Cette table ronde révélera comment les apports culturels français ont contribué au développement de la Nouvelle-France à travers l’économie, le rôle des femmes, l’intendance, l’instruction ainsi que la culture matérielle et son importance patrimoniale

Modération: Michel Lemasy, Journaliste.

Intervenants : Catherine Ferland, Historienne, présidente des Rendez-vous d’histoire de Québec, Dave Corriveau, Historien, Roger Barette, Historien, secrétaire général de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC), Yves Beauregard, Historien, directeur de la revue d’histoire Cap-aux-Diamants.

Michel Lemasy introduit le sujet, la Nouvelle France chronologiquement du début du XVIIe siècle avec l’installation à Tadoussac au Traité de Paris en 1763, géographiquement un vaste espace de Terre Neuve au Golfe du Mexique, un vaste arc de cercle passant par les Grands Lacs. Un pays ouvert sur la vallée du Saint-Laurent

Femmes et économie en Nouvelle France par Catherine Ferland

Deux remarques introductives :

Les femmes sont peu présentes dans les sources, La Nouvelle France applique la coutume de Paris avec les transpositions nécessaires à la nouvelle situation.

La conférencière montre l’apport économique des femmes dans la consolidation de la colonie de Québec dans les années 1730-1740.

La colonie a été une opportunité pour les femmes de sortir du carcan de la coutume de paris qui faisait d’elles des mineures en droit, des mineures sauf les veuves.

La procuration va leur permettre, pendant les voyages des hommes vers la France (dans 1/3 des cas, affaires de famille, succession) ou la recherche de peaux en forêt, la traite dans les pays d’en-haut (17 %) qui imposent de longues absences de quelques mois à 2 ou 3 ans. Dans les registres on observe un pic de signature de procuration en mai pour les départ vers la métropole, en octobre pour la traite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Toutes des catégories sociales sont concernées

 

Que peuvent-elles faire grâce à cette procuration : acheter et vendre un bien, poursuivre les activités de commerce, tester en justice.

On peut analyser ce pouvoir économique à partir de quelques biographies de femmes comme Marie-Anne Barbel, veuve Fornel, Barbel décède en 1745. Cette marchande de détail qui a eu 14 enfants, a des parts dans les entreprises de traite et les pêcheries. Elle prend à bail un domaine du roi à Tadoussac (droit de chasse et de pêche). C’est une femme d’affaires très respectée. Si son commerce est « tué » par la guerre de sept-ans, elle va ensuite composer avec les Anglais après 1763, poursuivre son commerce jusqu’à son décès en 1793 à 89 ans.

L’intendant Jean Talon1 : Développer la Nouvelle France en tenant compte du Colbertisme par Dave Corriveau

C’est d’abord un tableau de la colonie au début des années 1660, grand moment des attaques iroquoises qui menacent l’agriculture comme le commerce. Les colons font appel au roi qui envoie un intendant Jean Talon pour prendre le relais de la « Compagnie des 100 associés » qui gérait la colonie jusqu’à cette période. Il arrive, soutenu par Colbert, avec le Régiment de Carignan-Salières.

Jean, talon est Champenois, formé chez les Jésuites, au collège de Clermont. A 28 ans il devient administrateur militaire, commissaire des guerres en Flandre et intendant de l’armée de Turenne en 1653, il était commissaire du Quesnoy en 1654. En 1655, il devenait intendant du Hainaut. IL est remarqué pour sa bonne gestion.

Le 23 mars 1665 il reçoit une commission royale comme intendant de la Nouvelle France. le 24 mai il embarque à La Rochelle à bord du Saint-Sébastien et en compagnie du nouveau gouverneur Rémy de Courcelle, pour une traversée de 112 jours. Après avoir relâché à Gaspé, Talon entre en rade de Québec le 12 septembre 1665.

Sa mission : veiller à l’autonomie de la colonie et envoyer des produits, notamment des fourrures, vers la France. Il lui faut peupler la colonie, y développer son agriculture et des manufactures.

A son arrivée il envoie à Colbert une lettre où il exprime sa déception devant le potentiel manufacturier de la colonie. Il demande des moyens mais ne sera pas entendu. Pour Colbert la colonie ne doit pas devenir une rivale de la métropole.

Son action : Jean Talon commence par un état des lieux, environ 3000 habitants (français) au recensement de 1666 et surtout 6 hommes pour 1 femme. Pour développer le peuplement il va chercher à retenir les soldats du Régiment de Carignan-Salières à la fin de leur temps pour défendre la colonie comme milicien et pour d’autres compétences et à multiplier le nombre d’engagés recrutés dans le Poitou, la côte atlantique.

Les engagés doivent avoir plus de 16 ans, leur voyage vers le Canada est payé par le roi, leur engagement est de trois ans. Ils peuvent alors rentrer ou s’installer sur une terre comme colon libre. On leur donne quelques outils en échange de quoi ils doivent défricher, outre leur terre, 2 arpents pour un prochain colon.

