À l’occasion du 83e anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé que Missak Manouchian, membre de l’une des organisations armées les plus actives de la Résistance, entrera au Panthéon, accompagné de son épouse Mélinée, elle aussi résistante.
Depuis près de quatre-vingts ans, le nom de Missak Manouchian revient à intervalles irréguliers au premier plan de l’actualité politique et culturelle avant de retomber pour quelque temps dans un semi-oubli. De la fameuse « Affiche rouge » placardée par les Allemands sur les murs de Paris en février 1944 au film de Robert Guédiguian L’Armée du crime (2009) ou au roman Missak de Didier Daeninckx (2009), en passant par le poème de Louis Aragon (1956) chanté par Léo Ferré (1959), ou encore le film de Mosco Levi Boucault Des « terroristes » à la retraite en 1986, l’histoire de Missak Manouchian suscite récits hagiographiques ou polémiques.
Révélateur des enjeux de la mémoire liés à la Résistance en général, à la résistance communiste en particulier et à la place des étrangers dans celles-ci, Manouchian et son « groupe », expression forgée a posteriori, en dépit ou grâce à ces productions, ont acquis une image et une place de héros. La décision du président Emmanuel Macron de répondre positivement à la demande du comité « Manouchian au Panthéon », accompagnée de son épouse Mélinée, a cependant été acceptée dans un large consensus. C’est l’occasion de faire le point sur la question.
Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon le 21 février 2024 à 18h30
À l’automne 2021, un groupe de personnalités constituèrent un comité autour de Nicolas Daragon, maire de Valence, ville où sont installés beaucoup de Français d’origine arménienne et Jean-Pierre Sakoun, président de l’association Unité laïque[i]. Ils rédigèrent et publièrent un appel dont les signataires étaient : Nicolas Daragon, maire de Valence, Katia Guiragossian, petite-nièce de Missak et de Mélinée Manouchian, Nathalie Heinich, sociologue, Guy Konopnicki, journaliste et écrivain, Alain Minc, conseiller politique, essayiste et dirigeant d’entreprise, Pascal Ory, historien, membre de l’Académie française, Pierre Ouzoulias, sénateur, Denis Peschanski, historien, directeur de recherches au CNRS, Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien, membre de l’Académie des Beaux-Arts, Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque et Claudine Tiercelin, professeure au Collège de France.
Appel du Comité Manouchian au Panthéon
« Missak Manouchian est mort pour la France, fusillé à 37 ans le 21 février 1944 au mont Valérien. Il représente non seulement ses compagnons de l’ « Affiche rouge », mais aussi ces étrangers qui firent la France et dont la France fit des citoyens, le vaste peuple des ouvriers, typographes, cheminots, employés, intellectuels et poètes, hommes et femmes d’héroïsme et de devoir. Tous illustrent l’idéal d’une République où comptent avant tout l’amour de la patrie et l’adhésion aux principes universalistes qui la régissent.
Avec Joséphine Baker[ii], ils seront l’emblème de tous les êtres humains qui aujourd’hui encore, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine, chantent la Marseillaise lorsqu’ils veulent faire entendre leur cri de liberté. En 2014 encore, les insurgés du Maïdan[iii] à Kiev chantaient la Marseillaise comme avant eux tous les peuples qui se sont soulevés contre l’arbitraire et la misère depuis 1792.
Missak Manouchian est un Arménien, enfant rescapé du génocide ottoman de 1915, immigré en France en 1925, artisan, puis ouvrier devenu poète et résistant. Militant communiste, internationaliste et antifasciste, il s’engage dès avant la guerre dans la lutte contre le nazisme. Entré dans la Résistance, il devient le chef militaire des Francs-tireurs et partisans français – main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne que les Allemands voudront frapper d’infamie, en les réunissant sur cette Affiche rouge qui les rendra immortels. C’est «en soldat régulier de l’Armée française de la Libération» qu’il meurt avec ses camarades «étrangers et nos frères pourtant».
Émancipé grâce à la République française, aux rivages de laquelle il aborda avec espoir et qui lui donna la liberté, l’égalité et la fraternité, Missak Manouchian sut se battre pour elle jusqu’au sacrifice. Il ne demanda «ni la gloire, ni les larmes, ni l’orgue, ni la prière aux agonisants[iv]». Il illustre le dévouement de ces Français par le sang versé, nourris des Lumières et de la mémoire de la grande Révolution, reconnaissants envers ce pays qui fut la terre d’accueil et le phare de tant de persécutés.
Venu en France, son «pays de préférence[v]», il fait partie de ces Arméniens industrieux qui ont épousé la République et le peuple français, auxquels ils appartiennent désormais. Il disait quelques jours avant sa mort : «Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée.» À sa femme tant aimée Mélinée, le jour de son exécution, il écrivait dans une lettre immortalisée par Louis Aragon et Léo Ferré : « Je suis sûr que le peuple Français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.»
Nous sommes dans un moment de l’histoire où vont progressivement s’épuiser, faute de combattants, les hommages nationaux aux héros de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée de Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, dans la crypte du mont Valérien[vi] et celle de Joséphine Baker au Panthéon sont les symboles de la disparition de ces héros. Il ne faut pas que soit oublié l’un des résistants les plus emblématiques et les plus unanimement respectés, qui symbolise l’engagement des Français de cœur dans le combat contre le nazisme et pour la République. Missak Manouchian est l’une des silhouettes les plus admirables du long « cortège d’ombres » célébré par André Malraux[vii]. Oui, la place de Missak, Français de cœur, Français par le sang versé, est au Panthéon. »
Cosignataire de la tribune initiale, Denis Peschanski, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance, et plus particulièrement encore, des étrangers dans la Résistance, a rejoint le comité exécutif en tant que conseiller historique. Il en est devenu le président du conseil scientifique, le 2 octobre 2023[viii]. Le 18 juin 2023, Emmanuel Macron avait annoncé officiellement que Missak Manouchian entrerait au Panthéon le 21 février 2024, soit exactement 80 ans après son exécution au Mont Valérien, et qu’il serait accompagné de Mélinée qui fut de ses combats dans la Résistance et forma avec lui un couple fusionnel. Mélinée fut une authentique résistante, comme le furent des milliers d’autres femmes Elle ne participa pas à la lutte armée et ce ne sont pas ses actions ou ses responsabilités particulières qui lui valent d’entrer au Panthéon[ix]. Elle accompagne celui qui fut son compagnon et son mari. Missak Manouchian sera le premier résistant étranger et le premier résistant communiste à entrer au Panthéon.
Le premier résistant étranger à entrer au Panthéon
Denis Peschanski souligne l’importance de la place des étrangers dans la Résistance française[x] :
« Depuis plusieurs décennies, la question du rôle et de la place des étrangers a été travaillée par les historiens. L’accord est général aujourd’hui pour dire que les étrangers sont surreprésentés dans la Résistance française, en se gardant cependant d’une légende rose : même parmi les étrangers, les résistants ne représentaient qu’une minorité. Sans qu’on puisse établir un chiffrage général, on sait, par exemple, que les Espagnols furent près de 4 000 en juin 1944 dans les unités du XIVe corps de guérilleros couvrant les départements de la zone sud et qu’ils contribuèrent à la libération de nombreuses villes du sud-ouest ; que d’autres Espagnols, qui avaient également été défaits par les troupes de Franco, ont rejoint la France libre, dont une compagnie, la Nueve, sera au premier rang des libérateurs de Paris, les premiers chars entrant dans la capitale en août 1944 portant les noms de villes espagnoles. On sait également que des Polonais liés au gouvernement polonais en exil ont formé d’emblée un parti, le POWN[xi], dont les membres, souvent anticommunistes aussi, ont aidé à la structuration du réseau de renseignement F2 qui eut un rôle très important dans l’aide au débarquement allié en Normandie. Les exemples sont multiples, mais quand on pense à Manouchian on pense, bien entendu, à la guérilla urbaine menée par les Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre immigrée à Paris. On trouve des groupes similaires à Toulouse, Lyon, Grenoble, Saint-Etienne ou Marseille. On parle ici de lutte armée, mais la propagande occupa beaucoup du travail résistant, qu’il s’agisse de communistes comme la branche politique de la MOI ou de non communistes comme le réseau du musée de l’Homme, l’un des tout premiers mouvements de résistants constitués après la défaite par Boris Vildé, Anatole Lewitsky qui, tous deux avaient fui la révolution bolchevique, et Yvonne Odon, bibliothécaire du musée de l’Homme ».
Le premier résistant communiste à entrer au Panthéon
La Résistance française a fait son entrée glorieuse au Panthéon quand les cendres de Jean Moulin y ont été reçues à l’occasion d’une grandiose cérémonie répartie sur deux journées, les 18 et 19 décembre 1964. Panthéonisation restée célèbre par le discours inspiré d’André Malraux, « Entre ici Jean Moulin… » Avec Jean Moulin, c’était toute la Résistance intérieure qui était reconnue, lui qui l’avait unifiée en créant le Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943, mais c’était peut-être d’abord la Résistance gaulliste, Jean Moulin étant l’envoyé en mission du général de Gaulle, et c’était aussi la Résistance extérieure, car Jean Moulin était membre du Comité national français et donc situé à l’interface des résistances extérieure et intérieure.
