Elle réunit Mathieu BRUN du Club Déméter ; Jean-Marc CHAUMET, Agroéconomiste – Institut de l’élevage ; Pascale GIRY, Directeur des Relations institutionnelles – Saint Louis Sucre ; Perrine VANDENBROUCKE, Géographe enseignante-chercheur en sciences économiques et sociales – ISARA-Lyon / Laboratoire d’études rurales.
Mathieu BRUN introduit le sujet : la politique agricole est la plus vieille politique de l’UE. Il évoque l’histoire de la PAC. On retiendra que le coût de cette politique est actuellement de 0,30€ par jour et par habitant. Quelques chiffres : 7 millions d’exploitations agricoles et 40 % du budget européen.
Jean-Marc CHAUMET est invité à répondre à la question : Comment l’Europe se positionne-t-elle par rapport à la Chine ?
Il rappelle que l’Europe est le premier exportateur mondial avec 10 % du commerce mondial mais que de solides concurrents existent : USA, Brésil, Russie et Chine des pays qui ont de fortes politique de soutien à leur agriculture. Pour la Chine même importatrice avoir une agriculture forte est un élément de la puissance.
Il s’interroge sur la possibilité pour l’Europe de conquérir de nouveaux marché. Vers la Chine la situation est assez bonne : lait, viande, céréales.
Mais l’Europe a-t-elle les bons outils ? Il montre comment la fin des quotas laitiers, décidée en vue du marché chinois, a été contrecarrée par une crise liée à l’embargo russe suite aux sanctions dans l’affaire ukrainienne et un ralentissement de la demande chinoise. Comme la stabilisation des prix n’est plus au centre de la PAC la surproduction a générée une crise du lait en particulier en France.
D’autre part la politique chinoise vise la sécurisation de ses approvisionnements d’où des investissements sur des sols agricoles dans le monde y compris en Europe et dans des unités de transformation (laiteries en France) qui permettent à la Chine de récupérer la plus-value.
La Russie est traitée à partir de l’exemple du sucre Pascale GIRY. Suite aux sanctions européennes la Russie a redynamisé son agriculture. l’intervenante replace son propos avec quelques chiffres de ce marché très concurrentiel du sucre (France = 6Mt de sucre de betterave soit > Australie, Europe : 20 Mt – France et Allemagne = 1/2 prod. Européenne ; Monde = 18 Mt ; consommation mondiale en hausse de 3Mt/an). Les grands acteurs mondiaux sont le Brésil (1/4 prod mondiale, 1/2 export) qui donc fixe les prix, Inde (2e rang, prod en hausse, 1er consommateur avec un fort soutien politique), l’Australie (gros exportateur) et en hausse la Thaïlande.
La place de l’Europe est difficile, limitée par l’OMC dans ses exportations à cause des quotas, ils ont été supprimés et cela a conduit à rechercher un renforcement de compétitivité pour lutter contre la concurrence notamment au niveau des sucreries sans empêcher une crise en 2017 avec forte chute des prix mondiaux.
Perrine VANDENBROUCKE intervient sur la PAC comme outil pour répondre aux politiques agressives de certains états. Elle évoque les deux piliers de cette politique depuis 1992 : aide découplées donc moins de soutien des marchés sauf pour les protéines végétales très déficitaires en Europe, un second pilier cofinancé par les états, les territoires (modernisation agricole, mesure agro-environnementales et climatiques, développement rural). Elle rappelle que la PAC est née de compromis externes (dans le cadre du GATT puis de l’OMC), internes entre stabilité des prix et intérêts divergents des membres. Elle replace les négociations en cours pour la PAC après 2020 (peut-être 2021 ou 2022), le texte proposé par la commission européenne est dans la continuité : peu interventionniste sur les marchés, aide pour des critères environnementaux et climatiques non pris en compte par les marchés, un budget en baisse et pas seulement à cause du Brexit et surtout une plus grande modulation dans chaque état.
Elle pose trois questions : Quelle efficacité des aides à l’hectare et pas aux emplois ni aux enjeux environnementaux quand la PAC ne participe pas au développement économique des filières et à la gestion des risques des marchés ?
Comment défendre l’agriculture européenne dans les grandes négociations (type CETA) dans un contexte international où plus de grandes puissances soutiennent leur agriculture ?
Quels risques de laisser choisir les états, une PAC de moins en moins commune ?
Le second temps de la table ronde est consacré aux concurrences intraeuropéennes.
Jean-Marc CHAUMET traite du lait et de la viande en montrant une opposition Europe du Nord où l’agriculture est un secteur comme un autre avec des entreprises, une Europe du Sud plus axée sur le terroir l’exploitation agricole et une Europe des nouveaux membres qui cherchent des aides, le tour sans harmonisation fiscale et de salaires (la variation va de 1 à 10).
Une PAC de plus en plus à la carte qui permet à la Pologne (prod x 3) de concurrencer la France sur le poulet ou la viande bovine, qui a permis, avant sanctions, aux pays-bas de produire du lait sans respect de la norme nitrate. On assiste à une distorsion de concurrence interne.
Cet aspect est repris par Pascale GIRY pour le sucre : 11 états (pas la France) soutiennent la production de betteraves par exemple la Pologne qui octroie une aide de 40€/t quand le tarif du marché est en moyenne de 300€/t.
Mathieu BRUN revient sur les incertitudes liées au Brexit : des marchés à conserver mais peut-être des négociations de la PAC à venir plus facile sans le Royaume-Uni.
Conclusion : l’agriculture est un signe de puissance et de stabilité.