Il peut aussi compter sur l’arrivée des « filles du roi 2», veuves, orphelines dotées par le roi avec un certificat de bonne conduite. Le conférencier entend tordre le coup à la rumeur selon laquelle le Canada aurait été peuplée par les prostituées. Les premiers départs datent de 1663, ce sont les « mères de la Nouvelle France ». Au total ce sont environ 800 femmes qui arrivent pour être mariées. En fait elles ont souvent le choix du mari. On voit des promesses de mariage quelques jours, heures de leur débarquement rompues à la demande de la femme pour un meilleur parti. On assiste à Québec à des « auditions »des candidats au mariage, on dirait aujourd’hui des « speed dating ». Le conférencier détaille cette politique de nuptialité : 16 ans pour les jeunes filles, 20 ans pour les garçons qui reçoivent 200 livres s’ils ont moins de 20 ans, doublée d’une politique de natalité, les pères de plus de 10 enfants reçoivent une pension, augmentée s’ils en ont 12…

En ce qui concerne les mariages mixtes Français-Amérindienne, pour « civiliser » cette politique est un échec, on assiste plutôt à un ensauvagement les Canadiens dans une société amérindienne plus libre qu’à une acculturation des Amérindiennes.

Le conférencier regrette de ne pas avoir le temps de développer le développement économique de la colonie.

L’étonnante soif d’instruction des défricheurs par Roger Barrette

Qui furent les pionniers de la Nouvelle France ?

Le conférencier aborde rapidement les conditions de vie des défricheurs, il explique le rang : la disposition de la terre concédée perpendiculairement à un cours d’eau, ce qui apporte au colon les ressource de la rivière (poisson), l’emplacement de sa cabane pour supporter un long hiver, un champ puis un accès à la forêt (bois et chasse)

 

Il rappelle que les premiers chevaux n’arrivent qu’avec le régiment de Carignan.

 

Le conférencier aborde ensuite les lieux d’instruction.

Très vite des écoles et des collèges ont été créés pour les garçons mais aussi les filles grâce aux Ursulines et à la Congrégation de Notre-Dame. Une ferme expérimentale existe sur la côte de Beaupré à Cap Tourmente3.

 

Les établissements d’instruction sont ouverts à tous et cherchent à attirer les Amérindiens, Jurons et Algonquins par des bourses.

On remarque à droite les tente qui accueillent les jeunes Amérindiennes

Des écoles paroissiales existent en campagne et même des maîtres itinérants qui assurent l’éducation de base et l’enseignement religieux. 

Le conférencier aborde ensuite l’histoire de sa propre famille, des normands qui migrent en 1646, Jean est engagé chez les Ursulines à Québec et Guillaume son frère qui le rejoint en 1660 engagé à Trois-Rivières.

 


Les signatures des enfants et petits enfants attestent de l’efficacité de l’instruction reçue.

 

 

Images des Amérindiens et des Inuits du Canada par Yves Beauregard

Ce dernier exposé est une présentation non-exhaustive de l’image des peuples autochtones trouvées dans les sources françaises des XVII et XVIIIe siècles.

Il présente de nombreuses gravures et peintures, assez rapidement car son temps est compté.

L. A. Lahontan dans ses récits de voyages : Dialogue avec un sauvage4 (1703) montre les relations homme-femme, il a un regard d’ethnologue quand il dessine la cérémonie du « mariage », chez les Iroquois ce sont les femmes qui choisissent en tendant un bâton

 

    

Delacroix Iroquois, Hurons, Algonquins, publié à Lyon en 1703

Joseph-François Lafitau dans son ouvrage Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps5 compare les Amérindiens aux peuples de l’antiquité. A noter que si certains comme Lafitau ont voyagé, les dessinateurs et graveurs n’ont pas voyagé, au mieux ils travaillent sous la conduite de l’auteur.

Gratien de Saint-Sauveur montre un jongleur iroquois, sans doute un chaman.

On peut remarquer que peu d’images montrent la violence, la cruauté décrites dans les textes, sans doute l’influence du mythe du « bon sauvage ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une table ronde très riche qui n’a cependant pas permis aux conférenciers d’aller au bout de leur propos.

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1  Pour en savoir plus, l’intervention dans une table ronde étant toujours très courte on peut se reporter au Dictionnaire biographique du Canada

2  Société d’histoire des filles du roy, Marie Royal, GFA, et Michelle Desfonds (coord.), Les filles du roy pionnières de la seigneurie de la prairie, Québec, Septentrion, 2019

3  le site de la Petite-Ferme a été fouillé en 1992 : https://www.saintjoachim.qc.ca/wp-content/uploads/histoire-1760.pdf

4  « Dialogues avec un sauvage », de Lahontan (édition établie par Réal Ouellet) Ed. Lux, « Mémoire des Amériques », 2010

5  avec figures en taille-douce gravées par Jean-Baptiste Scotin, Paris, Saugrain l’aîné – Hochereau, 1724. L’ouvrage a été réédité aux éditions La Découverte en 1983