La Résistance extérieure était déjà présente au Panthéon où reposaient deux compagnons de la Libération : Félix Eboué (entré au Panthéon en 1949) et René Cassin (en 1987). La Résistance intérieure fit une entrée remarquée et commentée au Panthéon en 2015, quand le président de la République François Hollande proposa qu’on y admette Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay et Pierre Brossolette. Puis ce fut Joséphine Baker, sur proposition du président Emmanuel Macron qui fut panthéonisée en 2021. D’aucun s’émurent alors qu’aucun résistant communiste n’y fut admis en tant que tel, ce qui était peu justifiable au regard de la place des communistes dans la Résistance, quand bien même n’y seraient-ils entrés pleinement qu’en juin 1941.
Le choix de Missak et Mélinée Manouchian permet donc d’écrire ces deux pages restées blanches du roman national. Ce choix est en phase avec l’historiographie récente de la Résistance qui a montré la place importante des femmes et des étrangers dans la Résistance, celle des communistes n’étant plus à démontrer.
Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens, immigrés en France au milieu des années 1920
Missak Manouchian
Il est né le 1er septembre 1906 dans ce qui était alors l’Empire ottoman, dans une famille paysanne arménienne, dans le village turc d’Adyaman. Missak Manouchian passe son enfance dans le souvenir du massacre de 200.000 Arméniens entre 1894 et 1896. En 1915, ses parents font partie du million et demi d’Arméniens qui disparaissent dans le génocide perpétré par les autorités de l’Empire ottoman[xii], son père mourant assassiné et sa mère de maladie dans une situation de famine. Recueilli avec son frère Garabed dans un orphelinat[xiii] à Djounich actuel Liban, dans une région placée alors sous protectorat français, il y subit l’influence de la culture française et développe un attachement profond pour ce pays qui lui apparaît comme protecteur et bienfaiteur. La France incarne pour lui la terre des droits de l’homme, de la liberté, d’une culture humaniste (« le pays de la révolution, de la liberté, de la culture », dit-il dans un poème écrit à bord du bateau). Il a appris la menuiserie. En 1925, il débarque à Marseille et travaille quelque temps aux chantiers navals de La Seyne, puis il monte tenter sa chance à Paris. Il vit au jour le jour, tout en fréquentant les universités ouvrières fondées par la CGT. Embauché comme ouvrier tourneur aux usines Citroën du quai de Javel à Paris, il est licencié en 1929. Deux ans plus tôt, il a eu la douleur de perdre son frère, mort de la tuberculose, ce qui accentue son isolement. Il demande une première fois la nationalité française en 1933. Elle lui est refusée.
Mélinée Soukémian
Elle est née en 1913, dans une famille de fonctionnaires de l’Empire ottoman, son père occupait les fonctions de directeur dans l’administration des Postes. Orpheline très jeune, ses parents étant victimes du génocide arménien, elle est recueillie avec sa sœur aînée, Armène, par une mission protestante de Smyrne, en Grèce. Au terme de la guerre gréco-turque, elle est déportée en 1922 vers Thessalonique. Accueillie comme réfugiée par le royaume de Grèce, qui est alors sous protectorat anglo-français, elle est placée dans un orphelinat de Corinthe, où les conditions de vie sont difficiles. À la fin de l’année 1926, elle fait partie, avec sa sœur, des enfants qui sont envoyés par le Comité américain du Secours arménien et syrien poursuivre leur scolarité en France. Elle a treize ans quand elle débarque à Marseille, sous le nom de Mélinée Assadourian, à la suite d’une erreur d’enregistrement à Athènes. Mélinée et sa sœur sont accueillies avec 200 autres orphelines dans une école tenue par « les dames de Tebrotzassère » qui les initient à la langue et à la culture arménienne, à Marseille d’abord, puis au Raincy où Mélinée obtient son certificat d’étude en 1929. Elle suit ensuite une formation de secrétaire comptable et de sténo-dactylo. Diplômée, elle s’installe à Paris où elle fait la connaissance de ses voisins, la famille Aznavourian[xiv]. Majeure en 1933, elle relève de l’Office de réfugiés arméniens.
La rencontre de deux militants de la cause communiste et arménienne
La forte communauté arménienne de France connaît une vie culturelle et associative intense, et Missak Manouchian y joue un rôle notable. Il est en effet poète[xv], et il fonde et dirige deux revues littéraires, Tchank[1] (« Effort ») et Mechogouyt (« Culture »). Il suit alors des cours à la Sorbonne et dans des universités ouvrières, fréquente assidûment la bibliothèque Sainte-Geneviève et se captive pour la lecture du Jean-Christophe de Romain Rolland.
Mais les années 1930 sont d’abord pour Missak, comme pour Mélinée, celles de la formation politique. Raphaëlle Belon et Fabrice Grenard[xvi] écrivent : « Cet engagement est à comprendre dans un contexte marqué par la monté des fascismes et des tensions internationales, et de leur histoire personnelle qui les a conduits (selon Mélinée) à ne pas rester les bras croisés face aux crises, dans une société qui pouvait laisser des horreurs comme celles du génocide arménien se produire ». L’émeute antiparlementaire du 6 février 1934, alors interprétée par la Gauche comme une tentative de coup d’Etat fasciste, et les contre manifestations de gauche, décident Missak à s’engager au sein du Parti communiste où milite aussi Mélinée. « Les deux apatrides rescapés du génocide ont sans doute été séduits par la ligne antifasciste et la défense de la solidarité internationale du Parti communiste, mais aussi par la volonté de lutter contre un système social injuste. Son discours en faveur des travailleurs séduit les deux jeunes gens marqués par l’expérience de l’injustice et de la pauvreté[xvii] ».
Le Parti communiste a pour stratégie l’intégration des travailleurs étrangers. En 1925, il crée la Main-d’œuvre étrangère (MOE), qui devient en 1932 la Main-d’œuvre immigrée (MOI). « L’idée est d’encadrer ces immigrés et de fournir ainsi un vecteur d’intégration tout en s’assurant que ces nouveaux arrivants ne tirent pas les salaires vers le bas. Ils arrivent par centaines de milliers. Les réfugiés existent bien, ainsi des Italiens qui fuient le fascisme ou les Arméniens rescapés du génocide, mais c’est une petite minorité. Dans les années 1930, à l’inverse, la crise économique se traduit par une politique de fermeture, et même de renvois massifs. Les entrées de nouveaux migrants s’effondrent. Les étrangers qui entrent sont le plus souvent des réfugiés qui, par dizaines de milliers, ont fui les persécutions antisémites et la répression politique. Cela prendra une autre ampleur encore avec la défaite de la République espagnole et l’arrivée massive d’Espagnols et de volontaires des Brigades internationales[xviii]. »
La MOI est organisée en groupes de langue. Missak Manouchian déploie alors une grande activité politique : il est membre du comité d’aide aux républicains espagnols[xix] et membre du groupe arménien, il est rédacteur en chef du journal Zangou (du nom d’un fleuve de la région d’Erevan), publié sous l’autorité du HOC (Hayastani Oknoutsian Komité ou comité de secours à l’Arménie, créé en 1921 à Erevan et dirigé par le docteur Kaldjian). Participant au mouvement Amsterdam-Pleyel contre la guerre, il approche Henri Barbusse et Romain Rolland. En tant que membre de l’Association des écrivains communistes, Manouchian correspond en outre avec les poètes arméniens Avédik Issahakian et Archag Tchobanian. Mélinée milite dans les mêmes organisations. A la fin de 1937, les purges staliniennes provoquent la dissolution du HOC, à Paris comme à Erevan. Les Manouchian fondent alors l’Union populaire franco-arménienne.
« Ainsi se révèlent l’engagement internationaliste et le sentiment national de deux jeunes gens toujours apatrides, qui voient sans doute dans cette entreprise le moyen de vivre leur engagement communiste tout en participant à l’émergence d’un Etat où les Arméniens pourraient vivre en sécurité. Le HOC a en effet pour mission de mobiliser les communautés arméniennes de la diaspora pour soutenir la République d’Arménie, créée en 1925[xx]. » Missak et Mélinée se rencontrent pour la première fois en décembre 1934, et leur véritable liaison débute l’année suivante. Ils sont alors tous deux membres du Conseil central du HOC. Le rédacteur en chef de Zangou et la secrétaire partagent le même bureau. Ils ne sont évidemment pas seulement des militants, ils sont jeunes, ils s’aiment, ils ont des amis, ils vont au cinéma et à l’opéra. Missak fréquente le groupe des jeunes poètes arméniens. Ils se marient le 22 février 1936, munis du « certificat de coutume en vue du mariage » exigé des apatrides.
Un couple à l’épreuve de la guerre et de l’Occupation[xxi] (1939-1942)
Avec la guerre qui commence en septembre 1939, s’ouvre pour le couple le temps des épreuves. Missak Manouchian, apatride et communiste, est désormais menacé à cause de ses sympathies pour l’URSS, laquelle est considérée comme une nation ennemie depuis qu’elle a signé, une semaine plus tôt, le pacte germano-soviétique, et de son appartenance au Parti communiste qui défend la ligne imposée par l’Internationale communiste, considérant la guerre comme un conflit impérialiste. Le 26 septembre 1939, un décret gouvernemental interdit tout organisme affilié au Parti communiste, accusé de trahison, dont l’Union populaire franco-arménienne. Mais, dès le 2 septembre, des policiers français ont perquisitionné au siège de l’Union populaire franco-arménienne et arrêté Missak Manouchian. Mélinée est alors absente de Paris. A son retour, elle parvient à s’introduire dans les locaux de l’Union populaire franco-arménienne et récupère des listes de noms de militants avant que la police ne s’en empare[xxii]. Séparée de Missak, interné à la Santé, elle s’installe chez sa sœur, et raconte dans ses mémoires, qu’elle n’eut pas droit au masque à gaz, distribué aux seuls Français, dans le cadre des mesures de défense passive.
