Introduction :  La démocratie italienne a mauvaise réputation et est mal considérée en Italie et hors d’Italie pour ses défauts et ses défaillances. Y a t’il une anomalie italienne ?

L’Italie a connu 66 gouvernements depuis juin 1946, elle connaît une république INSTABLE et en crise permanente. Comment a t’elle fait pour surmonter et survivre à tous ses handicaps : corruption, clientélisme, mafia, mauvaise administration et médiocrité des dirigeants politiques?

Les Français regardent de haut la démocratie italienne depuis 1958 avec le modèle présidentiel et majoritaire de la Vème République. Les chercheurs anglo-saxons érigent États-Unis et Royaume Uni comme modèles de démocratie et considèrent que les les Italiens n’ont pas de culture civique.

La conférence comprend deux parties chronologiques : de décembre 1947 à 1992 avec le processus de création d’une démocratie nouvelle; et de 1992 à 2019 avec une démocratie parlementaire sous tension. Le but de Marc Lazar est de rompre avec l’image négative de la République Italienne.

I/ Le règne des 3 Grands Partis : DC, PSI et PCI de décembre 1947 à 1992.

Après le fascisme, de 1922 à 1945, et en pleine guerre froide, il faut créer une démocratie nouvelle. Elle aura 4 caractéristiques.

1/ Des institutions sacralisées et contestées

La République fait de gros efforts pour intégrer les Suds, combattre les défis terroristes de l’ultra gauche (Brigades Rouges) et de l’ultra droite; promouvoir le rôle du Président de la République comme symbole national mais en gardant un système parlementaire. Le principal écueil : la Partitocratie qui partage le pouvoir entre les 3 grands partis mais en laissant la Démocratie Chrétienne régner pendant 46 ans!

2/ Une instabilité gouvernementale mais une stabilité des cultures politiques.

La stabilité se voit sur une carte électorale : la DC ( en BLEU CLAIR) règne au Nord et au Sud en 1976 avec 38.71% des voix; le PCI (en ROUGE) règne au centre avec 34.37% des voix. Loin derrière, le PSI à 9.64% et le MSI à 6.10%.

Le système est en quête d’hommes politiques forts (césarisme) comme Giulo ANDREOTTI (1919/2013) ou Bettino CRAXI (1934/2000). La démocratie Chrétienne connaît de graves rivalités internes.

 

3/ La Dialectique des divisions et de l’unité.

Il y a 3 grandes lignes de faille : fascistes/antifascistes; communistes/anticommunistes et religieux/féministes.

Au référendum du 2 juin 1946, le Sud vote à 65% pour la monarchie et le Nord pour la République. Au total 54.3% des Italiens choisissent la République. L’Italie est coupée en 2, voir carte ci-jointe.

Au référendum sur l’abrogation de la loi sur le divorce de mai 1971 :

Non féministe remporte à 59.1%

Oui religieux perd à 40.9%. Pour les communistes ce sont des « clérico-fascistes ».

En 1978, l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades Rouges est révélateur : il voulait un COMPROMIS historique et une alliance entre Démocratie Chrétienne et Parti Communiste Italien. Sa disparition enterre ce projet politique. A qui profite ce crime?

4/ Des violences importantes et les années de plomb. De 1969 à 1987 : 491 morts au minimum.

L’Italie est au bord de la guerre civile; les Italiens sortaient très peu le soir mais personne ne peut éliminer l’autre. Dans ces forces antagonistes, aucune ne peut l’emporter !

II/ de 1992 à 2019.

1/ des tremblements de terre entre 1989 et 1994

La chute du communisme en Europe de l’Est en 1989 et l’opération Mani Pulite de 1992 à 1994 déstabilisent toute l’organisation politique italienne.

Le PCI passe de 34.3% en 1976 à 26.5% en 1987. En 1992; il tombe à 16%.

Mains Propres met en accusation 338 députés sur 630 et 100 sénateurs sur 315. Les prtis sont délégitimés et décapités.Le MSI se défascise et le PCI se décommunise et prend le nom de PDS.

Deux nouveaux partis apparaissent : FORZA ITALIA de Berlusconi et la LIGUE DU NORD d’Umberto Bossi.

2/ Ruptures et continuités

DANS LES RUPTURES :

Il y a de nombreuses alternances après 46 ans de démocratie chrétienne ininterrompue. En 1994, 1996,2001, 2006; 2008; 2011 et 2018…

La Ligue du Nord fait de l’opposition NORD/SUD une ressource politique; elle instrumentalise la lutte contre l’immigration et la rupture avec l’Europe. Enfin, elle sombre dans la vulgarité, opposée au style classique et respectueux de la classe politique italienne.

Berlusconi instrumentalise l’anticommunisme; fait des blagues salaces et xénophobes; utilise le marketing, un parti personnel et un parti entreprise; et prône la télécratie.

C’est l’ère de la médiatisation, de la personnalisation et de la présidentialisation,3 ruptures majeures avec 1946/1992.

DANS LES CONTINUITÉS :

La carte électorale de 2001 ressemble à celle de 1976; sauf que FORZA ITALIA remplace la DC et que le PD remplace le PCI en Italie Centrale.

3/ République, Nation et Europe.

Alors que Gasperi est un père de l’Europe, on assiste à un retour de l’identité nationale entre 1982 et 1985 autour de l’équipe de football, et de l’anti-américanisme pro-palestinien.

Deux changements majeurs : les immigrés sont 5.5 millions, soit 4 fois plus qu’en 2001; et on a un renversement anti-européen de 2008 à 2014, entre la crise financière et la crise migratoire.

Les présidents Ciampi et Napolitano vantent la fierté de la république et le Nationalisme.

Matteo SALVINI valorise les liens du sang et les traditions chrétiennes.

4/ Les nouveaux populistes.

Après le modèle de Berlusconi, la Ligue de SALVINI combine un discours contre l’islam, les immigrés et l’UE. C’est « Prima l’Italia » (comme America First de Trump) !

Le Mouvement 5 Étoiles appelle à la démocratie directe et amplifie ses succès, surtout au Sud de 2013 à 2018. Ligue et 5 Etoiles s’allient de juin 2018 à août 2019. Mais après les élections européennes, c’est la rupture et le Mouvement 5 Etoiles quitte la Ligue pour s’allier au Parti Démocrate.

Salvini échoue à obtenir la dissolution du Parlement et de nouvelles élections législatives, il rejoint alors l’opposition; mais comme premier parti politique italien avec 34.26% devant le PD 22.74% et le Mouvement 5 étoiles, seulement 17.06%.

En conclusion :

Peut on imposer au Parlement les « volontés du peuple » ? Les leaders des partis parlent ils pour le peuple, contrairement aux députés? L’urgence populiste ne néglige t’elle pas le temps de la réflexion et de la délibération ?

Le paradoxe, c’est que la démocratie parlementaire est toujours vivante malgré les obstacles à franchir et les énormes difficultés. Elle a pour l’instant réussi à transformer ses faiblesses en force.

L’Italie est-elle le laboratoire de ce qu’on trouve dans toute l’Europe? Il faut faire face partout à la crise économique,écologique et sociale, à la défiance du peuple et au populisme. Regardons l’Italie pour préparer notre avenir.