Au gré du développement du commerce maritime, les commerçants de l’Antiquité gréco-romaine ont forgé un ensemble d’usages juridiques qui ont constitué la base du droit commercial moderne. Ces usages commerciaux antiques ont continué d’être utilisés dans le commerce méditerranéen et atlantique au Moyen Âge et à l’époque moderne et on en trouve encore trace dans des décisions judiciaires actuelles.

Les Droits aux Rendez-vous de l’histoire : le Défenseur des droits, le CNAM, l’EHESS et l’école des Chartes s’associent, avec le soutien du tribunal de Blois, pour proposer « Les Rendez-vous du droit » un ensemble de manifestations sur les enjeux juridiques liés au thème de la mer et montrer ce que le droit apporte à la connaissance du monde, passé ou présent.

Intervenante

Emmanuelle Chevreau, directrice de l’Institut d’Histoire du droit Jean Gaudemet et Professeur d’histoire du droit à l’Université Panthéon Assas.

Introduction : RMS Titanic et le droit de la mer

En 1985, l’épave est localisée par une mission franco-américaine, avec l’IFREMER et RMS Titanic Inc. Après plusieurs expéditions, des centaines d’objets sont remontés, dont la sculpture du chérubin, qui apparait de le film éponyme (photographie à gauche). La Société RMS Titanic Inc souhaitait avoir le monopole de l’exploitation de l’épave. Ce fut sans compter sur une autre société, voulant emmener des touristes sur le site. S’en est suivie une assignation en justice. Entre la Cour fédérale de Virginie et la Cour suprême américaine, les décisions de justice se sont appuyées sur le droit romain et la juridiction gréco-romaine.

La loi rhodienne et la mer

Vous pouvez retrouver la loi rhodienne ici

Elle repose sur les usages par et pour les commerçants et les navigateurs. Ces usages échappaient à toutes législations nationales.

Extrême longévité de ce corps législatifs qui est créé par les Grecs, repris dans l’Empire romain puis dans l’Occident médiéval et va même traverser l’Atlantique et la Méditerranée.

Les usages ont pour objet de s’intéresser au comportement des équipages, des épaves, disposition d’un cadre juridique pour le commerce maritime : le prêt maritime et la question des marchandises en mer et le jet de marchandises.

Lien avec la cité commerçante de Rhodes.

Neptune et les pirates à Dougga ~~ Navires Antiques ~~ Le Musée Imaginaire ~~
Dionysos et les pirates :mosaïque du IIIe s de notre ère Dougga, Musée du Bardo

La convention prévoit : les routes maritimes, le taux d’intérêt change en fonction des conditions climatiques, même le nom du commandant de bord. « Rançon payée à l’ennemi » : les pirates ou les ennemis de la cité.

La Convention contient l’ensemble de clauses. Chaque clause correspond à un usage, pour échapper aux droits des différentes cités. 

Ce type d’usage traduit une volonté de maitrise des risques qui sont exhorbitants.

La notion d’assurance n’existe pas et donne lieu à une contribution commune : indemnisation de ceux qui ont connu des pertes.

Lex Rhodia de jactus : l’enrichissement des usages

Il s’agit véritablement d’un texte d’actualité lors des fouilles du port de Rhodes : le texte législatif est gravé sur la colonne. Après une analyse paléographique, on s’aperçoit que la gravure date du XVIe siècle, cela montre la pérennité de cette loi.

Les juristes romains ont donné un fondement, en cas d’avarie, l’aequitas, le rétablissement et la balance.

La contribution ne s’applique que si le bateau n’a pas coulé.

Les juristes romains posent la distinction entre avarie commune et l’avarie particulière ( le naufrage) . Le « sauve qui peut » s’applique, vous pouvez garder pour vous ce que vous arriver à sauver. Toutes les clauses contractuelles sont suspendues. Ceci perdure encore.

Sous Justinien, s’effectue une compilation du droit romain. Elle intègre dans le Digeste, tous les écrits du droit rhodien. Ces usages continuent de s’appliquer dans l’Empire Romain d’Orient et dans l’Empire Byzantin.

Ex : Nomos. Rhodion Nautikos, Article 42- Si le navire est pris dans une tempête (…) tout cela entrera dans la contribution,… »

Dans l’Occident médiéval, dans l’Atlantique : Les rôles d’Oléron- vers 1160

Mise à l’écrit de toutes les coutumes pour le vin de Bordeaux. Îles d’Oléron/Angleterre/Ecosse/Flandres. Fondent le droit applicable dans le commerce atlantique. Intégration dans le droit anglais, notamment par Édouard III en 1351. Droit applicable dans l’amirauté britannique, transmission aux 13 colonies britanniques qui deviendront les USA.

En Méditerranée, l’usage a perduré.  Ex : consulat de la Mer du XIIIe siècle. Reconnu par la juridiction de Barcelone, et principalement jusqu’aux première condifications.

L’ordonnance de la Marine de 1681 par Colbert.

Article Premier «  Si par tempête ou ar cheffe d’ennemis ou de pirater le maître de doit,…

Passage du Code du commerce de 1807, reprend le jet de mer.

On retiendra que la loi rhodienne est une loi fondamentale pour le trafic maritime depuis sa création, et qu’elle est encore usitée dans les polices d’assurance des grandes compagnies maritimes aujourd’hui