Pour échapper à sa prison, Missak Manouchian signe un acte d’engagement volontaire, un décret autorisant l’incorporation des apatrides pour la défense du pays. Le 7 octobre, il est à son domicile pour faire ses adieux à Mélinée avant de partir pour la base militaire de Colpo, dans le Morbihan, où, adepte régulier de la culture physique, il est chargé de l’entraînement physique des recrues. Il porte donc l’uniforme français et s’apprête à défendre le pays qu’il a choisi et qui l’a accueilli. Il dépose, au début de 1940, une seconde demande de naturalisation, qui sera elle aussi refusée. Par trois fois durant la « drôle de guerre », Missak revient à Paris en permission, et le couple peut vivre quelques jours heureux.
Son unité étant éloignée des zones de combat, Manouchian échappe à la captivité. A Paris, Mélinée assiste avec peine à l’entrée des Allemands dans la ville. Le régime de Vichy prend très vite des mesures xénophobes dans le cadre de sa politique de Révolution nationale. Il cherche à contrôler les étrangers, qui sont enrôlés dans des commandos de travail. Démobilisé, Manouchian est intégré dans une compagnie de travailleurs étrangers, à l’usine Gnôme et Rhône d’Arnage, dans la Sarthe. Mélinée est toujours à Paris où elle participe aux activités du Parti communiste qui se reconstitue dans la clandestinité, en effectuant des distributions de tracts. Ces tracts n’appellent pas alors à la Résistance. Si l’on considère que le pacte germano-soviétique n’a pas suscité de contestation apparente de leur part, on peut admettre qu’ils sont tous deux dans la ligne du Parti.
Enceinte, Mélinée choisit d’avorter, après en avoir parlé à Missak. L’épreuve est pénible et douloureuse à bien des égards. Missak quitte son usine et rejoint clandestinement Paris en janvier 1941. Il est désormais dans l’illégalité. Le couple s’installe dans un nouvel appartement, et Mélinée trouve un petit emploi de comptabilité qui subvient aux besoins du ménage.
Arrêté le 26 juin 1941 lors d’une grande rafle ordonnée par les Allemands, Missak Manouchian est interné au camp de Royallieu près de Compiègne. Désormais, le Parti communiste entre vraiment dans la Résistance et la répression allemande à son égard s’intensifie. Néanmoins, Missak est libéré en septembre 1941, faute de charges suffisantes, et après qu’il ait déclaré avoir rompu avec le Parti communiste depuis son interdiction. Durant son internement, Mélinée s’est rendue à bicyclette à Compiègne en compagnie de Micha Aznavourian, et a eu l’audace de pénétrer dans le camp pour faire remettre une valise d’effets personnels à son mari ! Le couple s’installe au 11, rue de Plaisance dans le 14e arrondissement et, pendant quelque temps, se sachant surveillé, Missak ne semble pas reprendre une activité militante, ni occuper une fonction au sein de l’appareil clandestin.
C’est vers la fin de 1941 qu’il renoue pleinement avec le Parti et s’engage totalement dans la voie du militantisme clandestin. Le Parti communiste a adopté la tactique de la lutte armée dès l’été 1941, lançant les « Brigades de la jeunesse » dans une série d’attentats contre des militaires allemandes qui déclencha des exécutions d’otages, et que les responsables du Parti n’eurent pas le courage d’assumer. Missak Manouchian ne participe pas encore à cette lutte armée : clandestin, sous le pseudonyme de « Georges », avec la fonction de responsable politique de la section arménienne de la MOI, il mène des actions politiques et de propagande. C’est en février 1943 que s’opère le tournant essentiel dans l’activité résistante de Missak Manouchian : il quitte la MOI pour intégrer les FTP-MOI de la région parisienne. Il passe donc à la lutte armée, les risques sont désormais immenses, pour lui et pour Mélinée. Ils en sont évidemment conscients.
Missak Manouchian, combattant des FTP-MOI
En avril 1942 sont créés les Francs-Tireurs et Partisans Français dont font partie les FTP-MOI qui ont donc une double tutelle, la MOI d’une part, qui a reçu l’ordre d’affecter au moins 10% des effectifs aux FTP-MOI, les FTPF d’autre part. C’est Boris Holban qui crée et dirige les FTP-MOI à Paris. Les FTP-MOI ne sont composés au début de 1943 que de quelques dizaines de combattants regroupés en quatre détachements, auxquels s’ajoute une « équipe spéciale » qui se charge des actions les plus spectaculaires. On compte parmi eux des Italiens, des Roumains, des Tchécoslovaques, des Arméniens, des Polonais, des Bulgares et des Hongrois. La plupart d’entre eux sont juifs. A l’époque, Manouchian, par exemple, était étranger, arménien, communiste, internationaliste[xxiii] et profondément attaché à la France de la Révolution française. Son supérieur hiérarchique, Joseph Epstein, est polonais, juif, étranger, communiste et tout autant attaché à la France des Lumières.
Ils mènent des actions de guérilla urbaine, sabotages et attentats contre l’occupant. Missak Manouchian est affecté au premier détachement comme simple combattant, pourvu par la suite du matricule 10300. Premier Arménien versé dans les FTP-MOI parisiens, il participe pour la première fois à une action armée à Levallois-Perret, le 17 mars 1943 à 8 heures, jetant une grenade sur un détachement allemand, qui circulait rue Rivay[xxiv].
Alors que la répression s’intensifie de la part des Brigades spéciales de la police de Vichy et des unités de la police allemande, des débats ont lieu en interne sur la stratégie à adopter par les FTP-MOI. Deux lignes s’opposent : Boris Holban, et dans un premier temps Missak Manouchian, souhaitent restreindre les opérations au moins temporairement et replier les groupes vers la province afin d’éviter leur démantèlement : « Il estimait que les camarades arméniens seraient mieux protégés et plus utiles à Marseille et à Grenoble où vivaient d’importantes colonies d’Arméniens » affirme Adam Raiski dans ses mémoires. Mais la direction des FTP, avec Joseph Epstein, chef des FTP de la Région parisienne défend une autre stratégie : multiplier les actions afin que les communistes puissent imposer un rapport de force au sein de la Résistance intérieure française, même si cela devait passer par le sacrifice de nombreux combattants.
Au début de l’été 1943, les militants de la MOI sont frappés par une vague d’arrestations : 71 militants sont arrêtés, dont plusieurs étaient membres des FTP-MOI. Une réorganisation a lieu, et Missak Manouchian intègre le triangle de direction[xxv] en tant que commissaire technique en remplacement du tchèque Alik Neuer, arrêté. En août, il accède au poste de chef militaire de l’organisation. Il remplace Boris Holban, démis de ces fonctions du fait de ses désaccords avec la direction au sujet de la stratégie à suivre, et exfiltré en province. Cette nomination est la preuve que Missak Manouchian se situe dans la ligne fixée par la direction des FTP, et donc du PCF. Comme nous l’avions constaté à propos du pacte germano-soviétique et de la ligne de la guerre impérialiste fixée par Staline et l’Internationale en 1940, il obéit avec discipline à la ligne du Parti. Il accepte donc la stratégie adoptée par Joseph Epstein (colonel Gilles), chef des FTP de région parisienne, d’intensifier le combat en engageant davantage d’unités dans chaque action, soit de 15 à 20 hommes. Selon le témoignage d’Albert Ouzoulias, responsable national aux opérations des FTPF, « devant cette idée neuve, au début, des chefs de détachements, et même Manouchian et ses camarades de la MOI, attachés au « groupe de trois », levèrent les bras au ciel. Le comité militaire de la région parisienne lui-même était un peu effrayé par ces conceptions nouvelles de son commissaire aux opérations[xxvi] ».
En août 1943, les FTP-MOI comptent 65 combattants. Entre juillet 1942 et novembre 1943, les FTP-MOI auraient réalisé 229 actions, abattant une quarantaine d’Allemands. Sous la direction de Manouchian, une soixantaine d’actions sont menées entre août et novembre 1943. Même si c’est assez peu dans l’absolu, c’est insupportable pour l’occupant. La plus retentissante est l’exécution, le 28 septembre 1943, par un commando composé de Marcel Rayman, Léo Kneller et Célestino Alfonso, du général Julius Ritter, chargé de superviser en France la mise en œuvre du Service du travail obligatoire.
Dans un premier temps, pour des raisons de sécurité, Missak laisse Mélinée dans l’ignorance de son activité combattante. Mais, parce qu’elle est une militante du Parti, l’appareil lui demande de seconder son mari, sans participer aux actions armées. Elle devient secrétaire de la direction des FTP-MOI, rédige et dactylographie des rapports en français et en arménien ; elle assure aussi les fonctions d’agent de liaison de Missak : « Comme pour d’autres couples de résistants l’engagement de Missak et Mélinée se fait ainsi de façon genrée : le combat et la lutte armée sont les domaines de l’homme alors que son épouse s’occupe, comme beaucoup d’autres résistantes de tâches considérées à l’époque comme plus « féminines » (secrétariat, dactylographie, liaisons[xxvii]) ».
