Nudistes, une géographie de terrain, un objet d’étude sur les territoires.
La malice des membres de l’équipe des Clionautes présents à Saint-Dié pour cette 32e édition du festival les a conduits à me confier le retour de cette conférence, dont l’objet semble plutôt largement éloigné de mes préoccupations habituelles.
En bon petit soldat discipliné, je me suis rendu au temple de Saint-Dié pour écouter l’intervention du géographe d’Angers, Emmanuel Jaurand, initialement spécialiste de la géomorphologie, de l’épistémologie du commentaire de carte, que les hasards ont conduit à s’intéresser à ce sujet.
L’objet de cette intervention de 45 minutes est celui de la démarche du chercheur qui a commencé à s’intéresser à ce sujet en 2001. Son travail a consisté à mener des enquêtes de terrain, sur un sujet « le corps nu » qui avait été largement abordé par d’autres sciences sociales, comme l’histoire, la sociologie, l’anthropologie.
L’angle d’attaque du géographe et de questionner les territorialités du nudisme, et donc d’appréhender les territoires au prisme de la nudité collective, un phénomène que l’on rencontre sur des lieux touristiques, essentiellement des plages, même si l’on peut imaginer que dans le tourisme vert, les adeptes de cette pratique peuvent aussi se rassembler.
Le professeur de géographie s’est donc intéressé aux différents lieux, dans l’Hexagone, mais également au-delà, sur lesquels se rassemblent les adeptes du nudisme. Au passage on s’interrogera sur la différence entre le naturisme et le nudisme, un débat qui n’a pas été abordé lors de cette intervention.
Une carte a été proposée, celle de Provincetown, dans le Massachusetts qui montre la répartition dans l’espace des différentes pratiques. Si la proximité des parkings favorise le tourisme familial, cette plage est séparée des autres par une sorte de no man’s land avant que ne commence un phénomène rarement observé ailleurs, celui d’une plage exclusivement de femmes, par ailleurs habillées. La problématique d’un tourisme lesbien semble expliquer ce phénomène. À proximité de cet espace, le géographe a présenté un espace textile avec des hommes, à proximité d’une plage masculine nudiste, et très largement sexualisée.
Emmanuel Jaurand a présenté ses axes de recherche, largement basés sur des questionnaires, avec un échantillonnage plutôt large. Dans les difficultés qu’il a pu rencontrer, la question du rapport au corps nu, avec l’évocation du voyeurisme, a pu se poser. Il a pourtant pu mener une recherche assez complète, même si la question du rapport au territoire n’a pas été suffisamment abordée.
Ce thème a quand même pu être esquissé à propos de la temporalité dans l’extension des espaces naturistes en fonction des saisons. En pleine saison estivale le front du textile progresse, tandis qu’en basse saison, voir même en période hivernale, dès lors qu’il y a du soleil, des nudistes peuvent occuper certaines plages.
Le rapport à l’autorité a pu également être abordé, avec des espaces naturistes non officiels, qui ont pu exister, du moins jusqu’en 2005, sur la Riviera turque, ainsi qu’au Maroc.
Le professeur de géographie a également abordé la question du statut de l’enquêteur, fallait-il ou non, qu’ils se fonde dans le paysage, en d’autres termes qu’il reste habillé ou non.
Au terme de cette conférence de 45 minutes, un certain nombre de questions ont pu être posées et à mon sens attendent encore une réponse. En quoi l’installation d’un camp naturiste, avec comme exemple celui du Cap d’Agde, a-t-il pu transformer les territoires environnants, du point de vue du foncier notamment ?
Comment les « locaux » perçoivent-ils l’existence de cet espace naturiste, qui au Cap d’Agde comme ailleurs s’affirme comme largement sexualisé ?
Comment s’opère, lorsque les espaces naturistes sont enclavés, dans un univers textile, la transition ?
On touche peut-être ici les limites d’une géographie essentiellement descriptive, que l’on aurait aimé voir converger avec d’autres sciences sociales, l’histoire tout d’abord, ce qui aurait pu permettre d’évoquer la forte représentation allemande dans l’occupation de ces littoraux. La sociologie également aurait pu être convoquée, ce qui aurait pu également être intéressant, du point de vue de la montée des prix de l’immobilier, dans certains secteurs. Existe-t-il un naturisme populaire ?
Au-delà de la localisation des espaces naturistes, il convient sans doute de poursuivre, au-delà d’un travail d’enquête, une réflexion sur le corps nu, et sur ce phénomène qui est déjà ancien, dont il est difficile de savoir s’il se développe, s’il s’étend, bref si les adeptes de ce mode de vie sont en augmentation ou non ?