Avec un titre aussi évocateur, la foule ne pouvait qu’affluer dans la grande salle Gaston d’Orléans du château de Blois en ce dimanche nuageux. Aurore Chéry, chercheuse au LAHRHA (Laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes), balaie nos idées reçues sur Louis XVI. Le propos est vif et illustré. Mais l’argumentation ne nous a que très partiellement convaincus.
De l’argumentation historique ou de la provocation ?
Dès le départ, nous avons été surpris par plusieurs formulations-choc du résumé inscrit au programme officiel ou par la quatrième de couverture de la biographie de Louis XVI parue chez Flammarion. La très conséquente historiographie de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution nous fait douter du caractère prétendument inconnu du roi. Par ailleurs, aussi bien Jean-Christian Petitfils dans Le Point que Jean-Clément Martin dans Mediapart n’ont pas manqué d’afficher leur scepticisme sur cette nouvelle biographie. Pour que chacun se fasse un avis, le plus simple est sans doute de consulter les travaux en accès libre d’Aurore Chéry. On peut par exemple consulter son « Histoire d’un non-objet historiographique: le cas Louis XVI », paru en 2011 par L’Atelier du Centre de recherches historiques.
Cet article couvre la première moitié de conférence.
La seconde moitié de la conférence est revenue surtout sur l’une des principales révélations de la publication : l’existence d’une maîtresse protestante de Louis XVI, Françoise Boze. On a dit à maintes occasions, combien Louis XVI avait surpris ses contemporains en n’affichant ni maîtresses ni favorites. Aurore Chéry revient sur cette affirmation et s’est efforcée de démontrer l’existence de la liaison. Après une vingtaine de minutes d’explication, nous ne sommes toutefois pas convaincus de la solidité de l’identification de l’amant « Louis » dans la correspondance de Françoise Boze. Nous n’avons pas forcément compris non plus les enchaînements de raisonnement qui font passer de quelques lettres à un graffiti d’une salle communale de Martigues supposé représenter Louis XVI face à Françoise Boze. Sans doute convient-il de se reporter directement à la biographie intégrale pour plus d’explications.
C’est là l’une des limites d’un format d’une heure, en réalité 45 minutes si on retire le temps des questions, temps d’ailleurs écourté par la conférencière.
Le Roi Louis XVI, un farouche révolutionnaire ?
De façon générale, le portrait d’un roi totalement investi de son rôle révolutionnaire, mêlant République (au sens antique), passion pour l’égalité, réflexe anti-aristocratique et anti-autrichien, est déconcertant. À entendre Aurore Chéry, Louis XVI serait en réalité un tacticien et un manœuvrier hors pair. Il aurait laissé provoquer de « mini-disettes » pour s’appuyer ensuite sur la contestation populaire. Il aurait utilisé les réseaux protestants pour mieux détruire l’ordre catholique de la papauté. La fuite à Varennes elle-même ne serait que le préalable à l’installation de la Révolution en Allemagne. La conférencière considère que Louis XVI veut garantir la « liberté des peuples à disposer d’eux mêmes » et qu’il serait pour l’indépendance des peuples basque et breton, comme celle des Allemands. C’est déroutant.
Au moins pouvons-nous accorder ce mérite à Aurore Chéry de susciter l’envie de se replonger d’urgence dans l’histoire de Louis XVI.