Le couple se protège en limitant le plus possible ses contacts en dehors des nécessités de l’action. Ils ne reçoivent plus d’amis, ne partagent plus aucun loisir. Mélinée est de plus en plus anxieuse. Ils se savent en sursis depuis que les Brigades spéciales de la police de Vichy ont renforcé leur traque des FTP-MOI. Effectivement, les archives de la Préfecture de police nous apprennent que, moins de deux mois après sa nomination à la direction des FTP-MOI, Missak Manouchian est repéré par la police.
La traque et l’arrestation de Missak Manouchian
L’efficacité des brigades spéciales
Les polices de la IIIe République ont toujours surveillé et combattu le Parti communiste. La lutte s’intensifia après le décret-loi Daladier du 26 septembre 1939 qui interdit le PCF. Une « brigade spéciale anticommuniste » fut créée au sein de la Direction des Renseignements généraux en mars 1940. Elle pouvait s’appuyer sur l’énorme documentation accumulée par la 1re section des RG : ses 135 inspecteurs et gradés qui surveillaient le PCF depuis sa naissance, connaissaient l’organigramme du Parti, avaient fiché les responsables, travaillaient avec les commissariats de quartier qui recevaient les délations et possédaient leurs propres fichiers. La répression s’intensifia sous le gouvernement de Vichy, personnifiée par l’arrivée de Lucien Rottée à la direction des RG, le 1er mai 1942. « Orgueilleux, cassant, très autoritaire (…) Rottée vouait aux communistes une aversion totale[xxviii] ». Il renforça la brigade spéciale anticommuniste à la tête de laquelle il nomma le commissaire David, resserra sa collaboration avec les services allemands, puis créa une seconde « brigade spéciale » qualifiée d’« antiterroriste » (la BS2) confiée au commissaire Hénoque, son neveu, secondé par l’inspecteur Gaston Barrachin[xxix]. Les effectifs des deux Brigades spéciales atteignent 200 hommes. Ils sont assez jeunes ; ils ont connu une promotion rapide et disposent de nombreux privilèges professionnels, pécuniaires et matériels. Ils sont viscéralement anticommunistes, travaillent beaucoup et utilisent des techniques efficaces et bien rôdées : filatures de plusieurs semaines avec de nombreux relais et sous les déguisements les plus divers, longues réunions de travail qui permettent de croiser les enquêtes, d’accumuler les renseignements et de donner l’impression à la personne interrogée qu’ils savent déjà tout, utilisation d’informateurs, fouilles domiciliaires très complètes etc. Déjà choqués et déstabilisés par les détails que leur assénaient les policiers, les résistants arrêtés étaient tétanisés par la perspective d’être torturés. Les interrogatoires sont effectivement violents : gifles, coups de poings, coups de pieds, tabassage au nerf de bœuf etc. Plusieurs hommes sont morts sous les tortures. La consigne du Parti était de se taire et le fait d’avoir parlé -même après plusieurs jours de torture- était considéré comme une trahison. Cependant « en réalité, tous, ou presque, finissent par parler ».
La traque de Missak Manouchian
Le 24 septembre 1943, entre 9 heures et 10 heures, en suivant Joseph Boczov, les policiers de la 2e Brigade spéciale repèrent Missak Manouchian, sans connaître son activité de chef militaire des FTP-MOI[xxx]. A la sortie de la gare de Bourg-la-Reine, les deux hommes se sont fixés rendez-vous. Le rapport, reproduit comme toute une série d’autres dans l’ouvrage Le sang de l’étranger[xxxi], précise : « A pied, en passant par Montrouge, ils arrivent à la porte d’Orléans, ils échangent des papiers puis se séparent. Manoukian fait quelques emplettes dans le quartier, et à 12 heures 30 pénètre rue de Plaisance n°11. Il ne ressort pas de la soirée ». Quatre jours plus tard, en suivant Manouchian lors de son rendez-vous, chaque mardi, avec Joseph Epstein, les policiers repèrent le chef des FTP de la région parisienne : « Le 28 septembre 1943. Manouchian sort de son domicile à 10 heures 30 et prend le métro à Alésia pour descendre à la gare du Nord ; son train étant vraisemblablement parti, il déjeune à la terrasse d’un café voisin de la gare ; à 12 heures 05, il prend le train et descend à 13 heures 10 à la gare de Mériel dans l’Oise. A la sortie de la gare, il rencontre un homme qui n’est autre que le nommé Estain Joseph, né le 16 octobre 1910 au Bouscat. Ils circulent ensemble, et, sur la route de L’Isle-Adam, ils pénètrent dans le café-restaurant Majestic, sis à cet endroit. Ils s’enfoncent dans les bois sous une pluie battante ; nous sommes, pour ne pas éveiller leur méfiance, obligés de cesser la surveillance ». Renseignés à la faveur de la trahison de Joseph Dawidowicz, arrêté depuis le 26 octobre, les policiers resserrent leur filature. Le 5 novembre 1943, Manouchian est aperçu en compagnie d’Alfonso. Cinq jours plus tard, leur rapport décrit une nouvelle rencontre de Manouchian avec Joseph Epstein : « Manouchian sort de chez lui à 7 heures 15, prend le métro à Pernety et descend à la Gare-de-Lyon. Il prend le train à 8 heures 02 et descend à Brunoy à 8 heures 45. A la sortie de la gare, il retrouve Estain ; ils se rendent à Epinay-sous-Sénart, puis font demi-tour et se rendent dans un café situé devant la gare de Brunoy où ils demeurent 50 minutes. Ils se séparent à 11 heures 30, Manouchian prend le train en direction de Paris. […]«
Missak Manouchian semble dès lors habité par un funeste pressentiment, ainsi que le confie Cristina Boïco : « C’était en novembre, quelques jours avant son arrestation. Ce fut ma dernière rencontre avec lui. Près d’une gare. Je ne sais plus laquelle. Mais nous marchions dans des rues longues, où il y avait trop de monde. Je n’aimais pas ça. Lui-même avait le sentiment qu’il était encerclé, qu’il allait tomber. Je lui ai offert une planque, au cas où. Par mes contacts à la Sorbonne, je touchais un secteur qui n’avait rien à voir avec la MOI. Il a refusé, me disant qu’il n’avait pas de problème pour son logement. Je l’ai quitté très inquiète, en raison de sa propre inquiétude ». Le 15 novembre, Missak Manouchian, dans un café parisien, aurait rencontré une dernière fois son épouse qui raconte dans ses mémoires : « Lorsque je suis arrivée, Manouche était déjà là. Nous sommes entrés dans le café et nous avons pris un verre au comptoir. De temps à autre, Manouche sortait et regardait dans la rue. Quelques instants plus tard, sont arrivés Henri Karayan, que je connaissais très bien, puis Olga Bancic que j’avais rencontrée deux fois et dont, comme je l’ai déjà dit, je ne connaissais que le nom de résistance : Pierrette. Tous trois se sont alors parlé tout bas, à l’oreille, puis Pierrette m’a remis un paquet de la grandeur d’une boîte de chaussures ; je l’ai glissé dans un sac que Manouche m’avait demandé d’apporter. Nous avons alors formé deux couples, Henri et moi d’un côté, Pierrette et Manouche de l’autre. C’était de leur côté que des choses importantes se disaient. Nous, nous avons parlé de tout et de rien, en attendant de nous séparer ».
Le lendemain, mardi 16 novembre 1943, Missak Manouchian est suivi par le commissaire Gaston Barrachin et par quatre de ses inspecteurs, depuis son domicile jusqu’au train qu’il prend à la gare de Lyon en direction de Evry-Petit-Bourg (aujourd’hui, Evry). C’est là que Joseph Epstein lui a fixé un de leurs rendez-vous hebdomadaires. S’apercevant de la filature, les deux hommes n’ont pas le temps de se rejoindre et tentent de s’enfuir le long des berges de la Seine. Il est 10 heures du matin. Tandis que Joseph Epstein est ceinturé, Missak Manouchian est arrêté par deux inspecteurs. Il décide de ne pas se servir, après deux sommations, d’un pistolet 6,35 chargé, dissimulé dans la poche droite de son manteau. La chute de Marcel Rayman, de Olga Bancic et de Joseph Svec, à 13 heures 30 le même jour, clôt une vague de 68 arrestations opérées par les hommes de la 2ème Brigade spéciale. La branche parisienne des FTP-MOI est quasi complètement anéantie.
Arrêté le lendemain et emmené avec sa mère dans les locaux de la Préfecture de police de Paris, Simon Rayman raconte dans ses mémoires : « Le premier jour, personne ne s’adressait la parole. Dès que je suis entré dans cette salle 23, j’ai été frappé par la silhouette d’un homme de taille moyenne qui restait figé, des heures durant, devant la fenêtre couverte pourtant d’un papier bleu et opaque. Il se retournait de temps en temps, quand les policiers ramenaient un détenu après un interrogatoire. J’ai su par la suite que cet homme était Manouchian ».
Le procès et l’exécution des vingt-trois résistants FTP-MOI
Interrogé et torturé par le commissaire David, Missak Manouchian est ensuite remis aux autorités allemandes avec vingt-deux de ses camarades. Un procès à huis clos est organisé par les autorités allemandes du 15 au 18 février 1944, à l’hôtel Continental, en présence de quelques journalistes collaborationnistes. Les vingt-trois inculpés sont tous condamnés à mort par le tribunal du Gross-Paris, le 19 février 1944 et fusillés au Mont-Valérien le 21 février. L’abbé Franz Stock nota dans son journal du lundi 21 février : « Manouchian Missak, qui s’est confessé et a communié ». Il est ensuite inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine avec ses camarades. Golda Bancic, la seule femme du groupe, condamnée à mort, fut déportée et guillotinée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.
