Anne-Elyse Lebourgeois, conservatrice en chef du patrimoine du Service Historique de la Défense, présente les fonds et les ressources, qui rassemblent les archives du ministère des Armées, pour l’étude des recrutements étrangers pour l’effort de guerre lors des conflits du XXe siècle.

Le Service historique de la Défense (SHD) comprend le Centre historique des archives (à Vincennes et 7 implantations territoriales en province), le Centre des archives de l’armement et du personnel civil (à Châtellerault) et le Centre des Archives du Personnel Militaire (CAPM à Pau).

Les missions du SHD sont de collecter les archives courantes, enrichir les fonds et les collections, conserver, restaurer, trier, classer, récoler, exploiter, communiquer, valoriser les fonds et les collections.

Actuellement, il n’existe aucun répertoire général ni aucune base recensant l’ensemble des personnels ayant servi dans les Armées depuis près de trois siècles.

Pour une première approche, dans ce domaine de la recherche, on peut se tourner vers l’ouvrage Vos ancêtres à travers les archives militaires de Sandrine Heiser et Vincent Mollet, édité par le SHD. Ce livre sert de guide pour orienter les recherches biographiques et généalogiques parmi la multitude des sources conservées par le SHD.
On peut par exemple avoir accès aux dossiers de pensions des troupes coloniales et des troupes indigènes (1850-1950). Des fiches individuelles renseignent sur les tirailleurs sénégalais, algériens, cambodgiens, tonkinois, malgaches ou marocains.

Les Fonds Etrangers du CAPM de Pau rassemblent des registres matricules et des feuillets nominatifs de contrôles (60 à 70 demandes d’administrés par jour). Ainsi on peut dénombrer 3,1 millions d’administrés pour l’Algérie, 420 000 pour le Maroc, 340 000 pour la Tunisie. Pour l’Afrique subsaharienne, 16 pays (Madagascar, Djibouti, Sénégal, Mauritanie, Mali, Côte d’Ivoire, Tchad, Cameroun…) sont concernés, soit 1,54 million d’administrés.

Sur le site de Caen du SHD est conservé un fichier « colonial » concernant les prisonniers de guerre originaires des anciennes colonies françaises, classé par pays. On y trouve aussi un fichier des prisonniers de guerres allemands (dont quelques Alsaciens-Lorrains) et austro-hongrois de la Première Guerre mondiale (environ 500 000 fiches).

Dans le cas où l’ancêtre était un militaire étranger, de très nombreuses sources (pensions, dossiers de carrières…) sont accessibles à Vincennes, selon les époques et les unités constituées. Par exemple pour les Belges, Italiens, Allemands et Hollandais des départements réunis à la France pendant la Révolution et l’Empire. Le SHD présente plusieurs exemples : une note sur les régiments noirs du 14 avril 1918 (Mission militaire française près l’armée américaine, état major, 3e bureau), une fiche portant sur des demandes d’engagement de personnel étranger pour conduire des véhicules en mai 1940, une fiche signalétique et des services de Michel Aguila, né en 1913, Espagnol de métropole engagé en Afrique du Nord dans les FFL, ayant fait partie du 3e bataillon des CFA (Corps francs d’Afrique), à l’origine de la Nueve (9e compagnie du 3e bataillon du RMT (régiment de marche du Tchad) de la 2e DB, composée à 91 % de volontaires espagnols).

Au CAAPC (Centre des archives de l’armement et du personnel civil) de Châtellerault, les archives (35 km de linéaire de documents, plus de 2,2 millions de dossiers) renferment, par exemple, une liste des emplois tenus par les prisonniers allemands en 1947-1948, à l’Établissement des constructions et armes navales de Guérigny. De manière générale on peut explorer des dossiers administratifs, de carrières, d’états des services, de notation, médicaux, de pension, de décoration, de bulletins de salaire, des registres d’embauche, matriculaires, de licenciement…

L’exploitation de ces archives peut permettre d’en savoir plus sur l’histoire d’un établissement (industriel notamment), ses missions, son organigramme, les productions auxquelles un ouvrier a pu participer, les conditions de travail (horaires, hygiène, sécurité…), la politique en matière de gestion des personnels, les accidents majeurs et leurs conséquences…

Ces archives ouvrent des perspectives de recherches sur les types de recrutements en temps de guerre et en temps de paix, sur l’intégration et la formation des femmes dans les usines, sur les rémunérations, horaires et équipes de travail, sur la solidarité ouvrière…

L’intervention d’Anne-Elyse Lebourgeois s’achève par la présentation d’une correspondance relative à la rémunération des travailleurs indochinois, de la poudrerie nationale d’Angoulême. Sur cette note du 20 mars 1940, on apprend que « l’intendance manquant de thé », se propose « de donner en remplacement, comme boisson chaude, du café », « remis aux travailleurs à leur départ au travail ».

 

Eric Joly, pour les Clionautes