Cécile Desprairies présente l’ouvrage qu’elle vient de publier aux éditions Armand Colin. Elle a choisi de centrer son intervention sur les mesures qui concernent la paysannerie et le monde rural au sens large, très large. Une conférence très brève et fort décevante.
La conférencière présente quelques mesures :
Le carreau Vichy. La mode naît au printemps 1941 ; le motif se retrouve sur les couvercles de bocaux de confitures, les dessus de cheminée, les vêtements des enfants nés sous X. La mode sera redécouverte en 1952, avec Brigitte Bardot.
Plusieurs mesures se situent dans le cadre d’une volonté de régénération de la population française par la lutte contre l’alcoolisme. Ainsi de la relance des eaux minérales. Vichy Saint-Yorre et Chateldon (village de Pierre Laval) sont alors commercialisées. Ainsi du lancement de Fanta, boisson chimique fabriquée à partir de résidus de fromage, de pomme, enrichie au sucre de betterave et embouteillée dans les usines Coca Cola, déjà largement implantées en Europe. Vichy, par une loi de septembre 1941 supprime le diplôme d’herboriste, influence de la puissante chimie allemande et aussi volonté de développer la boisson de tisanes par la vente libre de quelques plantes.
Toutes les boissons alcoolisées au-delà de 16° sont interdites : les apéritifs à base de vin sont promus et ceux à base d’alcool sont interdits. Ricard va devoir se recycler dans le riz de Camargue dont on lance la production ! Vichy crée les quatre licences permettant aux cafés de servir les alcools.
Les Appellations d’origine contrôlées sont systématisées. La conférencière observe que la quasi-totalité des grands crus se trouvent en zone occupée. Le classement en AOC permet d’échapper au contrôle du ravitaillement et de développer le commerce avec l’occupant. De là à envisager que le tracé de la ligne ait pu être conditionné par la géographie du vignoble, il y a un grand pas que la conférencière hésite à peine à franchir.
L’huile de pépins de raisin et l’huile de colza sont promus pour pallier la chute des importations d’huile d’olive et d’arachide.
Du vin, nous passons au fromage, pour observer deux tendances contradictoires : la création des AOC, mais aussi le développement des pâtes à tartiner, plus industrielles.
Sans qu’on voit bien le rapport, la conférencière nous projette une carte allemande qui montre le projet de redécoupage par le géographe allemand Christaller des régions françaises.
Cet inventaire un peu curieux introduit-il à une problématique et à une argumentation ? Force est de reconnaître que la conférencière exagère fortement l’influence de Vichy (« La France d’après-guerre se reconstruit largement sur les acquis de Vichy. Nous vivons largement sur les acquis de Vichy »), qu’elle confond parfois mesures concrètes et réformes de structure et qu’on arriverait facilement à une réhabilitation du régime.
La conférencière reprend nombre de stéréotypes sur Vichy qui vont à l’encontre des acquis historiographiques les plus forts : on l’entend ainsi dire que les paysans ont massivement soutenu Vichy (voir notre compte rendu de la conférence de vendredi à Blois, de Fabrice Grenard et Eric Alary, sur le thème « Le monde paysan sous Vichy. Mythe et réalité »), qu’ils ont eu un rôle quasi inexistant dans la Résistance, que Vichy a défendu le petit paysan, n’évoquant à aucun moment le statut du fermage et du métayage issu du programme du CNR.
Il aurait été préférable de se situer dans le temps long, pour ne pas attribuer à Vichy ce qui remonte bien souvent à une volonté de réforme manifestée dans divers milieux au cours des années 1930.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les clichés révélés par quelques interventions du public n’aient pas été corrigés (par exemple la prétendue absence d’épuration du personnel politique et administratif).
© Joël Drogland