L’Affiche rouge
À l’occasion du procès des FTP-MOI de la région parisienne, les Allemands lancent une vaste opération de propagande qui a pour objectif de déstabiliser la Résistance, en jouant les cartes de l’anticommunisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie. Les services de la propagande allemande conçoivent, réalisent et font placarder une grande affiche[xxxii] dont la mise en page témoigne de leur volonté d’assimiler les résistants de la FTP-MOI à des criminels terroristes. L’affiche comprend une phrase d’accroche : « Des libérateurs ? La Libération par l’armée du crime ! » ; les photos, les noms et les actions menées par dix résistants du « groupe Manouchian[xxxiii] », Manouchian lui-même étant ainsi présenté : « Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés[xxxiv] » ; six photos d’attentats ou de destructions, représentant des actions qu’ils sont accusés d’avoir commises. Les deux photos à gauche, en dessous du V qui structure l’affiche représentent deux corps, un torse nu criblé de balles, et un homme abattu, en gabardine, gisant près de son chapeau. Les deux corps sont identifiés comme étant respectivement ceux du commissaire Franck Martineau, abattu le 15 juillet 1943, et du commissaire Georges Gautier, abattu le 12 novembre 1943[xxxv].
L’affiche a été vue à Paris, à Nantes, à Chalon-sur-Saône et à Lyon. Dans le n° 18 de la revue L’Histoire, l’historien Claude Lévy affirme que l’affiche « apparaissait sur les murs des plus petits villages de France », affirmation reprise dans la plaquette de l’exposition Manouchian tenue à Ivry en 2004, et confirmée par Annette Wieviorka dans sa récente publication. Un doute subsiste néanmoins à propos d’une aussi large diffusion, mais le chiffre de 15 000 exemplaires est admis. L’affichage dans Paris fut accompagné par la diffusion d’un tract reproduisant, au recto, une réduction de l’Affiche rouge, au verso, un paragraphe de commentaire fustigeant « l’Armée du crime contre la France ». On pouvait y lire : « Si des Français pillent, volent, sabotent et tuent… Ce sont toujours des étrangers qui les commandent. Ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent. Ce sont toujours des juifs qui les inspirent. C’est l’armée du crime contre la France. Le banditisme n’est pas l’expression du Patriotisme blessé, c’est le complot étranger contre la vie des Français et contre la souveraineté de la France. »
Annette Wieviorka s’attache à comprendre comment furent choisis les dix de l’Affiche rouge parmi les vingt-trois condamnés à mort[xxxvi]. « L’antisémitisme est au cœur du choix. L’étranger, c’est le juif ». Il y a sept juifs sur dix hommes figurant sur l’affiche, alors qu’ils ne sont que douze sur les vingt-trois. Olga Bancic n’y figure pas, parce qu’elle est une femme et qu’elle pourrait susciter la compassion.
Les rapports des Renseignements généraux montrent que cette opération de propagande eut sur l’opinion publique un effet inverse à l’effet recherché : les passants manifestèrent souvent des réactions de sympathie vis-à-vis des résistants dont la photo est reproduite sur l’affiche, et les articles de soutien furent nombreux dans la presse clandestine de la Résistance. Ces articles parurent assez vite : le n° 14 des Lettres françaises la mentionne en mars 1944. Simone de Beauvoir témoigne à ce sujet : « À Paris, les occupants ne collaient plus d’« Avis » aux murs ; cependant ils affichèrent les photographies des « terroristes étrangers » qu’ils condamnèrent à mort le 18 février et dont vingt-deux furent exécutés le 4 mars : malgré la grossièreté des clichés, tous ces visages qu’on proposait à notre haine étaient émouvants et même beaux ; je les regardai longtemps, sous les voûtes du métro, pensant avec tristesse que je les oublierai[xxxvii]. » Néanmoins, les historiens ne disposent pas des sources suffisantes pour connaître le réel impact de l’affiche sur l’opinion publique. « A ce jour, aucune étude n’a été faite sur ce point, et on peut même douter qu’elle soit faisable », écrit Annette Wieviorka[xxxviii].
La dernière lettre à Mélinée
Missak ne revenant pas, Mélinée quitte à midi l’appartement où la table est mise, un peu avant que la Gestapo n’arrive. Elle se cache chez des camarades, puis chez la famille Aznavourian, et une longue attente commence, seule face à l’angoisse. Elle développe un ulcère de l’estomac, se met à fumer mais poursuit néanmoins son activité de propagande clandestine. Pensant la protéger, ses amis lui cachent son exécution Pendant des mois, elle reste dans l’ignorance du sort réservé à son mari, n’ayant pour seules informations que celles de la propagande officielle qui le présente comme un assassin. Elle apprend brutalement son exécution par un visiteur de passage.
Ce n’est que le 28 novembre 1944 que Mélinée reçoit la dernière lettre que lui a écrite Missak, le 21 février. Elle l’a reproduite dans la syntaxe et l’orthographe d’origine, permettant de mieux percevoir une voix.
« Ma petite Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire, tout est confus en moi et bien claire en même temps. Je m’étais engagé dans l’armée de la libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goutter la douceur de la liberté et de la Paix de demain. J’en suis sûre que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit. Chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple Allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous !-… J’ai un regret profond de ne pas t’avoir rendue heureuse. J’aurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et d’avoir un enfant pour mon bonheur et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. […] je meurs en soldat régulier de l’Armée française de la Libération. […] Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendu. […] »
Au cours des décennies qui suivent la Libération, cette dernière phrase a alimenté bien des polémiques sur les responsabilités présumées des dirigeants communistes, d’autant plus que le Parti a longtemps censuré cette phrase en citant la lettre.
Les aléas de la mémoire du « groupe Manouchian »
Mélinée, militante de la mémoire de Missak[xxxix]
« Veuve à 30 ans, Mélinée restera toujours fidèle à son défunt compagnon de vie. Alors que dans sa lettre d’adieu, Missak lui avait demandé d’avoir un enfant et de se marier avec quelqu’un qui puisse la rendre heureuse, Mélinée ne le fera jamais. Elle mènera par ailleurs un inlassable travail pour faire vivre la mémoire de Missak afin que celui-ci ne tombe pas dans l’oubli[xl]. »
Au lendemain de la guerre, Mélinée travaille comme secrétaire de la Jeunesse arménienne de France (JAF), une association fondée pour organiser des échanges culturels et promouvoir la civilisation arménienne auprès des jeunes de la diaspora. Elle obtient en 1946, au titre de ses activités dans la Résistance, la citoyenneté française qui avait été refusée par deux fois à son mari. Missak n’obtient pas non plus, parce qu’il est étranger, le statut de « mort pour la France ». Le 7 juillet 1946, elle assiste au cimetière parisien d’Ivry où sont enterrés les fusillés du 21 février 1944, à l’inauguration d’un monument à leur gloire. Elle s’efforce alors de faire publier les poèmes de Missak et de faire connaître son action résistante.
En 1947, elle accepte l’offre du gouvernement soviétique de rejoindre la République soviétique d’Arménie. « Logée dans un modeste une-pièce du centre d’Erevan, elle travaille à l’Institut de littérature de l’Académie nationale des sciences. Ce retour en Arménie ne l’empêche pas de continuer à œuvrer en faveur de la mémoire de celui avec qui elle a partagé six ans de sa vie, lui consacrant en 1954 un livre, et faisant paraître en 1956 un recueil de poèmes[xli]. » Confrontée aux désillusions du stalinisme et à la maladie, elle est autorisée en 1963 à revenir en France pour soigner son cancer.
À son retour en France, elle entreprend des démarches pour obtenir une pension de veuve de guerre. On la lui accorde, on lui verse les arriérés, mais on lui refuse la majoration due aux veuves d’officier, bien que la fonction de Missak au sein du FTP lui attribue ce grade. Elle lutte toujours contre l’oubli qui menace la mémoire de Missak en publiant sa biographie en 1974[xlii]. Le 6 avril 1976, elle participe à la fondation de l’Amicale des anciens résistants français d’origine arménienne, qui se fixe pour objectif de défendre la mémoire des résistants arméniens. S’il lui faut déployer tous ces efforts, c’est parce que le Parti communiste ne défend guère la mémoire des FTP-MOI dans l’après-guerre, qu’il a même une nette tendance à les oublier.
Les oublis du Parti communiste
Pendant de longues années, le Parti communiste a voulu oublier la résistance des étrangers au sein de ses propres organisations. Du temps de la clandestinité déjà, L’Humanité avait rendu compte du procès du groupe Manouchian par un simple entrefilet, sans même préciser les noms des résistants. Dans les années d’après-guerre L’Humanité ne mentionne guère le « groupe Manouchian » et les 23 exécutés du 21 février 1944, faisait remarquer l’historien Stéphane Courtois en 1985. Quand paraîtra à Moscou ; mais en français, un petit livret à la gloire des résistants communistes, on y retrouvera aucun des affiliés aux FTP-MOI[xliii].
