréhendé de diverses manières par les juges. Ainsi, la jurisprudence allemande considère que la négation des crimes nazis porte atteinte à l’honneur de tout Juif vivant aujourd’hui en Allemagne. Une autre approche consiste à utiliser les dispositions visant le discours de haine. Si cela est aisé pour le négationnisme qualifié (« Les Juifs ont inventé le mythe de la Shoah pour exploiter l’Allemagne »), il en va plus difficilement pour le négationnisme simple (« Personne n’est jamais mort dans une chambre à gaz »).
Plusieurs législateurs ont estimé que le négationnisme simple était une forme de discours de haine camouflé, et ont édicté des normes spécifiques visant ce type de propos pour faciliter la tâche aux juges. Une telle interprétation des propos négationnistes s’accorde parfaitement avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a une vision semblable de ce type d’expression.
Par conséquent, l’intention du négationniste est sans importance : voulait-il appeler à la haine contre les Juifs en remettant en cause les crimes nazis, ou bien était-il convaincu de la vérité de ses propos ? Peu importe, il sera passible de condamnation, comme l’ont explicitement rappelé plusieurs juridictions, notamment en Allemagne. Il est remarquable que l’interdiction explicite de la négation des crimes nazis, ajoutée à la Verbotsgesetz autrichienne en 1992, soit la seule disposition de cette loi n’exigeant pas la preuve d’une intention de soutenir les buts de l’idéologie national-socialiste.
Une exception intéressante est constituée par l’article 261 bis du code pénal suisse. D’abord, il n’est pas restreint aux crimes nazis, mais vise la négation tout crime contre l’humanité. Cette généralité est limitée par un élément qui constitue la deuxième originalité : la preuve d’une intention raciste est exigée. Si elle a systématiquement été reconnue, sans examen approfondi, dans les affaires de négation de la Shoah, les cas relatifs au génocide arménien sont plus délicats.
Le 14 septembre 2001, le tribunal de Berne relaxait douze inculpés turcs ayant fait circuler, en réaction à une pétition pour la reconnaissance du génocide arménien en Suisse, une pétition niant ce crime. Dans cette affaire, le tribunal s’interroge longuement sur l’état d’esprit des accusés. Il conclut qu’ils ne cherchaient pas à dénigrer une ethnie, mais à défendre le point de vue national dans lequel ils avaient été éduqués. Pour être punissable, un négationniste doit être conscient que le fait qu’il nie a eu lieu, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, expliquait le juge.
Plus récemment, en 2007, Dogu Perinçek, le président du Parti des travailleurs turcs, un parti raciste et nationaliste, a été condamné par le tribunal de police de Lausanne, suite à ses déclarations selon lesquelles le génocide arménien était un « mensonge international». Le juge remarque que l’accusé détient un doctorat en droit, qu’il connaît les arguments de ses contradicteurs mais a simplement décidé de les ignorer. Il « ne peut dès lors pas prétendre, ni même croire, à l’inexistence du génocide ». Le juge conclut que la démarche de Perinçek « s’apparente à l’évidence à des motifs racistes et nationalistes ». Cette condamnation a été confirmée par la Cour de cassation du tribunal vaudois et par le Tribunal fédéral le 12 décembre 2007.
Notons en conclusion que la décision cadre du Conseil de l’Union européenne prévoyant l’élargissement de l’interdiction de la négation de la Shoah à d’autres crimes permet aux Etats membres d’apporter ce type de conditions supplémentaires limitant cette restriction de la liberté d’expression.
Prises de notes Bruno Modica
Conséquence du négationnisme
L’intention du négationnisme de bonne foi
N’est pas prise en compte. La loi autrichienne est claire et il n’y a pas d’interdiction en tant que telle. L’exception dans ce domaine
Suisse : Art. 261 bis vise la négation de tout crime contre l’humanité dans un but haineux. Cas particuliers à propos du génocide arménien. Ex. turcs récemment arrivés en Suisse. Poursuivis sur la base d’une intention haineuse. Action en toute bonne fois. Approche juridique intéressante, cette fois ci, ce ne sont pas les outils de l’historien qui sont utilisés mais ceux du juriste. Questions posées à propos de la liberté d’expression de l’artiste. Il n’existe pas en France de protection du sentiment religieux. Mais le juge peut considérer que les attaques de sont orientées contre les individus.
Droit jurisprudentiel.
Problème des références Garaudy condamné en France pour sa présence à Téhéran.
Références juridiques
Travail sur une nécrologie jurisprudentielle de Le Pen. La Loi Gayssot de 1990. Durafour crématoire avec l’utilisation d’une atteinte aux personnes.
Problème des lois mémorielles.
Mise en place législative. Chaque loi de ce type, répond à des objectifs politiques. Les plaintes ont une fonction dissuasive.
Rapport du juge à l’histoire. Le magistrat doit évaluer les références des parties. Le premier arrêt
Branly inventeur de la TSF pas cité dans à propos une histoire de la TSF. Le juge a évalué le manquement à l’obligation d’historien. Ce qui est quand même problématique.
Problème en Pologne sur la représentation du communisme.
Décision 4 de l’UE adoptée en avril 2007. Les pays ex-communistes ont voulu interdire la négation des crimes du communisme. Le conseil des ministres de l’Union a débattu de la question. Lois en République Tchèque et Pologne sur la négation des crimes du communisme.
Question de la caricature : faire rire : la blague raciste… est-elle condamnable. Patrick Sébastien condamné pour avoir caricaturé Le Pen et la chanson « casser du noir ».
Dieudonné dans des sketches au départ et ensuite des déclarations publiques.
30 % des Autrichiens votent pour l’extrême droite. Le FPÖ milite pour l’interdiction de la loi d’interdiction. L’extrême droite autrichienne serait alors réunifiée sur ce thème.
Argument d’un glissement vers un droit jurisprudentiel. La réforme de la constitution permet au parlement au Parlement de prendre des résolutions. Qui ne sont pas des lois. ( Lois bavardes).