Partons à la découverte de la villa Loupian, site archéologique entre Montpellier et Agde.
Petit rappel historique
1930 : une revue spécialisée signale la découverte fortuite d’une mosaïque dans une vigne à Loupian.
1963 : des sondages sont entrepris pour localiser le site.
1967 : acquisition du terrain et classement des vestiges au titre des Monuments Historiques (1970).
1976 à 1982 : fouilles intensives du site.
1983 : un jeune chercheur, Christophe Pellecuer travaille jusqu’en 1987 à la datation des pavements polychromes, etc. Cette recherche de terrain participe d’un regain d’intérêt pour la culture matérielle de l’Antiquité tardive.
Le musée de site Villa-Loupian, qui a coûté 2,3 millions d’euros, est né d’une volonté locale, rassemblant des élus municipaux et une équipe de chercheurs, avec le soutien de la Direction régionale des Affaires Culturelles et des assemblées départementale et régionale. Ouvert en 2000, il reçoit chaque année 18 000 visiteurs.
La céramique, encore et toujours
Le site archéologique témoigne de l’abondance de la céramique. Celle-ci servait comme récipient de cuisine, de vaisselle de service et comme lampe à huile. L’atelier de potiers du domaine de Loupian est installé sur le rivage de l’étang de Thau, au débouché du ruisseau qui draine le bassin versant exploité par la villa. L’implantation littorale du site artisanal est justifiée par le rôle de voie commerciale joué par le plan d’eau. On a pu retrouver des objets de toilette, des bijoux comme un chaton qui porte l’inscription « VT FEL » (VTERE FELIX ou « sois heureux ») ou des dés à jouer avec des jetons en os.
L’exploitation agricole
La main d’œuvre indispensable pour les travaux agricoles constitue l’essentiel de la population du domaine. Ce personnel vit à demeure, peut-être en servitude pour certains ou sous d’autres formes de dépendance avec le propriétaire des lieux. Les logements d’une partie d’entre eux prennent place immédiatement au sud-ouest de la résidence. La proximité n’est qu’apparente et l’absence de communication directe avec les appartements du maître souligne la distance sociale qui sépare ces deux catégories de résidents.
Ces logements sont installés dans des corps de bâtiment hérités de la ferme du début du Ier siècle de notre ère, rassemblés autour d’une cour indépendante. Les constructions aux élévations de briques crues sont recouvertes d’un enduit blanc de propreté. Les habitations occupent une des ailes compartimentées par une série de pièces en enfilade. Une de ses unités, d’environ 30 m2, est équipée d’un foyer d’angle, deux simples tuiles plates posées à même le sol de terre battue. Une autre est dotée d’un évier rudimentaire. Dans cette pièce, on y faisait la cuisine, et un revêtement de sol signale peut-être la zone réservée au coucher. Ses occupants peuvent disposer d’une dépendance mitoyenne, de 18 m2, servant de resserre avec des récipients fichés dans le sol. Chacune de ces cellules semble destinée aux divers temps de la vie familiale et l’on n’hésite pas à inhumer à l’intérieur des enfants morts lors des couches ou peu après.
L’habitation
La création d’une partie résidentielle reste le trait marquant du projet architectural qui donne forme à la villa. Les appartements qui offrent le confort de la villégiature aux propriétaires s’ouvrent sur une cour d’agrément de 400 m2, bordée sur ses quatre côtés d’une galerie à colonnade, un péristyle. Un bassin ornemental participe à l’aménagement d’un jardin.
Ces appartements d’une surface d’environ 300 m2 enveloppent l’angle ouest du péristyle, en adoptant une disposition en équerre. Ce choix écarte toute possibilité de distribution symétrique des espaces et aucune salle d’apparat n’occupe le milieu du petit côté du péristyle, rompant ainsi avec le principe d’axialité fréquemment employé dans la mise en scène de ce type de demeure.
La partie résidentielle se compose en deux ailes qui se développent sur les côtés nord et ouest d’une cour en péristyle (cour bordée d’une colonnade). Cette cour sert de jardin et est ornée d’un bassin d’agrément. L’aile ouest est une zone chauffée et contient les appartements d’hiver et la partie thermale. Les bains d’une surface de 130 m2, placés à l’angle sud du péristyle, sont mitoyens aux appartements. Ils sont constitués d’une succession de pièces allant e la plus froide à la plus chaude. Depuis le péristyle, on accède au frigidarium (salle froide). Au centre de la pièce, une piscine de 12 m2 (bassin d’eau froide), est bordée d’une mosaïque de fragments de marbres polychromes insérés régulièrement dans un fond de tesselles noires, selon la technique de l’opus scutulatum. Cette piscine destinée aux exercices natatoires. Depuis le frigidarium, on accède soit aux latrines, soit à un ensemble de pièces chauffées par un système d’hypocauste dont un tepidarium (salle tiède). A cela s’ajoute un caldarium (salle chaude).
Les mosaïques
Les mosaïques à Loupian sont d’une qualité exceptionnelle et associent deux styles caractéristiques de l’empire romain, la Syrie et l’Aquitaine.
Dans la chambre carrée, qui est la pièce la plus meublée de la maison, outre le lit, on pouvait y trouver un coffre à vêtement, un ou plusieurs sièges, parfois une table et éventuellement une coiffeuse.
Dans la salle des banquets, une imposante mosaïque en croix de U, d’inspiration proche-orientale, composée de feuillage et de vases surmontés d’un jet d’eau (représentation classique des jardins antiques)
Les bâtiments agricoles
On trouve enfin un vaste bâtiment de stockage où se trouve un chai.
À partir du milieu du Ier siècle de notre ère, Loupian participe d’un mouvement plus général de développement de la villa en Narbonnaise. L’affirmation architecturale du centre domanial n’est pas le résultat d’une rupture, mais plutôt de la recomposition de la ferme antérieure. Le domaine affirme la position sociale du propriétaire et les équipements nécessaires aux nouveaux objectifs d’exploitation du domaine.
La plupart des exploitations agricoles de Narbonnaise, les villas, les fermes ou celles installées dans les agglomérations rurales, consacrent une part non négligeable de leur activité à la viticulture et à l’élaboration du vin.
Le domaine de Loupian, avec une centaine de dolia, appartient à une classe d’établissements vinicoles de moyenne capacité, autour de 1500 hl. Quelques dizaines de jarres équipent les fermes et des villas de moindre performance, inférieure à 1000 hectolitres. Cependant, c’est bien en Narbonnaise que des exploitations atteignent des niveaux exceptionnels, avec des chais renfermant plusieurs centaines de dolia pour des chiffres records jusqu’à 6000 hectolitres.
A Loupian, ces dolia ont un fond plat et ressemblent aux dolia qui se trouvent à Nîmes et dans d’autres villae de la région. Les dolias sont en partie enterrées (alors que sur d’autres sites, ils peuvent-être conservés de plein pied. Pourquoi sont-ils enterrés ? Cela permet de garder une température constante et de mieux maîtriser la fermentation, de mieux remplir les dolia, d’assurer une meilleure circulation autour des dolia, le dollum est une poterie fragile et la pression exercée à l’intérieur est importante, de fait la terre qui l’entoure compense cela.
Vocabulaire
Chai : lieu où se déroule la vinification (processus de transformation du vin).
Dollum : sorte de jarre de forme ovoïde de très grande taille, variant de 1,10 mètre à plus de 2 mètres de hauteur.
Petit résumé et visite virtuelle en vidéo:
Pour découvrir le reportage photo en haute définition autour de la Villa Loupian, il suffit de faire un petit tour sur Clio-Photos.