Le Parti s’est conduit de la même manière avec les résistants qui combattirent dans les « Bataillons de la jeunesse » Tandis qu’ils envoyaient à Moscou des communiqués se glorifiant des attentats contre les officiers allemands, les responsables clandestins du parti refusaient de revendiquer ouvertement ces attentats, par crainte des réactions de l’opinion publique. A la Libération, le Parti trouva que leurs noms avaient de regrettables consonances étrangères et il choisit ses héros, ne retenant que Pierre Georges, le Colonel-Fabien, et Guy Mocquet. Gilbert Brustlein, qui avait exécuté sur ordre le Feldkommandnat de Nantes en octobre 1941, fut ostracisé par le Parti qu’il finit par quitter. Le Parti chercha même à l’effacer de son histoire, oubliant systématiquement de le citer lors des commémorations.
Pourquoi cet oubli volontaire de ceux qu’il a envoyés au combat ? Denis Peschanski pense que trois facteurs expliquent ces « longues années d’oblitération de cette résistance[xliv]. » : la volonté de reconstruire la nation sur une identité qui passe par la « nationalisation » de la Résistance ; la répression anticommuniste au temps de la guerre froide qui vise au premier chef les organisations et les militants étrangers ; la stalinisation du bloc soviétique qui élimine tous les résistants ayant agi à l’étranger (ils sont les premiers visés par les procès des années 1951-1954, sur fond d’antisémitisme) et qui oblige le PCF aligné à faire de même.
L’année 1955 fait exception, avec l’inauguration d’une « rue du groupe Manouchian » dans le 20e arrondissement de Paris, qui fournit l’occasion d’un hommage national, et qui « invente » le terme de « groupe Manouchian » alors qu’il n’a jamais existé dans l’organigramme des FTP. C’est alors qu’Aragon (qui avait préfacé une brochure dix ans plus tôt qui rayait les étrangers de l’histoire de la résistance communiste) écrit son poème Le groupe Manouchian, publié en première page de L’Humanité le 6 mars 1955 et qui s’achève par ces vers :
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui crient la France en s’abattant
Aragon inclut ensuite ce poème dans Le Roman inachevé sous le titre Strophes pour se souvenir. Néanmoins la production historiographique du Parti communiste dans les années 1960 ne donne toujours pas leur place à la résistance des FTP-MOI. Des inflexions vont se produire, qui vont faire sortir de l’ombre Manouchian et ses camarades, avec la postérité de l’ « Affiche rouge » et avec les polémiques politiques et historiques qui vont naître dans les années 1980 à propos des responsabilités éventuelles du Parti dans la chute du « groupe Manouchian ».
La postérité de l’ « Affiche rouge »
L’« Affiche rouge » est immédiatement -et le restera jusqu’à nos jours- l’icône emblématique de la contribution des étrangers à la Résistance française[xlv]». Or la force du poème d’Aragon, dont le titre devint L’Affiche rouge, est décuplée par la chanson et par le cinéma. En 1959, Léo Ferré met en musique le poème d’Aragon. Monique Morelli est la première à l’interpréter et à l’enregistrer. En janvier 1961, Barclay sort l’album : Les Chansons d’Aragon chantées par Léo Ferré. L’Affiche rouge est placée en ouverture des dix morceaux, et elle devient très vite un classique du répertoire de Léo Ferré, s’imposant comme un chant de résistance et comme une chanson d’amour.
De nombreux chanteurs reprirent la chanson dans les années et les décennies suivantes : Juliette Gréco, Cora Vaucaire, Catherine Sauvage, Marc Ogeret, Isabelle Aubret, Leny Escudero, Yves Montand, Francesca Soleville, Francis Lalanne, Sapho, Catherine Ribeiro, Bernard Lavilliers, Cali, HK, et, très récemment, Feu ! Chatterton. Dans son Dictionnaire amoureux de la Résistance, l’écrivain Gille Perrault rappelle que l’animateur de la revue de presse de France Inter Ivan Levaï diffusait la chanson de Léo Ferré chaque 21 février. A partir de 1985, l’Affiche rouge s’impose peu à peu, jusque dans les manuels scolaires comme le symbole de la part prise par les étrangers dans la Résistance. Davantage que par la biographie signée par Mélinée Manouchian, davantage que par les travaux des historiens, des acteurs ou de leurs proches[xlvi], c’est par la chanson que les résistants du « groupe Manouchian » prirent leur place dans la mémoire collective. C’est aussi par le cinéma.
En 1976, Franck Cassenti réalise L’Affiche rouge, qui reçoit le prix Jean Vigo. Roger Ibanez y incarne Missak Manouchian, Malka Ribowska est Mélinée et Pierre Clémenti, Marcel Rayman. Mais c’est le film de Robert Guédiguian, L’Armée du crime qui popularise le plus les actions du « groupe Manouchian ». Présenté hors compétition au festival de Cannes en 2009, c’est un film long (139 minutes), aux moyens importants, qui met en scène des acteurs connus (Simon Abkarian dans le rôle de Missak, Virginie Ledoyen dans celui de Mélinée, Grégoire Leprince-Ringuet dans celui de Thomas Elek –Tommy-, mais aussi bien sûr dans un film de Guédiguian, Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin, avec une musique d’Alexandre Desplat, et qui retrace l’histoire du « groupe », de sa formation à l’exécution de Manouchian.
Le film fut plutôt bien accueilli par la critique mais suscita une polémique entre Guédiguian (toujours communiste) et les historiens du communisme Stéphane Courtois et Sylvain Boulouque qui critiquent sévèrement le film dans un article intitulé « L’armée du crime de Robert Guédiguian, ou la légende au mépris de l’histoire », publié dans Le Monde du 15 novembre 2009. Les historiens pensent pouvoir démonter que le film « diffuse auprès du public une vision contraire à la vérité historique », et que « la liberté de tout créateur à situer une fiction dans un cadre historique ne l’autorise pas à prendre de telles libertés avec les faits ». Les accusations portent sur le comportement de Marcel Rayman, sur la présentation des conditions de la vie clandestine, et sur le fait que leur culture stalinienne est édulcorée. Guédiguian répond dans un article du même journal daté du 22 novembre.
Dans le n°115 (décembre 2023) de la Lettre de la Fondation de la Résistance, Raphaëlle Belon et Franck Malassis signent un article intitulé Missak et Mélinée, un couple à l’écran. Ils y font une analyse du film qu’on aura intérêt à lire avant de voir le film avec des élèves. Ils montrent comment se traduit la volonté de créer un fil directeur autour du couple, comment le film propose « une vision genrée de la Résistance », et soulignent quelques-unes des libertés prises par Guédiguian à l’égard de la réalité historique dans la réalisation d’une fiction. Guédiguian reconnaît d’ailleurs avoir modifié la chronologie et la nature des faits de façon à mieux montrer ce qu’était l’organisation des FTP-MOI. Dans la mesure où il s’agit d’un film grand public (qui ne fit 450 000 entrées), la polémique ajoute à la médiatisation du « groupe Manouchian ». Mais ses implications sont moindres que celle qui s’était développée en 1985 autour des responsabilités du Parti communiste dans l’arrestation de Manouchian.
Des terroristes à la retraite, ou l’affaire Manouchian (1985-1989)
En juillet 1985, Antenne 2 diffuse un documentaire réalisé par Mosco Lévi Boucault et intitulé Des terroristes à la retraite. Il est consacré au rôle des immigrés dans la résistance communiste. Le réalisateur Mosco Levi Boucault recueille le témoignage des résistants survivants qualifiés par Vichy et par l’occupant de « terroristes ». Le scénario reconstitue le parcours de cinq anciens résistants FTP-MOI en l’émaillant du témoignage de camarades. Ces sources de première main, celles des seuls survivants, sont présentées dans le cadre d’une contextualisation confiée à des historiens. Mélinée Manouchian témoigne et accuse clairement la direction du Parti communiste d’être responsable de la chute de Missak et de ses camarades. C’est le début de « l’affaire Manouchian », qui porte en fait sur l’ensemble des groupes FTP-MOI.
L’histoire du documentaire est déjà instructive[xlvii]. Terminé en 1983, le film est interdit de diffusion pendant deux ans. Une enquête, menée par les historiens impliqués dans la réalisation du film, met en évidence que la censure vient de pressions exercées par le Parti communiste, encore très influent dans la France du début des années 1980, et comptant plusieurs ministres dans le gouvernement Mauroy. La Haute Autorité de la communication audiovisuelle réunit un jury d’honneur qui émet l’avis que l’émission ne peut être diffusée sans permettre qu’un droit de réponse ne soit exercé, et la programmation prévue le 2 juin 1985 est annulée. Le ministre de l’audiovisuel, Georges Fillioud, ayant critiqué l’annulation de l’émission par la Haute Autorité, celle-ci décide de la reprogrammer sans tenir compte de l’avis du jury d’honneur qu’elle a elle-même nommé. Mais le 11 juin, sous la pression des employés de la CGT de la chaîne et de l’ensemble du service public audiovisuel, le conseil d’administration désavouant son PDG, définit les conditions dans lesquelles la diffusion pourra être autorisée : le film sera présenté par un représentant du Parti communiste, Charles Lederman, ancien FTP-MOI de la région lyonnaise. La diffusion devra être suivie d’un débat entre historiens. Le film est donc projeté dans l’émission très suivie et très influente, Les Dossiers de l’écran, le 2 juillet 1985.
