Comment parler de la ville sans parler des autres territoires ?

Pierre Brechon professeur émérite à Sciences-po Grenoble]

Y a-t-il comme on dit des différences sociologiques entres ville et campagne, ville est-elle synonyme de modernité, Campagne est -elle le lieu du conservatisme des traditions ?

Les évolutions économiques, la globalisation ont-elles effacé les différences entre population urbaine et population rurale ?

Le conférencier va tenter de répondre à ces questions à partir des enquêtes ISSP Créé en 1985, l’ISSP est un programme annuel d’enquêtes sociales internationales couvrant environ quarante pays. Il fournit une masse de données comparatives chiffrés sur les grands thèmes de l’analyse sociologique et politique . Les résultats sont mis à disposition de la communauté scientifique internationale au travers du réseau des banques de données (http://www.pacte-grenoble.fr/la-recherche/projets/issp/), enquêtes annuelles sur diverses thématiques.

La définition de rural et urbain découle du ressenti des personnes enquêtées toutefois quand on compare avec les données des domiciles la pertinence est forte.

Trois ensemble et trois tiers : grande ville et banlieue / villes petites et moyennes / village et habitat dispersé.

Les spécificités (age et genre) sont identiques dans les trois catégories de populations. Par contre on constate des différences en ce qui concerne les diplômes, plus fréquents dans les grandes villes, un sentiment d’être au bas de l’échelle sociale plus marqué chez les ruraux.

Si les contacts sociaux sont plus fréquents dans les populations urbaines, la confiance en autrui est identique dans les trois populations avec un léger moins dans les villes petites et moyennes.

En ce qui concerne le rapport à la religion, pas de vrai différente sauf pour Islam plus présent en grande ville et banlieue.

Les réponses concernant la politique diffèrent peu même si en zone rurale les non-réponses sont plus fréquentes. Les citadins sont plus attentifs aux nouvelles politiques, ont un plus fort taux de politisation mais la « valorisation citoyenne » Valorisation de la citoyenneté = expression sur ce qu’est un bon citoyen : voter, ne pas frauder les impôts, obéir aux lois, suivre l’action du gouvernement, participer à une association, essayer de comprendre les arguments de quelqu’un d’une autre opinion, aider les pauvres en France, dans le monde, acheter des produits respectueux de l’environnement même plus chers. est assez proche dans tous les cas.

Identité xénophobie : les ruraux paraissent plus nationalistes et moins favorables aux migrants, à la mondialisation et à l’Europe.

Morphologie des familles/ Dans ce domaine on enregistre dans le monde rural une plus grande adhésion au mariage, plus d’enfants, moins d’ouverture envers l’homosexualité, sur le partage des rôles dans la famille et pour le travail des femmes. Mais le nombre idéal d’enfants est le même dans les trois populations.

Si les urbains se sentent en meilleure santé, les ruraux sont moins satisfaits du système de santé.

En conclusion on assiste à un paradoxe : de faibles différences socio-démographiques et pourtant des différences de valeurs plus nettes que l’on peut mettre au compte de l’influence du milieu sur la vie culturelle.

 » L’urbanité se traduit par une plus forte politisation et participation politique, une plus grande ouverture sur le monde, un libéralisme des moeurs plus important. Ces différences de valeurs, qui restent très sensibles dans certains domaines, ne peuvent s’expliquer par la composition sociodémographique des territoires. Il faut donc admettre que les modes de vie continuent d’être différents et que les sociétés urbaines et rurales gardent des spécificités. La vie professionnelle est pour beaucoup partagée entre urbains et ruraux, mais la vie sociale, culturelle et de loisirs l’est nettement moins et pourrait expliquer ces différences qui perdurent. »