Introduction:
La notion de Révolution industrielle appliquée au Moyen-Age, à la première révolution de 1750 à 1870, à la seconde de 1870 à 1945, ou même à une troisième de 1950 à 2017 est elle pertinente ? Est ce un concept utile ? Son usage est il abusif ou extensif ? Comment l’historiciser ?

4 professeurs d’Université interviennent dans cette table ronde, dont un d’Histoire Antique, Jacques Seigne, archéologue et directeur de recherche au CNRS; une d’Histoire Médiévale, à Paris VIII, Catherine Verna; et deux en Histoire Moderne, Jean Michel Minovez, à l’Université Toulouse Jean Jaurès; et Catherine Lanoé, à l’Université d’Orléans.

I/ Les origines, causes et conséquences de la première révolution industrielle.

Les processus d’innovation technique et de mécanisation remontent à la fin de la Renaissance entre 1550 et 1600. Aux XVIIème et XVIIIème, c’est dans le milieu artisanal qu’il y a intensification de la production et que sont fondées les premières grandes manufactures. Ce secteur artisanal a longtemps été délaissé par les historiens qui se concentraient sur l’industrie. Dans les années 1990/2000, on se penche sur des sources archivistiques inutilisées comme les actes de la pratique et les actes notariés des artisans.
A partir de1750, le produit est codifié, la production augmente pour satisfaire les consommateurs et les normes industrielles s’appliquent. Dans des aires de spécialisation productive ou bassins de main d’œuvre, la division du travail amène un processus extensif de production. L’industrie rurale, qu’on appelle à tort proto-industrie, segmente les tâches, fait de la sous-traitance et crée des réseaux industriels. La société est mobilisée pour exploiter ses ressources au maximum et on évolue progressivement vers des territoires industriels. 3 exemples : l’industrie drapière du Nord de la France, les toiles de lin en Bretagne et les bourgs industriels en Languedoc.
La propriété rurale reste majoritaire mais la prolétarisation des ouvriers s’effectue sur place. Les 6 règles sont l’intensification, la mécanisation, l’innovation, le séquençage de la production, l’aménagement de l’espace de production et l’allongement ou le racourcissement des circuits. La figure de l’entrepreneur apparait dans le monde rural, comme à Paris ou à Londres.

II Peut t’on encore parler de Révolution Industrielle ?

C’est plus un âge industriel car Révolution signifie changement brutal, comme la Révolution Française entre 1789 et 1799 ou la Révolution russe de 1917 à 1922/23; or l’âge industriel dure au moins 120 ans (de 1750 à 1870). Est ce seulement industriel et urbain ? Non, les campagnes et les artisans participent à ce long processus d’industrialisation du monde occidental.
Jacques Seigne rappelle que l’Antiquité a connu des révolutions énergétiques avec l’énergie musculaire, les moulins à vent, l’énergie hydraulique et la Houille au Royaume Uni. Catherine Verna rappelle le concept de « révolution industrielle au XIIIème siècle » avec les moulins à fouler dans un livre de Wilson en 1941. C’est au XVème siècle que débutent l’endettement, la prolétarisation et l’ouverture de marchés capitalistes des draps et des métaux. Du XVIème au XVIIIème l’industrie du drap cardé évolue sans cesse. Il faudrait donc arrêter de couper et d’opposer artisanat et industrie ;et privilégier le temps long dans l’industrialisation de l’Europe Occidentale !

Questions du public :
1) Un professeur de 4ème déclare que la notion de révolution industrielle a donc volé en éclat et qu’on ne peut plus l’enseigner. Cette table ronde a fait preuve de destruction créative !

2) Un Clionaute, responsable et auteur de ce compte-rendu, se demande si on peut aussi parler de Renaissance Industrielle, et effectivement de 1525 à 1545, on assiste à la multiplication des traités techniques, au procédé des hauts fourneaux et à la mise en forme de nombreuses innovations industrielles. L’âge industriel serait donc étalé sur 420 ans de 1525 à 1945.

3) Quelqu’un demande une définition du mot usine. C’est une concentration ouvrière autour de machines.

4) Les artisans étaient ils analphabètes ? Non, en grande majorité ils lisent, écrivent et comptent; à ne pas confondre avec les paysans !

5) La révolution industrielle est-elle un concept réservé à l’Occident ? Non, l’Inde, l’Extrême Orient et le Proche Orient sont aussi concernés.

6) Enfin doit on remettre aussi en cause les secondes et troisième révolutions industrielles ? Non la seconde a un sens de transformation brutale de la société de 1870 à 1945; et la troisième n’est encore qu’une hypothèse à confirmer. C’est donc la première révolution industrielle qu’il faut totalement reconsidérer.

Conclusion: Une table ronde vivante, bien menée et intellectuellement constructive et destructive. Bravo aux 5 participants !