En donnant la parole aux témoins directs, le documentaire suscite une polémique historique, politique et médiatique. Mélinée Manouchian répète lors d’interviews ce qu’elle affirme dans le film : son mari a été sacrifié avec ses hommes par Boris Holban, organisateur et chef militaire des FTP-MOI de la région parisienne. Or le film apporte le témoignage de Louis Grojnowski, qui fut de 1942 à 1945 responsable de la Main-d’œuvre immigrée, en liaison avec Jacques Duclos, véritable chef du PCF clandestin, témoignage dans lequel cet homme clef, resté fidèle à son Parti, déclare « Par mesure de sécurité, on a envoyé des militants se cacher (…) Mais il fallait qu’il en reste pour combattre. Oui, dans chaque guerre il y a des sacrifiés. » Comment s’est fait le choix de ceux qui ont été exfiltrés vers la province et de ceux qui sont restés dans Paris combattre alors qu’ils se savaient déjà identifiés par les policiers français de la 2e Brigade spéciale ? Derrière ce choix n’y-a-t-il pas eu la volonté de la direction du Parti d’avoir délibérément sacrifié les combattants étrangers, pour mieux permettre de laisser apparaître à la Libération que l’on sentait prochaine des noms bien français ?
Ainsi Philippe Ganier-Raymond déclare : « Il va sortir une armée des ombres dont les combattants s’appellent Manouchian, Bozcor (…) C’est pas possible, (…) et puis, le parti communiste, à ce moment-là, a déjà mis sur pied sa ligne, une liste nationaliste, une liste cocardienne. Alors, vous comprenez, des noms comme Rol-Tanguy, Fabien, ça sonne bien, ça sent le terroir, ça sent la Bretagne ! (…) Par conséquent, que ces hommes, ceux qui viennent des profondeurs de l’Europe centrale, puissent être mis en pleine lumière à la Libération, ce n’est à tous égards pas possible (…}. A mon avis, avec un grand cynisme, la direction des FTP a choisi leur sacrifice, a choisi de les abandonner. Je n’irais pas jusqu’à dire, faute de preuves, que le parti communiste les a cyniquement livrés à la Gestapo, mais, les gens étant ce qu’ils étaient, avec leurs accents, avec leurs visages particuliers, il était bien évident qu’à l’instant où ils ne recevaient plus une cartouche, plus un ordre, plus un sou, ils étaient laissés à eux-mêmes, (…) Ils ne pouvaient qu’errer et se faire prendre. » La mise en cause du parti communiste fut reprise dans les mois qui suivirent par l’historien du Parti Communiste Philippe Robrieux qui publia un livre intitulé L’affaire Manouchian dans lequel il accusait une personnalité précise du Parti, Jean Jérôme, d’avoir donné les combattants FTP-MOI à la Gestapo.
Les accusations de Mélinée Manouchian, de Philippe Ganier-Raymond et de Philippe Robrieux furent invalidées en 1989 par les trois historiens Stéphane Courtois, Denis Peschanski et Adam Rayski[xlviii], qui avaient notamment dépouillé les archives des Brigades spéciales. Ils démontraient qu’aucun élément ne venait étayer la trahison de Boris Holban ou de Jean Jérome, qu’au moment de leur filature et de leur arrestation en novembre 1943, les combattants FTP-MOI n’étaient privés ni de ressources financières, ni d’armes, ni de contacts avec la direction des FTP. La cause essentielle des arrestations des résistants FTP-MOI est à chercher dans l’efficacité des Brigades spéciales, dans le professionnalisme des policiers français et en particulier dans leur méthode de filature menées depuis plusieurs mois. Sous la torture, et les agents des Brigades spéciales étaient de redoutables tortionnaires, presque tous les hommes parlent plus ou moins.
A cet égard, si la trahison de Joseph Dawidowicz, commissaire politique des FTP-MOI, est avérée, elle n’a pas joué le rôle essentiel. Commissaire politique et trésorier au sein du triangle de direction des FTP-MOI parisiens, c’est lui qui proposa en août 1943 de remplacer Boris Holban, démis de ses fonctions de responsable militaire, par Missak Manouchian. Arrêté le 26 octobre 1943 par les inspecteurs de la brigade spéciale, il avoua, au cours de son interrogatoire, sa fonction exacte au sein du triangle de direction et livra des renseignements qui facilitèrent l’identification des membres des FTP-MOI parisiens. Libéré, il prétendit s’être échappé, mais une information de source policière parvenue à la direction de la MOI précisant que l’un des résistants arrêtés avait parlé, et les circonstances de son évasion paraissant suspectes, la direction de la MOI décida de le convoquer à une rencontre dirigée par Boris Holban. Le soir du 28 décembre 1943, il fut conduit dans un pavillon de Bourg-la-Reine, longuement interrogé puis exécuté[xlix].
L’apaisement et le consensus
Le 31 décembre 1986, le président de la République François Mitterrand nomme, par décret, Mélinée Manouchian chevalier de la Légion d’Honneur. Le 20 mai 1989, au Père Lachaise, Georges Marchais, secrétaire du PCF, donne le bras à Mélinée Manouchian entourée de la direction du Parti, pour inaugurer au coin du mur des Fédérés le monument commémorant les FTP-MOI. Mélinée Manouchian meurt le 6 décembre 1989 à Fleury-Mérogis. Elle est enterrée le 13 décembre 1989 au cimetière parisien d’Ivry, 39e division, non loin du carré militaire où gisent les dépouilles de son mari et de plusieurs de ses compagnons. Henri Krasucki, secrétaire général de la CGT, s’est déplacé pour saluer la mémoire de sa camarade de combat, malgré la désapprobation de Paul Laurent et de l’ensemble de la direction du Parti communiste. Son cercueil ne sera réuni à celui de son époux qu’en 1994 sous la stèle blanche des militaires morts pour la France[l].
Le 21 février 2024 Missak et Mélinée seront réunis au Panthéon. « C’est une belle histoire pour lui, pour Mélinée et pour tous ses frères d’armes. C’est un symbole de voir les étrangers et apatrides qui ont combattu pour la Libération être enfin reconnus », s’émeut Katia Guiragossian, petite nièce de Missak Manouchian, dépositaire des archives familiales, qui défendait depuis 2014, et plus activement depuis 2021, l’entrée dans la crypte de son aïeul. Et celle-ci de rappeler les mots que tenait son grand-oncle à ses accusateurs au moment du procès de son groupe de résistants, en février 1944, à Paris : « Vous, vous avez hérité de la nationalité française, nous, nous l’avons méritée[li]. »
Mais « ils étaient vingt et trois » et les 22 camarades de Missak méritent eux aussi cet honneur, rappelle, dans une tribune publiée le 23 novembre 2023 par le journal Le Monde, un collectif constitué de descendants de ces martyrs, d’intellectuels et écrivains (Patrick Modiano, Edgar Morin), de des réalisateurs (Costa-Gavras, Mosco Levi Boucault), d’historiens (Patrick Boucheron, Serge Klarsfeld, Annette Wieviorka). Ils affirment que « isoler un seul nom c’est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser l’internationalisme qui les animait ». Cette demande ne sera pas suivie d’effet mais il a été décidé que les patronymes de tous les résistants fusillés le 21 février 1944 (et sans doute celui d’Olga Bancic) figureront sur une plaque à l’intérieur du Panthéon.
Je laisserai la conclusion à Denis Peschanski[lii] :
Les enjeux de mémoire sont au cœur de vos travaux de recherche. Quelle a été et quelle est aujourd’hui la place de Missak Manouchian dans la mémoire collective française ?
Denis Peschanski : Ce qui est frappant c’est que grâce à Aragon avec son poème « Strophes pour se souvenir », écrit en 1955 sous le titre très provisoire – autre découverte – « Groupe Manouchian », et à Léo Ferré qui a composé sur ce poème la chanson immédiatement si connue, en 1961, « l’Affiche rouge », Missak Manouchian est entré dans la mémoire collective dès les années 1950, soit une quinzaine d’années avant même d’obtenir la mention Mort pour la France (!) et encore un demi-siècle en plus avant d’être panthéonisé. Il est clair que la cérémonie du 21 février prochain va singulièrement amplifier ce phénomène d’inscription dans la mémoire collective des Français.
Pourquoi l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon, accompagné de Mélinée, est-elle si importante à vos yeux, en tant qu’historien, en tant que citoyen ?
Denis Peschanski : La réponse sera très simple et tient dans un double constat qui renvoie évidemment à l’histoire de la mémoire et à la succession des régimes mémoriels sur lesquels je travaille : ce sera le premier résistant étranger à être panthéonisé ; ce sera le premier résistant communiste à être panthéonisé. Il sera en effet accompagné de Mélinée qui fut de ses combats dans la Résistance et forma un couple fusionnel, comme en témoigne la dernière lettre de Missak. Mais comme l’a annoncé Emmanuel Macron, avec lui, ce sont les 22 autres FTP-MOI exécutés suite au même procès et même, au-delà, tous les résistants étrangers qui entrent au Panthéon.
Bibliographie.
Atamian Astrig, Mouradian Claire et Peschanski Denis, Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française, Textuel, 2023.
Belon Raphaëlle et Grenard Fabrice, Missak et Mélinée Manouchian, un couple d’étrangers dans la Résistance, in La Lettre de la Fondation de la Résistance, n° 115, décembre 2023,
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam , Le Sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989.
Daeninckx Didier, Missak, Perrin, 2009.
Manouchian Mélinée, Manouchian, Paris, Les Editeurs français réunis, 1974.
Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, et Dictionnaires des fusillés et exécutés. On y trouvera les notices biographiques des résistants FTP-MOI. Indispensables, ces notices sont précises et citent les sources primaires sur lesquelles elles s’appuient.
Marcot François (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, 2006.
Moncond’huy Dominique, Boulouque Sylvain (dirs), Missak et Mélinée Manouchian. La mémoire du groupe des 23, Atlande, 2024.
Peschanski Denis, Des étrangers dans la Résistance, Editions de l’Atelier, 2002, réédité en 2013 avec le DVD La Traque de l’Affiche rouge.
Raisky Benoit, L’Affiche rouge, Archi Poche, 2024.
Vigreux Jean et Manessis Dimitri, Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, Libertalia, 2024.
Streiff Gérard, Missak et Mélinée Manouchian, un couple en résistance, l’Archipel, 2024.
Tchakarian Arsène , Les Francs-tireurs de l’Affiche rouge, Paris, 1986.
Wieviorka Annette, Ils étaient juifs, résistants, communistes, 1986, nouvelle édition révisée, Perrin, 2018.
Wieviorka Annette, Anatomie de l’Affiche rouge, Le Seuil-Textuel, 2024.
[1] Mensuel de 15 pages rédigé en arménien qui parut pendant un an
[i] L’Unité laïque se présente ainsi sur son site : « Unité laïque est engagée dans la défense, la promotion et le développement de la laïcité, en France, dans l’Union européenne et dans les instances internationales et supranationales. Elle attache une importance particulière au maintien, au respect et au développement de la laïcité dans les institutions de l’État et dans les collectivités territoriales. Elle œuvre à l’unité des laïques.Cet engagement se traduit par des prises de position publiques, des communications dans des colloques et des interventions dans les médias sous forme de tribunes, d’articles, de participation à des débats (presse, radio, télévision, etc.) »
[ii] Les cendres de Joséphine Baker sont entrées au Panthéon le 30 novembre 2021. La dépouille de l’artiste franco-américaine ne repose pas dans le monument. C’est un cénotaphe qui est installé dans la crypte.
[iii] Maïdan, la place de l’Indépendance à Kiev fut l’épicentre de la révolution orange.
[iv] Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue, ni la prière aux agonisants
sont les deux premiers vers du poème d’Aragon mis en musique et chanté par Léo Ferré.
[v] L’expression est de Missak Manouchian.
[vi] Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération, mort le 2 octobre 2021, est inhumé dans la crypte du Mont Valérien.
[vii] Dans le discours qu’il a prononcé le 19 décembre 1964, à l’occasion de l’entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
[viii] L’historienne de la Résistance Claire Andrieu est vice-présidente de ce conseil.
[ix] Dans son récent libelle, Anatomie de l’Affiche rouge (Le Seuil, février 2024), Annette Wieviorka propose une analyse critique de ce fait. Elle estime que des ouvrages récents et les articles de presse se complaisent dans l’aspect « glamour » (c’est le terme qu’elle emploie) de l’événement, se posant même la question de savoir si, pour certains, on ne célèbre pas davantage un fait amoureux qu’un fait de résistance.
[x] Denis Peshanski est un historien majeur du rôle des étrangers dans la Résistance. Il est l’auteur ou le co-auteur d’ouvrages essentiels : Des Etrangers dans la Résistance, Le Sang de l’étranger (avec Stéphane Courtois et Adam Raiski), et récemment, en collaboration avec Astrig Atamian et Claire Mouradian, Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française, Textuel, 2023.
[xi] POWN est l’acronyme polonais de l’Organisation polonaise de lutte pour l’indépendance. Créée en 6 septembre 1941 en France, cette organisation dépendait du ministère de l’intérieur du gouvernement polonais en exil à Londres et fédérait l’essentiel des mouvements de résistance polonais agissant en France.
[xii] « C’est un génocide des temps modernes, perpétré par un parti-Etat dictatorial au nom d’idéologies d’exclusion (darwinisme social, panturquisme), mettant à profit le contexte de conflit mondial. Le nombre des victimes se situe entre 1,2 et 1,5 million de morts, soit les deux tiers de la population arménienne. », Claire Mouradian, Manouchian, Textuel, 2023.
[xiii] On estime à plus de 200 000 le nombre d’orphelins en Turquie à la fin de la guerre.
[xiv] « Micha » et Knar Aznavourian sont les parents du chanteur Charles Aznavour.
[xv] Mélinée publiera ses textes après la guerre.
[xvi] Raphaëlle Belon et Fabrice Grenard, Missak et Mélinée Manouchian, un couple d’étrangers dans la Résistance, in La Lettre de la Fondation de la Résistance, n° 115, décembre 2023, article principal d’un excellent dossier auquel j’ai beaucoup emprunté.
[xvii] Idem.
[xviii] Denis Peschanski, interview du 13 octobre 2023, consultable sur le site de l’Université Paris IU Panthéon-Sorbonne
[xix] Manouchian a voulu s’engager dans les Brigades internationales. Mais la direction du PCF a jugé qu’il était plus utile au sein de la communauté arménienne en France et le lui a interdit. Astrig Atamian, in Manouchian, op. cit., p.77.
[xx] Idem.
[xxi] Idem.
[xxii] Astrig Atamian utilise le conditionnel quand elle évoque cet événement, in Manouchian, op. cit., p. 78.
[xxiii] Ce fait est fondamental. Annette Wieviorka insiste sur le fait que plusieurs, parmi ceux qui survécurent, quittèrent la France pour les nouvelles démocraties populaires, afin d’y participer à la construction du socialisme.
[xxiv] D’après le rapport de police, l’attentat cause la mort d’un soldat et en blesse quinze autres. Deux civils français sont également blessés.
[xxv] Les directions FTP, à tous les échelons sont toujours constituées d’un « triangle » : le commissaire technique, le commissaire politique et le commissaire militaire.
[xxvi] Dans ses mémoires, Boris Holban confie son amertume de n’avoir été ni écouté au sujet des nouveaux choix stratégiques de la direction des FTP, ni consulté sur le choix de son successeur.
[xxvii] Raphaëlle Belon et Fabrice Grenard, op cit.
[xxviii] Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Liquider les traîtres. La face cachée du PCF 1941-1943, Robert Laffont, 2007.
[xxix] Fernand David, Lucien Rottée et Gaston Barrachin seront condamnés à mort et fusillés à la Libération.
[xxx] Je me réfère ici au récit fait par Michel Laffitte in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI,2004.
[xxxi] Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989.
[xxxii] Le Bibliothèque nationale de France en conserve trois exemplaires de format 118 X 75 cm.
[xxxiii] On les trouve cités et présentés dans la notice Wikipédia Affiche rouge. Leur biographie est accessible par les notices du dictionnaire Maitron.
[xxxiv] Les chiffres figurant sur l’affiche sont complètement fantaisistes.
[xxxv] Michel Martineau, Les inconnus de l’Affiche rouge, Libre label, 2014.
[xxxvi] Annette Wieviorka, Anatomie de l’Affiche rouge, pp. 14 et suiv.
[xxxvii] Simone de Beauvoir, La Force de l’âge, p. 649, notice Wikipédia, Affiche rouge.
[xxxviii] Annette Wieviorka, Anatomie de l’Affiche rouge, p. 36.
[xxxix] Fabrice Grenard, L’action de Mélinée pour perpétuer la mémoire de Missak après la guerre, in La Lettre de la Fondation de la Résistance, n° 115, décembre 2023.
[xl] Idem.
[xli] Fabrice Grenard, op. cit.
[xlii] Mélinée Manouchian, Manouchian, Les éditeurs français réunis, 1974.
[xliii] Chloé Leprince, Missak Manouchian : trahisons et ornières d’une mémoire communiste capricieuse, site de France Culture.
[xliv] Denis Peschanski, article « Affiche rouge », in Dictionnaire historique de la Résistance, dir. François Marcot, p. 996-997.
[xlv] Denis Peschanski, Affiche rouge, in Dictionnaire historique de la Résistance.
[xlvi] Benoît Raiski, L’Affiche rouge, 21 février 1944 – Ils n’étaient que des enfants…, Le Félin, 2004 ; Arsène Tchakarian, Les Francs-tireurs de l’Affiche rouge, éditions Messidor, 1986 ; Denis Peschanski, Des étrangers dans la résistance, l’Atelier, 2002.
[xlvii] On peut en lire le détail dans la notice Wikipédia, Des terroristes à la retraite.
[xlviii] Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, Paris, 1989.
[xlix] Lind Khayat, notice biographique de Joseph Dawidowicz, in Maitron des fusillés.
[l] La mention pour la France ne fut attribuée à Missak Manouchian qu’en 1971. Il faudra attendre février 2023 pour cette mention soit accordée au dernier des condamnés à mort de l’Affiche rouge, membre du « groupe Manouchian », Szlama Grzywacz, et le 18 juin 2023 pour que Robert Birenbaum, 97 ans, ancien résistant FTP-MOI, soit décoré de la Légion d’honneur. « Je suis le dernier », a-t-il soupiré, ému, remerciant le chef de l’Etat « pour les copains ».
[li] Le Monde, 19 juin 2023.
[lii] Denis Peschanski, interview du 13 octobre 2023, consultable sur le site de l’Université Paris IU Panthéon-Sorbonne.
© Joël Drogland pour les Clionautes
Merci pour cet article
Merci de ce témoignage , ils méritent bien le Panthéon.