Dès le mois d’avril 2018, lorsque nous avons appris que la « Doc Photo » qui nous à accompagnés et nous accompagne encore dans nos pratiques enseignantes, était remise en cause en termes d’orientation et de finalité, que plus de la moitié de son comité éditorial était démissionnaire, nous avons déployé tous les moyens dont nous disposons pour faire connaître cet engagement.
Parce que notre mouvement ne se résigne jamais nous relayons aujourd’hui l’action de nos collègues et nous les assurons de notre entier soutien.
Bruno Modica – Président des Clionautes
Chères et chers collègues, géographes, historien.ne.s, citoyen.ne.s,
En décembre 2017, le comité éditorial de la Documentation photographique apprenait le désir de la direction de la DILA (ex. Documentation française), éditrice de la revue, de modifier sa ligne éditoriale pour en faire une revue consacrée à l’éclairage de l’actualité. A la suite de cette réunion, plus de la moitié du comité démissionnait pour exprimer son désaccord avec cette orientation et rendait publiques ses raisons dans un texte paru dans Le Monde (« L’édition publique et le ‘parti pris de l’ignorance‘ « ) qui, transformé en pétition, rassemblait rapidement près de 3000 signataires.
À la demande des anciens membres démissionnaires, trois d’entre nous ont été reçus vendredi 5 octobre 2018 par M. Munch, directeur de la DILA, afin de mieux comprendre quel avenir attendait la Documentation Photographique. En dépit d’un attachement partagé à cette revue unique, ont surtout été confirmés de profonds désaccords sur les missions d’une telle publication.
Deux visions s’opposent en effet sur le rôle de l’édition publique.
La direction actuelle estime que son rôle se borne à la diffusion d’informations immédiatement utilisables et sur des sujets d’actualité très contemporains.
Nous avons défendu l’idée que le rôle de l’édition publique est de contribuer à la diffusion de la connaissance scientifique pour éclairer les citoyens et l’administration publique – ce qui suppose l’étude du contemporain mais également du lointain.
Nous croyons qu’il faut prendre le risque du détour, de l’éloignement, du dépaysement car ces expériences lointaines sont une source inépuisable d’enseignements, elles éclairent le présent en donnant à voir la multiplicité des manières d’être au monde.Cette divergence fondamentale sur le rôle de l’histoire et de la géographie dans la formation des citoyens et l’information des administrations nous paraît inquiétante.N’est-il pas utile, comme le pensaient les Résistants de 1947 qui fondaient la Documentation photographique, que les administrations de l’État bénéficient de ce si utile décentrement, historique ou géographique, pour penser l’autre, voir le différent, et envisager des possibles ?
Ne peut-on voir un lien entre ce renoncement des administrateurs du pays à prendre du recul, et à faire un pas de côté, et ce qui ressemble à une impasse de l’imaginaire politique ?
Alors, quel avenir pour la Documentation photographique ? À la DILA, plus aucun, au-delà des derniers numéros programmés. La direction dit étudier les conditions d’un transfert du titre à un éditeur privé dans le premier semestre 2019, avec le souci que les valeurs essentielles de la revue soient maintenues.
Nous ne pouvons qu’espérer qu’ainsi continuera cette belle revue, alliant qualité technique, exigence scientifique et accessibilité. Nos inquiétudes demeurent fortes.
Raphaëlle Branche, Olivier Milhaud, Pierre Méheust,
pour les membres démissionnaires du comité éditorial de La Documentation photographique