La conférence prenait la forme d’un questionnement de Michel Lussault par Jean Lebrun sur divers concepts présents dans de récentes productions.
L’hyperlieu est illustré par le cas de l’aéroport. La mésaventure d’un avion raté à Roissy montre qu’à partir de 1 heure du matin, les SDF négocient avec le personnel de ménage de l’aéroport pour tenter de dormir dans les portes interstitielles du bâtiment et ainsi être protégé du froid. Pour Michel Lussault, l’aéroport n’est pas un « non-lieu » (Marc Augé, même si Marc Augé a lui-même reconnu que le concept a suscité de trop multiples interprétations) mais un hyperlieu permettant certaines formes de relations sociales. La différence entre la classe économique et la classe business (qui, elle, échappe au contact de la diversité sociale) montre que, dans le cas de l’aéroport, les droits des uns et des autres ne sont pas les mêmes selon le niveau de ressources.
La gare de Shibuya, la seconde gare de Tokyo (celle qui ferait passer la gare du Nord pour une gare de province), est ensuite convoquée pour montrer la forte intensité des croisements d’individus qui y transitent. L’histoire du chien qui attendait son maître, professeur à l’université, du retour du travail et qui, un beau jour, n’est jamais revenu à la suite d’une crise cardiaque symbolise l’effet de lieu. Aujourd’hui, trône une statue du chien sur ce qui est sans doute le passage piéton le plus fréquenté au Monde.
Un évènement peut donc faire lieu à l’image de la place de la République spontanément remplie après les attentats de Charlie Hebdo. Quelques jours après, les chefs d’Etats y défilaient en hommage aux victimes. Régulièrement foulé, le sol de cette place montre sa dimension historique, son importance par intermittence.
Le Coronavirus a montré que nos puissances sont fragiles et que l’activité de lieux que rien ne semblait pouvoir arrêter (aéroports, grands centres commerciaux, bourses, parcs d’attractions…) se sont précisément mis à l’arrêt.
Le concept de contre-lieu ou d’alter-lieu (comme la ZAD de Notre Dame des Landes ou la jungle de Calais) est exposé ensuite. Ici, on peut trouver des installés, des locaux, des traversants. On peut y repérer le jeu des protagonistes, le jeu des places et des mises à distances pour y analyser les formes de cohabitation.
Le propos se poursuit sur de possibles définitions de la démocratie et de la politique. Citant Hannah Arendt, Michel Lussault se retrouve dans l’idée que le politique est constitué par la distance entre les individus.
Le confinement a mis à distance les riches. Le logis est une forteresse. Il y a là un risque de projet de « contre société non démocratique » où une force de travail qui prend les risques (de livraison à domicile) est exploitée par une catégorie de la population qui se dédouane des relations démocratiques.
En ce sens, le tout numérique n’apparait pas comme une solution, un projet commun.
Le fait qu’il n’y ait pas eu de débat sur la 5G est gênant. Quelle en est l’utilité sociale collective ? Quels gains et quelles pertes ?
Il est ensuite question de néolocalisme : tenter des expériences à partir de localités plus « sobres », plus économes en ressources. En citant les Amish, il est intéressant d’étudier le rapport aux énergies, au recyclage, au voisinage et ne pas poser un regard condescendant vis-à-vis de ce genre de modèle. Le local peut être inspirant pour modifier l’ordre du mondial.
En ce sens, l’hyperscalarité peut être un concept intéressant, une collusion entre toutes les échelles, non pas un emboitement comme la géographie l’a initialement montré, mais un synchronisme permanent. Le Coronavirus l’a montré : le virus est partout, de l’échelle de mon corps à celle du vaste Monde.