Vendredi 03 mai, les projets de réforme du CAPES externe d’histoire-géographie ont été diffusés sur les réseaux sociaux. Les Clionautes en ont pris connaissance avec le plus vif intérêt, même s’ils regrettent la fâcheuse habitude du ministère de ne pas consulter les associations sur des sujets aussi cruciaux.

Ils ont également entamé d’intenses discussions internes avec leurs contacts parmi les étudiants, les jeunes collègues, les professeurs tuteurs, ainsi que les formateurs INSPÉ. Le Capes est un sujet très sensible et l’intérêt de nos futurs collègues et de leurs élèves commandent une réponse réaliste aussi soupesée que possible.

Des programmes alignés sur les programmes scolaires

Nous nous félicitons de voir, enfin, des programmes alignés sur les contenus enseignés en collège et en lycée, comme cela est déjà le cas dans la grande majorité des autres disciplines d’enseignement. Les seize thématiques retenues couvrent l’essentiel de nos deux matières et permettront aux futurs candidats de nourrir leurs réflexions tant historiques que géographiques, y compris dans leur dimension épistémologique, tout en se (re)mettant à niveau sur ce qu’ils seront chargés de transmettre à leurs élèves.

Placer le recrutement en fin de L3 s’entend et explique le recentrage des épreuves sur le disciplinaire, les questions pédagogiques et didactiques étant ensuite approfondies en master.

Cette réforme incitera certainement les Universités à contenir la dérive de l’hyper-spécialisation observée ces dernières années, qui apparaît parfois dès la L1, pour au contraire renouer avec des approches générales et solides dont ont impérativement besoin les étudiants et futurs professeurs d’histoire-géographie. D’autant plus que les étudiants qui sortent aujourd’hui du lycée ont besoin d’une véritable mise à niveau, tant les exigences se sont effondrées dans l’enseignement secondaire depuis deux décennies.

L’hyper-spécialisation permettait-elle de meilleurs enseignants ?

Par ailleurs, les intitulés des questions d’histoire au programme ces dernières années pouvaient laisser plus que songeur, montrant une déconnexion avec les réalités de l’enseignement secondaire. Exemples non exhaustifs ces dernières années :  « Le monde grec et l’Orient de 404 à 200 avant notre ère », « Écrit, pouvoirs et société en Occident aux XIIe-XIVe siècles », « Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVIe au XVIIIe siècle », etc. Tout cela est intéressant, passionnant même, mais d’une utilité très réduite pour de jeunes collègues qui devront dans l’urgence, affronter des programmes entiers, sur plusieurs niveaux, dans des établissements plus ou moins éloignés de chez eux. 

On entend parfois que ces questions de concours permettent de faire descendre les renouvellements historiographiques dans la formation des enseignants, de dynamiser la recherche par retour et enfin de montrer aux futures professeurs la voie de l’expertise sur quelques sujets. Nous pensons de notre côté que les renouvellements en question n’ont pas besoin de questions fermées pour irriguer la préparation au concours et que surtout, devenir un fin connaisseur des enclosures galloises au XVIIème siècle ou des campagnes ibériques au XIXème ne permet nullement de bien connaître les siècles considérés, ni d’approcher les méthodes des autres champs de la recherche historique.

Tout apprentissage ici n’est pas fatalement duplicable là.

Le CAPES n’est pas l’agrégation.

Ce fonctionnement a-t-il par ailleurs contribué à monter le niveau des candidats au CAPES ? C’est même le contraire qui s’observe depuis des années et les nouveaux collègues sont les premiers à en souffrir au moment de préparer des séquences en série. Quant aux tuteurs, plusieurs avouent leur impuissance car comment aider un jeune collègue saturé d’obligations diverses ?

Nous saluons donc cette volonté du ministère de l’Éducation nationale de sortir enfin de cette logique devenue absurde et qui n’a jamais démontré sa valeur ajoutée. En géographie, les programmes étant traditionnellement plus axés sur le second degré, l’adaptation à la réforme devrait être plus simple qu’en histoire.

Nous attendons des clarifications d’organisation

Nous espérons désormais que le Ministère indiquera un calendrier clair – car c’est encore le grand flou qui règne en la matière – mais aussi qu’il publiera très rapidement des notes de cadrage sur ces programmes ainsi que des exemples de sujets « zéro ». En l’état, on ne voit pas comment, d’ici septembre, les universités pourraient préparer des maquettes de L3 consistantes. Avec des épreuves en mars, il ne reste plus que sept mois à partir de septembre pour préparer au nouveau concours !

Ne parlons même pas des transformations à anticiper pour l’ensemble du cursus en licence, ainsi que des contenus proposés par les « écoles normales supérieures du XXIème siècle ».

Tout ceci est indispensable pour une mise en œuvre efficiente de cette réforme, à moins qu’il ne s’agisse comme d’habitude que d’une réforme pour faire une réforme.

Après une décennie de multiples changements et ajustements, nous appelons aussi de nos vœux la stabilisation et la sécurisation du concours.

Nous demandons un ajustement pour les étudiants coincés entre les deux systèmes de recrutement

Le projet de réforme prévoit une mise en place du nouveau concours à la session 2025, avec un recrutement spécial pour les M2 MEEF recalés et les M1 MEEF d’aujourd’hui. Par contre, quid des L3 d’aujourd’hui ? Le fameux document sur les « écoles normales du XXIème siècle » n’est pas très clair. À la page 10, il est bien fait mention d’un concours niveau master en 2025 mais pas en 2026. L’annexe 1 sur le phasage de la réforme évoque bien un concours post Inspe par contre.

Ces étudiants sont à la jonction entre les deux systèmes. Or cette génération, si l’on remonte le fil rouge, est déjà celle qui a passé son bac de français pendant le confinement, son bac tout court pendant l’année de lycée hybride, et qui avait eu son cycle 4 interrompu en 2016 par la réforme du collège. Trois fois déjà, leur scolarité a été lourdement perturbée. Nous demandons que le ministère puisse prendre toute mesure pour que la formation, le calendrier et le parcours général des actuels étudiants de L3 soient clairement connus.

Cette nécessité est d’autant plus impérieuse que les conditions de rémunération, déjà très modestes dans les premières moutures de réforme, sont tombées au-dessous du seuil de pauvreté pour les lauréats du futur CAPES en M1 (900 euros par mois selon la dernière réunion du 6 mai entre les organisations syndicales et le Ministère), pour une durée d’engagement de cinq ans.

Les Clionautes, comme toujours, seront force de propositions et surtout d’actions, pour accompagner les étudiants dans la préparation du CAPES externe d’histoire-géographie et œuvrer à la formation initiale comme continue des enseignants.

 

Projet des écoles normales du XXIe siècle
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